Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2007, présentée pour M. François A, domicilié ..., Mme Jacqueline A, épouse B, domiciliée ..., et M. Elie A, domicilié ... ;
Ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0501420, en date du 16 novembre 2006, en tant que le Tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de leur demande, qui tendait à ce que la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) soit condamnée, d'une part à leur verser la somme de 268 732 euros en réparation des préjudices causés à leurs propriétés de Villeroy par des travaux autoroutiers, d'autre part à réaliser des travaux de remise en état, et a limité la somme qui leur a été allouée à un montant de 74 800 euros ;
2°) de prononcer la condamnation et l'injonction demandées ;
3°) de condamner la SAPRR à leur verser une somme de 7 622,45 euros au titre des frais afférents à une expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Paris ;
4°) de mettre à la charge de la SAPRR une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- c'est à bon droit que le Tribunal a retenu le principe de la responsabilité, s'agissant de dommages de travaux publics causés à des tiers ;
- ils ont subi des préjudices forestiers, un lavoir a été endommagé et les sols devront être assainis et drainés ;
- ils ont subi des troubles de jouissance, leurs propriétés étant inlouables et invendables et le bois ne pouvant plus être exploité ;
- enfin, une solution réparatrice devra être mise en oeuvre ;
- il est possible d'enjoindre à la SAPRR de procéder aux travaux nécessaires pour faire cesser les désordres ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2009, présenté pour la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) ; elle conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable comme tardive ;
- subsidiairement, elle admet le principe de la responsabilité, mais les solutions techniques réparatrices ne sont pas nécessaires et les préjudices allégués ne sont pas établis ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2009, présenté pour M. A et les autres requérants ; ils concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Ils ajoutent que leur requête n'est pas tardive, dès lors que le jugement leur a été notifié le 28 novembre 2006, et non le 18 novembre ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 février 2010, présenté pour la SAPRR ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 février 2010, présenté pour M. A et les autres requérants ; ils concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 Pluviose an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2010 :
- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;
- les observations de Me Manhouli, avocat de la SAPRR ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;
Considérant qu'à la suite de travaux autoroutiers réalisés en 1995 par la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR), le volume des eaux de ruissellement se déversant sur des propriétés appartenant à M. A et aux autres requérants dans la commune de Villeroy a été multiplié par 4,7 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon, après avoir retenu le principe de la responsabilité de la SAPRR au titre des dommages de travaux publics, a limité à un montant total de 74 800 euros la somme qu'elle a été condamnée à verser aux requérants et a rejeté leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAPRR de procéder à des travaux pour mettre fin à tout ruissellement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la SAPRR :
Considérant que si, par une erreur de plume, les requérants ont indiqué dans leur requête que le jugement attaqué leur aurait été notifié le 18 novembre 2006, il ressort de l'instruction que ce jugement leur a été notifié par un courrier en date du 28 novembre 2006 ; que, dès lors, leur requête, enregistrée le 29 janvier 2007, n'est pas tardive ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que le principe de la responsabilité n'est pas contesté ; que le litige ne porte que sur les montants alloués au titre de l'indemnisation des différents chefs de préjudice, hormis le coût de réfection du lavoir (8 000 euros) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des constatations de l'expert commis par le juge judiciaire, que l'augmentation de l'hydromorphie des terrains a eu un effet asphyxiant sur le sol et les racines, entraînant la mort ou le dépérissement de nombreux arbres ; qu'il évalue le préjudice en résultant à un montant global compris entre 57 200 euros et 67 046 euros ; qu'en allouant aux requérants à ce titre une somme de 65 000 euros, le Tribunal n'en a pas fait une appréciation insuffisante ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'expert susmentionné a indiqué que les frais d'assainissement et de drainage devaient être évalués à un montant compris entre 1 524 euros et 1 829 euros ; que, dès lors, en allouant aux requérants une somme de 1 800 euros, le Tribunal n'en a pas fait une appréciation insuffisante ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir que les propriétés litigieuses auraient été mises hors d'état d'être louées, vendues ou exploitées commercialement, et à en déduire selon une méthode purement forfaitaire un manque à gagner, sans qu'il soit pour autant établi que les propriétaires auraient effectivement souhaité affecter ces propriétés à un tel usage et n'auraient pu le faire, les requérants n'établissent pas la matérialité du préjudice qu'ils alléguent ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence qu'ils ont subis dans la jouissance de leurs biens en leur allouant une somme de 6 000 euros ;
Considérant, en quatrième lieu, que les préjudices qui pourraient découler de la réalisation par la SAPRR de travaux ayant pour objet de mettre fin au ruissellement ne présentent qu'un caractère éventuel ; qu'ils ne peuvent dès lors donner lieu à indemnisation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'en principe il n'appartient pas aux juridictions administratives, en l'absence de texte le prévoyant expressément, d'adresser des injonctions à une autorité administrative ; qu'en particulier, elles ne peuvent être saisies de conclusions tendant à titre principal à ce que soit prescrite la réalisation de travaux publics ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que les conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAPRR de procéder à de tels travaux étaient irrecevables ;
Sur les dépens afférents à l'instance engagée devant le juge judiciaire :
Considérant que les requérants ont demandé au juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris d'ordonner une expertise afin d'établir les causes et l'étendue des préjudices causés à leurs propriétés à la suite des travaux autoroutiers litigieux ; qu'il résulte des pièces produites en appel qu'ils ont conservé à leur charge une partie des honoraires de l'expert ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAPRR la somme de 10 504,19 euros qu'ils ont exposée à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et les autres requérants sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon n'a pas porté à un montant total de 91 304,19 euros la somme que la SAPRR a été condamnée à leur verser ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SAPRR la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la SAPRR et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône a été condamnée à verser à M. A et aux autres requérants est portée à un montant total de 91 304,19 euros.
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 16 novembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône versera à M. A et aux autres requérants une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et des autres requérants est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. François A, à Mme Jacqueline A, épouse B, à M. Elie A et à la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 février 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2010.
''
''
''
''
1
2
N° 07LY00228