Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 28 mai 2009 et régularisée le 8 juin 2009, présentée pour B, épouse A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0805415, en date du 12 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 14 mai 2008, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an, mention vie privée et familiale , dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt et de lui enjoindre de procéder à un réexamen de sa situation et de prendre une décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée préalablement ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 311-9 et R. 311-19 de ce même code dès lors qu'elle a signé un contrat d'accueil et d'intégration ; que sa décision est au surplus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, signée par une autorité incompétente, est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celles des articles L. 311-9 et R. 311-19 de ce même code et des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination est entachée d'un vice de forme dès lors que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été respecté et qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 3 août 2009 présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée et qu'il n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour dès lors que Mme A n'entre pas dans le champ d'application des articles L. 313-11 et L. 314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que sa décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions des articles L. 311-9 et R. 311-19 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'obligation de quitter le territoire français est signée par une autorité compétente et ne méconnaît pas les dispositions précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de la légalité externe de la décision fixant le pays de destination, présenté pour la première fois en appel, est, par suite, irrecevable ; que Mme A, qui n'établit pas l'existence de menaces pesant sur elle en cas de retour dans son pays d'origine, n'est pas fondée à se prévaloir de ce que ladite décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Debbache, avocat de Mme A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Debbache ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, et alors même que les motifs de l'arrêté litigieux ne comportent pas de précision quant à certains éléments de fait caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressée, l'arrêté attaqué répond aux exigences de motivation telles que posées par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'au vu de la motivation en fait et en droit, le préfet du Rhône a procédé à un examen de la situation particulière de Mme A avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit :/ (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;
Considérant que Mme A ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle entre dans la catégorie qui ouvre droit au regroupement familial ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) et qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre à son encontre la décision du 14 mai 2008 portant refus de délivrance d'un titre de séjour dès lors que Mme A n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que Mme A, de nationalité bosniaque, est entrée en France âgée de 26 ans, sous couvert d'un passeport de court séjour, le 18 juillet 2007 ; que, le 24 novembre 2007, elle a épousé M. A, ressortissant bosniaque, bénéficiaire d'une carte de résidence de dix ans en sa qualité de réfugié ; que le 5 décembre 2007, Mme A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle fait valoir qu'elle réside depuis un an sur le territoire national avec son époux qui, réfugié politique depuis 2005, ne peut pas se rendre en Bosnie et qu'ainsi, le refus de titre de séjour opposé par le préfet du Rhône, le 14 mai 2008, la séparerait de son époux alors même qu'elle ne peut pas bénéficier du soutien de sa propre famille en Bosnie ; que, toutefois, la décision refusant à l'intéressée un titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de son époux ; que Mme A est entrée sur le territoire français à l'âge de 26 ans et y réside depuis moins d'un an ; qu'à la date de la décision attaquée, Mme A et son époux ne sont mariés que depuis six mois ; que l'allégation selon laquelle la famille de Mme A était opposée à son mariage n'est corroborée par aucun élément et ne saurait suffire pour démontrer que Mme A ne dispose plus d'attaches dans son pays d'origine ; que l'intéressée ne peut pas utilement se prévaloir de la date de son accouchement, prévue pour le 25 mai 2009, dès lors qu'elle n'était pas enceinte à la date de la décision contestée ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de Mme A en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de droit en refusant à Mme A la délivrance de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sa décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en dernier lieu, que selon l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française.(...) et qu'aux termes de l'article R. 311-19 de ce même code Le contrat d'accueil et d'intégration prévu à l'article L. 311-9 est souscrit par l'étranger mentionné au premier alinéa de cet article, sous réserve qu'il ne soit pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qu'il remplisse les conditions requises pour l'obtention : (..)d) D'une carte de séjour temporaire délivrée en application de l'article L. 313-11, à l'exception des étrangers mentionnés aux 3° et 11° de cet article, ou des articles L. 313-13, L. 313-14 et L. 316-1 (...) ;
Considérant que si Mme A ne produit pas de copie du contrat d'accueil et d'insertion qu'elle aurait conclu le 18 janvier 2008, soit quelques semaines après sa demande de titre de séjour et quatre mois avant l'intervention de la décision contestée, elle établit avoir participé à deux formations prescrites dans le cadre dudit contrat, à savoir une formation civique le 7 février 2008 et une formation sur la vie en France le 21 février 2008 ; que toutefois, la seule signature du contrat d'accueil et d'insertion, prévu pour accompagner la délivrance d'un titre de séjour, ne saurait engager l'Etat français à délivrer un titre de séjour ; qu'ainsi, en tout état de cause, Mme A n'est pas fondée à se prévaloir de l'existence d'un tel contrat pour contester le refus de titre de séjour opposé par le préfet du Rhône ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, d'une part, que l'exception d'illégalité soulevée par Mme A à l'encontre de la décision du préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire national doit être rejetée en conséquence du rejet des moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ;
Considérant, d'autre part, que la décision portant obligation de quitter le territoire français opposé à Mme A le 14 mai 2009, est signée par Mme Michèle Denis, Directrice de la règlementation de la préfecture du Rhône, laquelle avait régulièrement reçu délégation de signature du préfet du Rhône, par arrêté du 15 avril 2008, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la Préfecture, l'autorisant à signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige doit être écarté ;
Considérant, enfin, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que Mme A, qui peut prétendre au bénéfice du regroupement familial et par suite ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne serait séparée que temporairement de son époux ; que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et fixe le pays de destination ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, et qui porte plus particulièrement sur les droits de la défense, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel Mme A serait reconduite à l'expiration du délai imparti à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
Considérant, d'autre part, que le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de ce que la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement viole les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été soulevé par Mme A pour la première fois en appel ; que ce nouveau moyen est, par suite, irrecevable et ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C, épouse A, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône .
Délibéré après l'audience du 25 mars 2010 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Fontbonne, président assesseur
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2010.
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N° 09LY01157