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09/03/2010 | FRANCE | N°08LY00261

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 mars 2010, 08LY00261


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour M. Frédéric A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0601894 du 4 décembre 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 13 000 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 630 000 euros et de mettre à la charge de c

e dernier une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code ...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2008, présentée pour M. Frédéric A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0601894 du 4 décembre 2007 en tant qu'il a limité à la somme de 13 000 euros la condamnation de l'Etablissement français du sang destinée à réparer les préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) de porter la condamnation de l'Etablissement français du sang à la somme de 630 000 euros et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont engagé la responsabilité de l'Etablissement français du sang à raison de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ; que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas retenu l'existence de préjudices professionnel, d'agrément, de co-infection et de contamination ; que les premiers juges ont sous-évalué les souffrances endurées et le préjudice sexuel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 9 octobre 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse qui conclut à l'annulation du jugement attaqué, à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 1 164,89 euros au titre de ses débours, une somme de 388 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et une somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que c'est à bon droit que la responsabilité de l'Etablissement français du sang a été engagée dans la contamination litigieuse ; que les débours dont elle demande le remboursement sont imputables à l'infection de M. A par le virus de l'hépatite C ;

Vu, enregistré le 18 décembre 2008, le mémoire présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de M. A et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'il ne conteste pas le principe de sa responsabilité ; que c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté l'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination, d'un préjudice professionnel, d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice de co-infection ; que s'agissant du préjudice de la douleur et du préjudice affectivo-sexuel, M. A recherche l'indemnisation de préjudices déjà réparés par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH ; que l'indemnité réparant les préjudices de la victime ne saurait excéder la somme allouée par les premiers juges ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse n'établit pas que les débours dont elle demande le remboursement présentent un lien direct et certain avec la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C ; qu'il est substitué aux droits et obligations du centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand à raison des activités transfusionnelles passées de ce dernier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire des gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Larcher, avocat de l'Etablissement français du sang et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l'Etablissement français du sang à verser une indemnité de 13 000 euros à M. A en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse tendant au remboursement des débours exposés pour le compte de la victime ; que M. A fait appel de ce jugement et demande la majoration des indemnités accordées par les premiers juges, cependant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse reprend en partie ses conclusions de première instance ; que, ne contestant pas le lien de causalité entre les transfusions litigieuses et la contamination de la victime, l'Etablissement français du sang conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. A, né en 1967, hémophile, a subi de nombreuses transfusions et s'est trouvé ainsi atteint d'une hépatite C chronique sans activité virale sur la fonction et la structure hépatiques diagnostiquée en 1991 ; qu'il a, par ailleurs, été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine, cette contamination ayant fait l'objet d'une indemnisation par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles ;

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse produit en appel le détail des frais médicaux et des actes de biologie exposés de 1991 à 2006 dont le lien avec l'affection hépatique est attesté par le médecin conseil ; qu'elle doit ainsi être regardée comme justifiant avoir pris en charge ces dépenses en relation avec la contamination par le virus de l'hépatite C pour un montant de 1 164,89 euros ; qu'il y a lieu de lui allouer cette somme ;

Quant à l'incidence professionnelle :

Considérant qu'il n'est pas établi que la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C soit directement à l'origine des difficultés qu'il a rencontrées pour contracter un emprunt à des fins professionnelles alors que l'intéressé est par ailleurs contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine et présente une hémophilie majeure ainsi qu'une cardiopathie ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'hépatite C chronique peu active dont est atteint M. A aurait engendré par elle-même une altération de sa condition physique de nature à affecter ses capacités professionnelles ;

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, comme il l'a été dit plus haut, M. A est atteint d'une hépatite C chronique sans activité virale sur la fonction et la structure hépatiques ; que cette affection n'a pas nécessité la mise en oeuvre d'un traitement antiviral ; que l'expert a évalué de 2,5 à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées ; que, par ailleurs, alors que l'intéressé est également contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine, l'existence d'un préjudice sexuel et affectif imputable particulièrement à l'affection hépatique ne peut être regardée comme établie ; que l'existence d'un préjudice de co-infection ne résulte pas de l'instruction, l'expert ayant à cet égard relevé que ce n'est que lorsque l'infection à virus de l'immunodéficience humaine (en sa phase de séropositivité) est mal maîtrisée , ce qui n'est pas le cas chez M. A, que la présence concomitante du virus de l'hépatite C semble avoir des effets délétères sur la première ; qu'enfin, compte tenu de la très faible activité du virus de l'hépatite C, la présence de ce dernier dans l'organisme de la victime ne saurait être regardée comme étant à l'origine d'un préjudice d'agrément au demeurant non établi ; que, dans ces circonstances, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de l'ensemble des préjudices à caractère personnel de la victime, imputables aux seules conséquences de la contamination litigieuse et résultant des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris du préjudice provoqué du fait des craintes légitimes éprouvées quant à l'évolution de son état de santé, en lui en allouant une somme de 13 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu (...) ; qu'il y a ainsi lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse la somme de 388 euros qu'elle demande au titre de l'indemnité forfaitaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal a sous évalué l'indemnité que l'Etablissement français du sang devait être condamné à lui verser et que la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse est fondée à demander à l'Etablissement français du sang le remboursement de ses débours pour 1 164,89 euros ainsi que le versement de l'indemnité forfaitaire ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre les frais de l'expertise à la charge de l'Etablissement français du sang ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que quelque somme que ce soit soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante à l'égard de M. A, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle à ce que la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante à l'égard de l'Etablissement français du sang, verse une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à ce que M. A lui verse 3 000 euros sur le fondement de ces dispositions, ni à celles de la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse tendant à ce que l'Etablissement français du sang lui verse une somme de 750 euros ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etablissement français du sang est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse une somme de 1 164,89 euros ainsi qu'une somme de 388 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Etablissement français du sang.

Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n° 0601894 du 4 décembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La requête de M. A et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Frédéric A, à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Creuse. Copie en sera adressée à M. Bernard Genetet (expert).

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mars 2010.

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No 08LY00261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00261
Date de la décision : 09/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : BAUDON CHRISTINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-09;08ly00261 ?
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