Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008, présentée pour M. Bernard A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0601701 du 6 mars 2008 en tant qu'il a limité à la somme de 20 000 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;
2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 298 800 euros avec intérêts de droit à compter de la demande et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les premiers juges ont sous-évalué certains de ses préjudices dans la mesure où son préjudice professionnel est établi à hauteur de 143 800 euros ; que ses troubles dans la vie courante doivent être évalués à 150 000 euros, son pretium doloris à 5 000 euros et que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réparation d'un préjudice de contamination ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2008, le mémoire présenté pour la compagnie AGF qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; elle soutient que le Tribunal a fait une juste appréciation des préjudices nés de la contamination ; que le lien de causalité entre l'affection hépatique de la victime et le préjudice professionnel allégué n'est pas établi ; que le requérant n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice de contamination ;
Vu, enregistré le 16 décembre 2008, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices de la victime ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté l'indemnisation d'un préjudice de contamination ; que le lien de causalité entre l'hépatite C qui affecte M. A et le préjudice professionnel qu'il invoque n'est pas établi ;
Vu, enregistré le 2 février 2009, le mémoire présenté sans ministère d'avocat par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
Vu, enregistré le 15 mai 2009, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut aux mêmes fins que précédemment et à la confirmation du jugement attaqué, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :
- le rapport de Mme Serre, présidente ;
- les observations de Me Curtil, avocat de M. A et de Me Baghdasarian, avocat de la compagnie AGF ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etablissement français du sang à verser une indemnité de 20 000 euros à M. A en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et une somme de 19 426,85 euros, outre intérêts au taux légal, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne en remboursement des débours exposés pour le compte de son assuré social ; que M. A fait appel de ce jugement et demande la majoration des indemnités accordées par les premiers juges, cependant que l'Etablissement français du sang, qui ne conteste pas le lien de causalité entre les transfusions litigieuses et la contamination de la victime, conclut au rejet de la requête ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant que M. A, né en 1955, a été contaminé en 1987 par le virus de l'hépatite C, cette contamination ayant été diagnostiquée en 1993 ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux pertes de revenus :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Dijon, que M. A a subi une incapacité temporaire totale de 6 mois directement imputable à l'affection hépatique dont s'agit ; que si cette période d'incapacité temporaire totale a entraîné une perte de revenus, M. A ne justifie pas que cette perte serait supérieure à celle qui a été compensée par les indemnités journalières que la caisse lui a versées ; que, par ailleurs, les pertes de revenus futurs qu'il invoque et la nécessité d'une cessation d'activité dès l'âge légal de la retraite en raison de son affection hépatique ne présentent pas de caractère certain dès lors que cette affection est qualifiée de peu symptomatique par l'expert et qu'elle nécessite un simple suivi ;
Quant à l'incidence professionnelle :
Considérant que si M. A n'établit pas que son affection hépatique serait à l'origine d'une perte de chance de conserver un emploi régulier ou de son licenciement alors qu'il a produit, notamment, la copie d'une lettre de licenciement, en date du 12 mars 1992, motivé par la fin du chantier sur lequel il était employé, il résulte de l'instruction qu'il souffre d'asthénie et de dépression imputables à la contamination par le virus de l'hépatite C et que la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue en catégorie B pour la période du 23 janvier 2004 au 23 janvier 2009 ; qu'ainsi, l'incidence professionnelle du dommage corporel a été sous estimée par les premiers juges et la somme de 5 000 euros qu'ils ont allouée à ce titre doit être portée à 15 000 euros ;
S'agissant des préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Dijon, que M. A reste atteint d'une hépatite C chronique d'activité modérée qualifiée de peu symptomatique ; qu'il souffre d'une asthénie importante, a été contraint de subir un traitement antiviral qui a engendré des effets secondaires, notamment un syndrome dépressif, sans parvenir à éradiquer le virus de son organisme et des ponctions biopsies hépatiques ; que l'expert a évalué à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées, à 2 sur une échelle de 7 le préjudice d'agrément et a fixé à 10 % le taux d'incapacité permanente partielle imputable à l'affection dont s'agit ; que M. A doit s'astreindre à une surveillance médicale régulière, subit des troubles de toute nature dans les conditions d'existence en raison de la contamination virale et éprouve des craintes légitimes quant à l'évolution de son état de santé ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des troubles ainsi provoqués dans les conditions d'existence du requérant, qui incluent le préjudice spécifique de contamination lié notamment à l'anxiété, en portant à 20 000 euros le montant de l'indemnisation accordée à ce titre par le Tribunal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a limité à la somme de 20 000 euros la condamnation mise à la charge de l'Etablissement français du sang et à demander que son montant soit porté à 35 000 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité due par l'Etablissement français du sang à compter du 7 décembre 2006, date de sa demande préalable ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que quelque somme que ce soit, soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ; que les conclusions présentées à cette fin par l'Etablissement français du sang et par les AGF doivent donc être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 20 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à M. A par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Dijon est portée à 35 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 7 décembre 2006.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0601701 du 6 mars 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etablissement français du sang versera à M. A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard A, à l'Etablissement français du sang, à la compagnie AGF et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2010.
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N° 08LY01015