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11/02/2010 | FRANCE | N°07LY02606

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 février 2010, 07LY02606


Vu I°), sous le n° 07LY02606, la requête enregistrée le 23 novembre 2007, présentée, en présence de son curateur, l'UDAF de Côte d'Or, pour Mme Aïcha A, veuve B, domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601208, en date du 27 septembre 2007, du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, d'une part en ce qu'il a limité le montant des sommes que le centre hospitalier de Dijon a été condamné à lui verser, d'autre part en ce qu'il a rejeté sa demande de nouvelle expertise ;r>
2°) de porter la somme que le centre hospitalier de Dijon a été condamné à lui v...

Vu I°), sous le n° 07LY02606, la requête enregistrée le 23 novembre 2007, présentée, en présence de son curateur, l'UDAF de Côte d'Or, pour Mme Aïcha A, veuve B, domiciliée ... ;

Mme B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601208, en date du 27 septembre 2007, du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, d'une part en ce qu'il a limité le montant des sommes que le centre hospitalier de Dijon a été condamné à lui verser, d'autre part en ce qu'il a rejeté sa demande de nouvelle expertise ;

2°) de porter la somme que le centre hospitalier de Dijon a été condamné à lui verser à une somme totale de 539 016 euros, à parfaire au vu des conclusions d'un supplément d'expertise à ordonner portant sur le coût de l'aménagement d'un logement adapté et de l'assistance d'une tierce personne ;

3°) de mettre les dépens à la charge du centre hospitalier de Dijon ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dijon une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'incidence professionnelle de son incapacité n'a pas été prise en compte ;

- elle a subi un préjudice d'agrément qui n'a pas été indemnisé ;

- elle a subi un préjudice sexuel, qui n'a pas davantage été indemnisé ;

- elle a également subi un préjudice moral exceptionnel, qui appelle réparation ;

- enfin, un expert pourra apprécier le coût d'aménagement d'un appartement adapté et de l'aide d'une tierce personne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2008, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Dijon ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne les débours de la caisse primaire d'assurance maladie, dont le lien avec la faute retenue n'est pas indiqué ; en tout état de cause, sur le fond, le lien entre ces débours et la faute n'est pas établi, compte tenu de l'état antérieur très lourd de la requérante qui aurait nécessairement impliqué des soins importants ;

- il n'y a pas d'incidence professionnelle établie ;

- le préjudice d'agrément, de même que le préjudice moral, ont été suffisamment indemnisés par le Tribunal dans le cadre de l'indemnisation du préjudice personnel ;

- le préjudice sexuel n'est pas établi, pas davantage que les préjudices non déterminés évoqués par la requérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2010, présenté pour Mme B ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute qu'il y a lieu de prendre en compte ses dépenses de santé futures ;

Vu le mémoire déposé le 27 janvier 2010 pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;

Vu II°), sous le n° 07LY02670, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2007 et 25 mars 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON ; le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement susmentionné, en tant que le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser, d'une part à Mme B une somme de 172 000 euros, d'autre part à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, en premier lieu une somme de 243 175,94 euros, en deuxième lieu l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, enfin les sommes correspondant au remboursement du forfait de soins dans un établissement pour personnes âgées dépendantes, dans la limité d'un montant de 166 828,47 euros ;

2°) de rejeter la demande de Mme B ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne les débours de la caisse primaire d'assurance maladie, dont le lien avec la faute retenue n'est pas indiqué ; en tout état de cause, sur le fond, le lien entre ces débours et la faute n'est pas établi, compte tenu de l'état antérieur très lourd de la requérante qui aurait nécessairement impliqué des soins importants ;

- il n'y a pas d'incidence professionnelle établie ;

- le préjudice d'agrément, de même que le préjudice moral, ont été suffisamment indemnisés par le Tribunal dans le cadre de l'indemnisation du préjudice personnel ;

- le préjudice sexuel n'est pas établi, pas davantage que les préjudices non déterminés évoqués par la requérante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2010, présenté pour Mme B ; elle conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE DIJON une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête du centre hospitalier est irrecevable, dès lors qu'il n'a pas précisé les moyens sur lesquels il entendait se fonder avant l'expiration du délai de recours, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- subsidiairement, c'est à bon droit que le Tribunal l'a indemnisé pour plusieurs des chefs de préjudice dont elle a été victime, et elle est fondée à demander également l'indemnisation des chefs de préjudice qu'il n'a pas retenus ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2010 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Duchanoy, avocat de Mme Aïcha B et Me Demailly, avocat du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A, veuve B, a été victime d'une complication neurologique grave lors de la réalisation, le 19 janvier 1999, d'une intervention chirurgicale au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon, d'une part a condamné ce centre hospitalier à lui verser une somme de 172 000 euros en réparation de ses préjudices, d'autre part a condamné le centre hospitalier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, en premier lieu une somme de 243 175,94 euros au titre de ses débours, en deuxième lieu l'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, enfin les sommes correspondant au remboursement du forfait de soins dans un établissement pour personnes âgées dépendantes, dans la limite d'un montant de 166 828,47 euros ; que Mme B en interjette appel en tant que le Tribunal aurait insuffisamment évalué l'étendue de ses préjudices ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON en interjette appel en tant que le Tribunal l'aurait à tort condamné à verser les sommes susmentionnées à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;

Considérant que les requêtes de Mme B et du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON sont toutes deux dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la requête de Mme B :

En ce qui concerne le préjudice professionnel :

Considérant, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en première instance, que dès 1971, alors qu'elle était âgée de 19 ans, une cardiopathie valvulaire avec une volumineuse insuffisance aortique a été diagnostiquée chez Mme B ; qu'elle a dû être opérée pour la première fois en novembre 1971, puis a dû être à nouveau hospitalisée en 1972, en 1974, en 1977, en 1987, en 1993 et en 1998, avant de l'être encore en 1999 pour l'intervention litigieuse, son état cardiaque s'étant fortement aggravé ; qu'elle admet qu'elle n'exerçait aucune activité rémunérée avant cette intervention ; que l'expert a relevé qu'il n'était pas certain qu'après cette intervention, même réalisée dans les règles de l'art, elle aurait raisonnablement pu envisager d'exercer une activité ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a pu estimer qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'incapacité dont Mme B est atteinte ait eu pour elle une incidence professionnelle ;

En ce qui concerne le préjudice personnel :

Considérant, que l'expert a constaté que Mme B, âgée de 47 ans à la date des faits, demeure atteinte d'une paralysie sensitivo-motrice des deux membres inférieurs, et qu'il a évalué son incapacité permanente partielle à 65% ; que son incapacité temporaire totale a duré 3 années ; que le Tribunal a accordé pour ce chef de préjudice la somme non contestée de 151 000 euros ; qu'il a également accordé en réparation des souffrances endurées et du préjudice esthétique des sommes non contestées de 15 000 et 6 000 euros ; que toutefois l'expert a également relevé l'existence d'un préjudice d'agrément qu'il évalue à 6 sur 7 ; qu'il a enfin indiqué que l'impact de la dégradation de l'état de Mme B a rendu nécessaire un traitement antidépresseur ; que l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence ainsi subis par Mme B du fait de l'ensemble de ces éléments, ainsi que de son préjudice sexuel et de son préjudice moral qu'il convient de prendre en compte doit être portée de 172 000 à 191 000 euros ;

En ce qui concerne le coût d'un retour au domicile :

Considérant, que l'expert a constaté, après examen de la requérante, qui est placée sous curatelle, que son état impliquait une résidence définitive dans un établissement pour personnes âgées dépendantes, en soulignant qu' aucun retour à domicile n'est envisageable ; qu'aucun élément de l'instruction ne vient infirmer cette analyse ; que, dans ces conditions, et sans qu'il soit utile de procéder à l'expertise demandée, l'indemnisation du coût d'aménagement d'un logement adapté et d'une aide à tierce personne est à ce jour sans objet et ne présente pour l'avenir aucun caractère certain ;

En ce qui concerne les frais de santé :

Considérant, que si Mme B demande l'indemnisation de frais de santé futurs, elle ne fournit aucune précision permettant d'apprécier quels frais elle pourrait être amenée à exposer autres que ceux pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie et sur lesquels le Tribunal a statué ;

Sur la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON :

En ce que qui concerne la fin de non-recevoir opposée par Mme B :

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la requête sommaire formée par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON indiquait les moyens sur lesquels il entendait se fonder ; qu'elle ne peut donc être regardée comme n'ayant pas été motivée avant l'expiration du délai de recours au sens des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué est suffisamment motivé en ce qui concerne l'appréciation des droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or a demandé, au titre de ses débours, l'indemnisation de l'ensemble des frais médicaux exposés pour Mme B, y compris au titre de la préparation de l'intervention litigieuse et de sa réalisation ; que, si elle a ensuite précisé le montant de ses débours à compter du 19 janvier 1999, date de l'intervention, elle n'a fourni toutefois aucune précision permettant d'apprécier dans quelle mesure ces frais se rattachent aux suites normales de l'opération, qui n'est pas en elle-même fautive, ou aux suites de la complication résultant de la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, alors notamment que l'expert relève que la complication neurologique n'a été détectée que dans les jours qui ont suivi l'intervention et que les soins prodigués correspondaient initialement à la prise en charge normale d'un patient ayant subi une intervention de cette importance ; que, dans ces conditions, les frais d'hospitalisation exposés pour la période du 19 janvier 1999 au 13 mars 2000 d'un montant de 113 174,94 euros, pour lesquels aucun détail n'est fourni, ne peuvent être regardés comme étant de manière certaine en lien avec la faute commise par l'hôpital, seuls les frais exposés postérieurement, qui correspondent à la prise en charge de la victime dans un établissement spécialisé, pouvant être regardés comme la conséquence directe et certaine des séquelles résultant de la faute hospitalière ; que par ailleurs, les autres frais médicaux et pharmaceutiques, les frais de transport et les frais d'appareillage, eu égard au fait qu'ils ont été exposés en 2006 et 2007, doivent être regardés, ainsi qu'en a décidé le Tribunal, comme nécessités par l'état de Mme B résultant de la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON ; qu'en conséquence, il y a lieu de ramener les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie dont elle est fondée à demander le remboursement par le centre hospitalier au montant total de 130 001 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile de procéder à l'expertise demandée, que Mme B est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon n'a pas porté la somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON a été condamné à lui verser à un montant total de 191 000 euros ; que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON, pour sa part, est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Dijon n'a pas limité la somme qu'il a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or au titre de ses débours autres que le forfait de soins, à un montant de 130 001 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON a été condamné à verser à Mme B est portée à un montant de 191 000 euros.

Article 2 : La somme que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or au titre de ses débours autres que le forfait de soins, est ramenée à un montant de 130 001 euros.

Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 27 septembre 2007 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B et de la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Aïcha B, à l'UDAF de la Côte d'Or, au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE DIJON et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2010 à quelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2010.

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N° 07LY02606,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02606
Date de la décision : 11/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : PREVOT-SAILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-11;07ly02606 ?
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