Vu, dans l'instance enregistrée sous le n° 04LY01738, l'arrêt en date du 1er avril 2008 par lequel la Cour, avant-dire droit sur la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, a ordonné une expertise médicale en vue de déterminer dans quelle mesure les préjudices résultant du décès de M. A sont imputables aux complications infectieuses présentées par l'intéressé ;
Vu l'ordonnance en date du 15 avril 2009 du président de la Cour décidant du versement à l'expert d'une allocation provisionnelle d'un montant de 1600 euros ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 22 juillet 2009, le rapport de l'expert désigné par le président de la Cour ;
Vu, enregistré le 3 septembre 2009, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme qui maintient ses précédents moyens et conclusions ;
Vu, enregistré le 15 septembre 2009, le mémoire présenté pour le ministre de la défense qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, faisant en outre valoir que :
- la somme réclamée par l'Etat est fondée et imputable en totalité aux complications survenues lors de l'intervention du 5 novembre 1998 ;
- sans cette infection, M. A aurait pu reprendre son activité, la chimiothérapie étant compatible avec un maintien de son activité professionnelle ;
Vu, enregistrés les 13 octobre et 20 novembre 2009, les mémoires présentés pour les consorts A, qui maintiennent leurs précédents moyens et conclusions, demandant en outre que les entiers dépens soient laissés à la charge du CENTRE HOSPITALIER et exposant par ailleurs que :
- les complications neurologiques graves dont M. A a été victime sont la conséquence de l'infection qu'il a contractée ;
- son décès prématuré résulte de cette aggravation ;
- sa vie s'est trouvée abrégée du fait de cette infection de 21 à 33 mois et l'a privé d'une reprise de son activité professionnelle pour 18 à 24 mois ;
- la probabilité est de 20 à 30 % que son décès soit exclusivement imputable à l'infection ;
- les complications post opératoires sont la cause du décès, soit en tant que cause directe et certaine, soit en ce qu'elles ont pu favoriser la récidive ;
Vu l'ordonnance du 27 novembre 2009 par laquelle la présidente de la 6ème chambre a fixé la date de clôture de l'instruction au 11 décembre 2009 ;
Vu, enregistré le 9 décembre 2009, le mémoire présenté pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment, soutenant en outre que :
- l'infection dont a été victime M. A ne saurait être qualifiée de nosocomiale dès lors qu'elle était inévitable ;
- le cancer de M. A avait repris et il n'avait aucune chance de guérison définitive, son décès étant principalement la conséquence de l'évolution de sa maladie cancéreuse ;
- le CENTRE HOSPITALIER ne pourrait être condamné qu'à une fraction du préjudice pouvant au maximum être évaluée à 20 % ;
- il a perdu une chance de survie et de pouvoir travailler ;
- il n'y a pas lieu à indemnisation des pertes de revenus futurs mais seulement des pertes de revenus correspondant aux mois durant lesquels il aurait pu continuer à travailler, soit 18 à 24 mois ;
- seul peut être indemnisé le préjudice moral résultant de conditions de vie plus difficiles et non celui résultant du décès de l'intéressé, inéluctable ;
- les frais engagés par la caisse auraient dû être exposés ;
- pour l'Etat, une somme correspondant aux traitements versés durant 6 mois devrait être soustraite dès lors que l'intéressé aurait de toutes les façons dû arrêter de travailler 6 mois avant son décès ;
Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2010 du président de la Cour liquidant et taxant les frais d'expertise à la somme de 1 810 euros ;
Vu, enregistré le 9 février 2010, le mémoire présenté par le ministre de la défense ;
Vu, enregistré le 26 février 2010, le mémoire présenté pour les consorts A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me François, avocat des consorts A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Sur la responsabilité :
Considérant que par l'arrêt en date du 1er avril 2008 la Cour, avant-dire droit, a jugé, comme le Tribunal, que les complications infectieuses dont a été victime M. A à la suite de l'intervention subie le 5 novembre 1998 au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, qui étaient consécutives à l'introduction accidentelle dans l'organisme du patient, lors de cette intervention, d'un germe microbien d'origine hospitalière que l'antibiothérapie n'avait pas réussi à éradiquer, révélaient une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ; que faute pour le centre hospitalier de s'être pourvu en cassation contre cet arrêt, celui-ci est devenu définitif ; que ce caractère définitif fait obstacle à ce que le centre, qui soutient que l'infection contractée par M. A était inévitable et ne révélerait aucune faute de l'hôpital, remette en cause, à l'occasion d'un mémoire enregistré le 9 décembre 2009, l'autorité de chose jugée qui s'attache tant au dispositif de ce premier arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise, que si le décès de M. A, eu égard aux conditions d'évolution du cancer colorectal dont il était atteint, notamment de son extension rapide aux poumons et à l'absence, dans un tel cas, selon l'expert, de toute perspective de guérison définitive, trouve son origine dans une récidive de ce cancer, l'infection contractée à l'hôpital, a précipité l'issue de la maladie ; qu'en effet, elle a empêché la réalisation des examens et des traitements chimiothérapiques généralement pratiqués chez un patient atteint de cancer colorectal et présentant des lésions métastasiques pulmonaires alors que, selon l'expert, ces soins auraient permis, quoique sans la faire disparaître, de freiner l'évolution inexorable de ce cancer ; que l'expert considère que les complications infectieuses ont réduit de manière certaine l'espérance de vie de M. A de 21 mois et l'ont privé d'une vie presque normale pendant les 18 mois qui se sont écoulés jusqu'à son décès ; que sans être directement à l'origine du décès de M. A la faute du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND est ainsi de nature à en engager la responsabilité ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur les droits à réparation :
En ce qui concerne le préjudice patrimonial de M. A :
Quant aux dépenses de santé :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, qui a neutralisé une période d'un mois entre le 4 novembre et le 4 décembre 1998 correspondant à la durée normale d'hospitalisation pour l'intervention dont M. A a fait l'objet le 5 novembre 1998, a pris en charge les dépenses de santé pour le compte de son assuré à hauteur de 149 914,23 euros ; que ces dépenses étaient justifiées aussi bien par le traitement de la pathologie cancéreuse dont l'intéressé souffrait, que par l'infection dont il avait été victime ; que seuls les frais directement en lien avec cette infection peuvent donner lieu à remboursement par le CENTRE HOSPITALIER ; que, compte tenu notamment des informations apportées par le rapport d'expertise et par le médecin conseil de la caisse, il y a lieu, en l'espèce, de fixer à la somme de 80 000 euros le montant des frais devant ainsi être mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ;
Considérant que les frais de long séjour laissés à la charge de M. A s'élèvent à la somme de 2 896,53 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND devra payer cette somme à Mme A, en sa qualité d'ayant droit de son époux ;
Quant aux pertes de revenus :
Considérant que, selon l'expert, M. A aurait pu, en l'absence d'infection, mener une existence normale lui permettant ainsi de travailler au moins jusqu'en avril 2000 ; qu'il y a donc lieu d'indemniser la perte de revenus jusqu'à son décès en mars 2000 ; que si M. A, qui ne travaillait plus, n'a subi aucune perte de rémunération, l'Etat justifie avoir continué à lui verser entre le 5 novembre 1998 et le 31 mars 2000 les traitements, indemnités et charges patronales afférentes pour un montant total de 42 596,24 euros ; que c'est ainsi à bon droit que le Tribunal a alloué cette somme à l'Etat ;
En ce qui concerne le préjudice de Mme A, de Mme Sandrine A, épouse Dubois et de M. Laurent A :
S'agissant du préjudice patrimonial de Mme A :
Considérant que Mme A justifie avoir conservé à sa charge la somme de 2 271 euros correspondant à des frais de déplacement entre son domicile de Romagnat et les différentes implantations du CENTRE HOSPITALIER où était hospitalisé M. A ; que cette somme doit être mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction comme il l'a été dit ci-dessus que, selon le second expert missionné par la Cour, les complications infectieuses dont M. A a été victime ont diminué de 21 mois son espérance de vie calculée à compter de la date de son décès le 24 mars 2000 ; qu'eu égard aux revenus perçus par le couple et à la part du budget du ménage consacrée à Mme A, pouvant être estimée à 50 %, le décès de M. A a entraîné pour son épouse, après déduction de la pension de réversion perçue par cette dernière, une perte de revenus qui, dans les limites de cette période de 21 mois, peut, dans les circonstances de l'espèce, être évaluée à 15 000 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas démontré que le décès prématuré de M. A aurait entraîné pour son épouse des pertes de droits à la retraite ;
S'agissant du préjudice personnel des consorts A :
Considérant que le préjudice personnel enduré par les intéressés doit, en l'espèce, être estimé à 10 000 euros pour Mme A et à 2 000 euros pour chacun de ses deux enfants ; qu'il y a lieu de mettre ces sommes à la charge du centre hospitalier et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sommes de 93 345,78 euros, 3 000 euros, 3 000 euros et 149 914,23 euros que le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND à verser respectivement à Mme A, à Mme Sandrine A, à M. Laurent A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme doivent être ramenées à 30 167,53 euros, 2 000 euros, 2 000 euros et 80 000 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND est ainsi seulement fondé à soutenir que le montant des indemnités mises à sa charge par le Tribunal est excessif ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND les frais de l'expertise ordonnée par la Cour dans son arrêt avant dire droit du 1er avril 2008, d'un montant de 1 810 euros ;
Sur l'indemnité forfaitaire :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 966 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 1er décembre 2009 ; qu'il y a lieu de lui allouer cette somme ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les demandes présentées par les consorts A et par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND ne peut être regardé comme partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Les indemnités de 93 345,78 euros, 3 000 euros et 3 000 euros que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par son jugement du 5 octobre 2004, condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND à verser à Mme A, à Mme Sandrine A et à M. Laurent A sont ramenées respectivement à 30 167,53 euros, 2 000 euros et 2 000 euros.
Article 2 : L'indemnité de 149 914,23 euros que le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a, par son jugement du 5 octobre 2004, condamné le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme est ramenée à 80 000 euros. Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 966 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Les frais de l'expertise, qui s'élèvent à 1 810 euros, sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE CLERMONT-FERRAND, à Mme Aimé A, à Mme Sandrine Dubois, à M. Laurent A, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et au ministre de la défense.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 avril 2010.
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