Vu, I, sous le n° 09LY01356, la requête, enregistrée le 17 juin 2009 à la Cour, présentée pour Mme Julienne A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900745, en date du 5 mai 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 août 2008 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est à la charge de ses filles ; que la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'a plus de famille au Cameroun et que ses deux filles sont installées en France ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre sur laquelle elles se fondent ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet qui n'a pas produit d'observations ;
Vu, II, sous le n° 09LY01355, la requête, enregistrée le 17 juin 2009 à la Cour, présentée pour Mme Julienne A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) de décider le sursis à exécution du jugement n° 0900745 en date du 5 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 août 2008 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'arrêt de la Cour ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, que l'exécution du jugement aurait des conséquences difficilement réparables ; que les moyens articulés dans sa requête en annulation susvisée, enregistrée sous le n° 09LY01355, sont suffisamment sérieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le courrier, en date du 21 juillet 2009, par lequel le président de la formation de jugement a indiqué aux parties que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la demande de sursis à exécution du jugement en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2008 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 juillet 2009, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la circonstance que la requérante ait ignoré la nécessité de demander un visa de long séjour préalablement à sa demande de titre de séjour est sans influence sur la possibilité de lui opposer, pour refuser la délivrance de ce titre, la non possession d'un tel visa ; qu'elle n'établit ni que sa fille subvient à ses besoins, ni qu'elle ne peut subvenir seule à ses besoins ; que les décisions litigieuses ne portent pas une atteinte excessive au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale ;
Vu le courrier, en date du 24 juillet 2009, par lequel le président de la formation de jugement a indiqué aux parties que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement en tant qu'il rejette la demande d'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2010 ;
- le rapport de Mme Vinet, conseiller,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Considérant que les requêtes susvisés sont toutes deux relatives à la situation de Mme A au regard de son droit au séjour ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 09LY01256 :
En ce qui concerne la légalité des décisions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; (...) ;
Considérant que Mme A soutient qu'elle est prise en charge par sa fille de nationalité française ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est hébergée par son autre fille qui, si elle séjourne régulièrement sur le territoire, n'a pas la nationalité française ; que si elle produit des éléments montrant l'intérêt que lui porte sa fille française, elle n'en produit aucun permettant de considérer que cette dernière la prendrait en charge financièrement depuis son arrivée en France au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A aurait la qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français et que la décision de refus de titre de séjour litigieuse méconnaîtrait le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, toutefois en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que Mme A, née en 1953, est entrée régulièrement en France en novembre 2006 munie d'un visa de court séjour et a été accueillie et hébergée par l'une de ses filles résidant régulièrement en France et dont elle s'occupe des quatre enfants en bas âge ; que l'autre fille de Mme A, mariée avec un ressortissant français depuis 2001, et elle-même de nationalité française, contribue à sa prise en charge ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A, qui établit le décès de son époux, aurait conservé des attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que Mme A a vécu au Cameroun jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans, la décision en litige refusant à celle-ci la délivrance d'un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle est, par suite, illégale et doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation, par le présent arrêt, du refus de titre de séjour opposé à Mme A, celui-ci implique la délivrance à Mme A de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ain de délivrer à Mme A, dans le délai d'un mois, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur la requête n° 09LY01355 :
Considérant que le présent arrêt statue sur la requête de Mme A tendant à l'annulation du jugement susvisé du 5 mai 2009 ; que, dès lors, les conclusions de cette dernière tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement deviennent sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bidault, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Bidault, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 09LY01355.
Article 2 : La décision de refus de titre de séjour en date du 26 août 2008, en tant qu'elle refuse la délivrance d'une carte de séjour d'une durée d'un an mention vie privée et familiale , ensemble les décisions obligeant Mme A à quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont annulées.
Article 3 : Le jugement du 5 mai 2009 du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à Mme A dans le délai d'un mois une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale .
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 6 : L'Etat versera à Me Bidault une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Julienne A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 11 février 2010 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 4 mars 2010.
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