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17/03/2010 | FRANCE | N°09LY01651

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 17 mars 2010, 09LY01651


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 juillet 2009, présentée pour M. Goran A, élisant domicile ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903629 en date du 22 juin 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 17 juin 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comm

e destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmention...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 20 juillet 2009, présentée pour M. Goran A, élisant domicile ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903629 en date du 22 juin 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 17 juin 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire une autorisation provisoire de séjour ou, à titre plus subsidiaire, une assignation à résidence, en cas d'annulation de la seule décision fixant le pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre est entaché d'une erreur de fait s'agissant de sa nationalité et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, ainsi que les dispositions de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles, dès lors que ses quatre enfants demeurent en France ; que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre sur sa situation personnelle et familiale ; que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur de fait et de droit dès lors qu'elle mentionne une nationalité erronée ; qu'elle viole les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des discriminations dont il serait victime en Serbie en raison de son appartenance à la communauté rom et en raison de l'impossibilité dans laquelle seraient ses filles de le rejoindre dans ce pays ; que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, dès lors qu'elle le sépare de ses enfants qui ne pourront bénéficier d'un laissez-passer de la part des autorités serbes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 novembre 2009, le mémoire en défense présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge du requérant de la somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en l'absence de moyen d'appel ; à titre subsidiaire, que la mention, dans l'arrêté querellé, de la nationalité serbe et monténégrine de M. A est une simple erreur matérielle, sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement ; que cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ne porte pas davantage atteinte à l'intérêt supérieur des enfants du requérant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles ; que la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'une erreur de fait ou de droit en raison de la mention de la nationalité serbe et monténégrine de M. A, qui relève d'une simple erreur matérielle ; que le requérant qui n'établit pas encourir personnellement des risques en cas de retour en Serbie, n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance, par la décision fixant le pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision ne méconnaît davantage ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2010 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- les observations de Me Petit, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant de nouveau été donnée à Me Petit,

Vu la note en délibéré présentée le 4 mars 2010 par le préfet du Rhône ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;

Considérant que la requête de M. A, qui comporte une critique du jugement attaqué, ne peut être regardée comme irrecevable au regard des dispositions précitées ;

Sur la légalité des décisions en litige :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant que M. A, de nationalité serbe, ne pouvait justifier être entré régulièrement en France et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 17 juin 2009 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a quatre filles mineures, qui sont présentes en France et que le juge des enfants au tribunal de grande instance de Lyon a, par jugement du 4 juin 2009, confiées aux services de l'aide sociale à l'enfance du Rhône du 4 juin 2009 au 30 juin 2010, en accordant à leur père un droit de visite ; que, par arrêt du 13 mai 2008, la cour de céans, statuant sur un appel formé par le préfet du Rhône contre un jugement du 29 janvier 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon avait annulé, comme méconnaissant les stipulations précitées, un précédent arrêté, en date du 25 janvier 2008, ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, a constaté que l'autorité préfectorale avait pris l'engagement, si celui-ci rejoignait la Serbie, de lui délivrer des laisser-passer pour lui permettre de rendre visite à ses enfants tant qu'il n'aura pas été possible d'obtenir des autorités serbes qu'elles accueillent ces enfants en Serbie et a estimé que cet engagement pris devant la Cour était de nature à préserver l'intérêt supérieur des enfants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'après le retour en Serbie de M. A, l'administration avait, à la date de l'arrêté en litige, fait en sorte, conformément à l'engagement dont fait état cet arrêt du 13 mai 2008, que lui fût donnée la possibilité de venir en France de façon que ses filles puissent recevoir sa visite ; que, sur ce point, la légalité d'une décision administrative devant être appréciée à la date à laquelle elle a été prise, le préfet du Rhône ne saurait se prévaloir utilement de la circonstance que, depuis le 19 décembre 2009, compte tenu des modifications apportées au règlement du Conseil de l'Union Européenne n° 539/2001, le requérant pourrait, à condition d'être titulaire d'un passeport biométrique, venir librement en France ; que, dans ces circonstances, l'arrêté de reconduite à la frontière du 17 juin 2009 est intervenu sans que l'intérêt supérieur de ces enfants ait été suffisamment pris en compte, en méconnaissance des stipulations précitées ; qu'il est, dès lors entaché d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. A ; qu'il implique seulement celle d'une autorisation provisoire de séjour ; qu'il sera imparti à cet effet un délai de deux mois au préfet du Rhône ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre une somme de 1 000 € à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés par M. A ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0903629 en date du 22 juin 2009, l'arrêté du 17 juin 2009 portant reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 € à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et les conclusions présentées par le préfet du Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Goran A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Lu en audience publique, le 17 mars 2010.

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N° 09LY01651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01651
Date de la décision : 17/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-17;09ly01651 ?
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