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06/04/2010 | FRANCE | N°08LY00638

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 5, 06 avril 2010, 08LY00638


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2008 au greffe de la Cour, présentée pour la société anonyme (SA) L'AIGUILLE PERCEE, dont le siège est Le Rosset à Tignes (73320) ;

La SA L'AIGUILLE PERCEE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305435, en date du 13 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clo

s les 31 mai 1999, 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ainsi que ...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2008 au greffe de la Cour, présentée pour la société anonyme (SA) L'AIGUILLE PERCEE, dont le siège est Le Rosset à Tignes (73320) ;

La SA L'AIGUILLE PERCEE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305435, en date du 13 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 1999, 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ainsi que la restitution des sommes versées à tort, assorties des intérêts de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre le remboursement des droits de timbre acquittés lors du dépôt des différentes requêtes ;

La SA L'AIGUILLE PERCEE soutient que :

- les impositions réclamées par l'administration ayant fait l'objet des provisions litigieuses, ne devaient être provisionnées qu'à partir de la notification des avis d'imposition complémentaires, qui est postérieure à la fusion, et non à compter de la date de notification des redressements ;

- la décision de provisionner ou non une charge constitue une décision de gestion et non une contrainte ;

- la simple notification d'un redressement fiscal ne rend pas quasi-certaine la charge fiscale qui en découle et ne constitue pas ainsi en soi une charge suffisamment certaine pour être transformée en dette à l'occasion de la fusion ; la société absorbée pouvait choisir librement de provisionner qu'une partie du risque lié aux notifications de redressements datées des 19 et 24 février 1998 et elle n'était pas obligée de passer une provision en l'absence de notification des avis d'imposition qui ont été adressés après la fusion ;

- la charge n'ayant pas été provisionnée par la société absorbée, elle pouvait être provisionnée par la société absorbante postérieurement à la fusion ;

- aucune obligation ne découle de l'article 210 A du code général des impôts ;

- sa position sur le bien-fondé de la provision étant discutable et la simple existence d'un rapport du commissaire à la fusion ne constituant qu'une analyse financière et non fiscale, sa mauvaise foi n'est pas établie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les conclusions de la société requérante sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme globale de 86 491 euros dès lors que sa réclamation était limitée aux redressements en base qui lui ont été notifiés en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1998-1999 à hauteur de 83 680 euros, et aux pénalités de mauvaise foi qui lui ont été infligées au titre des exercices clos en 1999, 2000 et 2001 pour des montants respectivement de 25 754 euros, 11 346 euros, et 11 346 euros ;

- la société absorbée avait provisionné une partie du montant des redressements qui lui avaient été notifiés avant la fusion et le surplus ne pouvait plus être provisionné par la société absorbante postérieurement à la fusion ; ces charges étaient en effet suffisamment prévisibles à la date de la fusion à la suite des notifications de redressements et ne constituaient pas des charges d'exploitation de la société absorbante mais un élément du coût d'acquisition des éléments d'actifs recueillis alors même qu'ils n'ont pas été compris dans l'état du passif produit par la société absorbée et que la société absorbée n'était pas tenue de passer une provision ; seule la société absorbée était en droit de constituer une provision au moment de la clôture de l'exercice d'arrêté des comptes de fusion ;

- l'avis de mise en recouvrement de ces impositions ayant été reçu le 14 janvier 1999 après la fusion, la charge était ainsi devenue certaine dans son principe et son montant pour la société requérante et n'était, au surplus et en tout état de cause, plus probable à la date du premier exercice clos suivant la fusion, aucune provision ne pouvait être déduite du résultat imposable de l'intéressée ;

- la bonne foi de la société requérante ne saurait être retenue dès lors qu'elle a volontairement minoré ses résultats en choisissant de ne pas constater, dans la comptabilité de la société absorbée, de provision pour le montant des redressements notifiés dont elle avait connaissance ; la transaction, et la décision gracieuse qui s'est ensuivie, ne saurait démontrer la bonne foi de la société ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 octobre 2009, présenté pour la SA L'AIGUILLE PERCEE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que sa demande est recevable, que même si elle avait reçu l'avis de mise en recouvrement, elle a régulièrement provisionné les sommes en litige dès lors que la charge restait probable du fait de sa contestation des impositions, laquelle s'est soldée par une négociation en 2003 ;

Vu l'ordonnance en date du 9 novembre 2009 fixant la clôture d'instruction au 4 décembre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2010 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que la société en nom collectif (SNC) L'Aiguille Percée, dont le capital était détenu majoritairement par la société anonyme (SA) Zaragoza, exploitait un hôtel à Tignes ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre de l'année 1996, l'administration lui a notifié, les 19 janvier et 24 février 1998, des redressements en matière de droits d'enregistrement et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SNC L'Aiguille Percée a comptabilisé le 31 mai 1998, date de clôture de ses comptes de l'exercice 1997-1998, une provision pour risque à hauteur de 1 262 594 francs correspondant à une partie de ces redressements notifiés ; que, par une convention conclue le 2 novembre 1998, la SA Zaragoza Finances a absorbé, avec effet rétroactif au 31 mai 1998, la SNC L'Aiguille Percée ; qu'elle est devenue, à compter du 31 mai 1999, la SA L'Aiguille Percée ; qu'au titre des exercices clos les 31 mai 1999, 2000 et 2001, la SA L'Aiguille Percée, société absorbante, a constitué des provisions complémentaires correspondant au solde des redressements notifiés en 1998 à l'encontre de la SNC L'Aiguille Percée ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité dont la SA L'AIGUILLE PERCEE a fait l'objet au cours de l'année 2002, l'administration a, dans le cadre de la procédure contradictoire, notamment remis en cause ces provisions complémentaires constituées par la SA L'AIGUILLE PERCEE au motif qu'à la date de la fusion, les redressements notifiés en 1998 étaient suffisamment prévisibles et qu'ils constituaient ainsi un élément du prix d'acquisition ; que la SA L'AIGUILLE PERCEE relève appel du jugement n° 0305435 du 13 novembre 2007 du Tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 1999, 2000 et 2001 à raison de la réintégration de ces provisions complémentaires dans ses bénéfices ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que la SA L'AIGUILLE PERCEE soutient que les provisions litigieuses sont justifiées dès lors que la charge fiscale résultant des redressements notifiés en 1998, mais dont les avis d'imposition ont été adressés le 14 janvier 1999 après la fusion, n'était pas suffisamment certaine pour être transformée en dette à l'occasion de cette fusion, que la société absorbée pouvait choisir librement de ne provisionner qu'une partie de ces redressements, que le surplus des redressements en cause, qui n'avait pas été provisionné par la société absorbée, ne pouvait ainsi constituer un élément du prix d'acquisition pour la société absorbante et pouvait faire l'objet de provisions complémentaires postérieurement à la fusion ;

Considérant toutefois qu'en cas notamment de fusion de sociétés ou d'apport d'actif par voie de scission, la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif, ce passif ne comprenant que les dettes et charges qu'il était possible de connaître ou de prévoir lors de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport ;

Considérant que, comme le fait valoir le ministre, la charge fiscale résultant des redressements qui ont fait l'objet des provisions litigieuses était prévisible à la date de la fusion dès lors que ces redressements avaient été notifiés à la SNC L'Aiguille Percée antérieurement à la clôture de l'exercice d'arrêté des comptes pour l'évaluation de la société absorbée, que la société absorbante ne pouvait ignorer l'existence de cette charge fiscale alors que, notamment, le rapport du commissaire aux apports concernant la fusion indiquait, à propos des conditions de la fusion, que les passifs pris en charge par la SA L'AIGUILLE PERCEE, société absorbante, étaient sous-évalués en raison notamment d'une comptabilisation partielle du contrôle fiscal en cours et précisait le montant sous-évalué ; qu'ainsi, et même si les avis d'imposition relatifs à ces redressements ont été adressés le 14 janvier 1999 postérieurement à la fusion et le litige fiscal s'est terminé au cours de l'année 2003, les redressements notifiés les 19 janvier et 24 février 1998 doivent être regardés, non comme une charge d'exploitation se rattachant à la gestion de la société absorbante pouvant justifier l'inscription d'une provision, mais comme une dette de la société absorbée prévisible avant la fusion et ayant eu pour effet de réduire la valeur de l'actif net apporté par cette dernière et de minorer la valeur de la prime de fusion et le coût d'acquisition de la société absorbée ; que ces redressements constituant ainsi un élément du coût d'acquisition de l'actif recueilli par la SA L'AIGUILLE PERCEE, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des provisions complémentaires pour litige qu'elle avait constituées ;

Sur les pénalités :

Considérant, que le ministre établit, pour les trois exercices litigieux, la volonté délibérée, de la part de la SA L'AIGUILLE PERCEE d'éluder l'impôt en relevant que la société absorbante connaissait parfaitement la situation de la société absorbée au moment de la fusion notamment la sous-évaluation des passifs de cette dernière résultant d'une comptabilisation partielle des redressements fiscaux notifiés en janvier et février 1998, que la société absorbante a cependant décidé de maintenir cette sous-évaluation des passifs, minorant ainsi le mali de fusion, que cette société a constaté, immédiatement après la fusion, des provisions complémentaires afférentes à des charges qui incombaient à la société absorbée, qu'elle a, ce faisant, minorer volontairement ses résultats imposables ; que, dès lors et compte tenu des liens entre les deux sociétés, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'absence de bonne foi de la société requérante et que c'est à bon droit que les pénalités de 40 % pour mauvaise foi lui ont été appliquées sur le fondement des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par le ministre, que la SA L'AIGUILLE PERCEE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA L'AIGUILLE PERCEE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA L'AIGUILLE PERCEE et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2010 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, présidente,

M. Monnier, M. Pourny et M. Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 avril 2010.

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N° 08LY00638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 08LY00638
Date de la décision : 06/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : CABINET IXA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-04-06;08ly00638 ?
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