Vu, dans l'instance pendante enregistrée sous le n° 04LY01138, l'arrêt du 22 janvier 2008 par lequel la Cour, avant dire droit sur la requête présentée pour M. Mathias A et Mme Béatrice B tendant à l'annulation du jugement n° 0203695 du 23 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier d'Aubenas soit déclaré responsable des conséquences dommageables des soins reçus par leur fille Rosalie lors de son hospitalisation à partir du 2 février 2001 et à la condamnation du centre hospitalier d'Aubenas à leur verser des dommages et intérêts à déterminer après expertise, a décidé de procéder à une expertise ;
Vu l'ordonnance en date du 19 mars 2008, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité d'expert M. le docteur Jean-Claude Mselati ;
Vu l'ordonnance en date du 6 juin 2008, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-12 du code de justice administrative, accordé à l'expert une allocation provisionnelle de 1 000 euros ;
Vu, enregistré le 7 janvier 2009, le rapport établi par l'expert désigné ;
Vu l'ordonnance en date du 13 février 2009, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 2 480 euros ;
Vu l'ordonnance en date du 26 mars 2009 par laquelle le président de la 6ème chambre a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé la clôture de l'instruction au 30 avril 2009 ;
Vu l'ordonnance en date du 15 avril 2009, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-12 du code de justice administrative, accordé à l'expert une deuxième allocation provisionnelle de 1 480 euros ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2009, par lequel le centre hospitalier d'Aubenas conclut au rejet de la requête par les motifs qu'il n'y a pas de lien de causalité certain entre le retard de diagnostic et l'hémorragie péri-cérébrale dont a été victime l'enfant, dans la mesure où le diagnostic précoce de l'hématome sous-dural n'aurait pas conduit à modifier les soins prodigués à l'enfant ; subsidiairement, que seule une fraction de l'entier préjudice pourrait en toute hypothèse, être réparée la faute reprochée à l'hôpital étant tout au plus à l'origine d'une perte de chance pour l'enfant d'éviter le préjudice qui s'est réalisé ; que les demandes indemnitaires relatives à l'incapacité temporaire totale devront être rejetées, celles relatives au déficit fonctionnel et au préjudice esthétique ne pourront être évaluées qu'après consolidation de l'état de l'enfant et celles relatives aux troubles dans les conditions d'existence ne sont assorties d'aucun justificatif ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2009, par lequel M. A et Mme B concluent à la condamnation du centre hospitalier d'Aubenas à leur verser à titre provisionnel, en tant que représentants légaux de leur fille mineure, la somme totale de 223 000 euros et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier d'Aubenas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que les conclusions de l'expert confirment l'erreur de diagnostic et la responsabilité du centre hospitalier à hauteur de 50 % des préjudices subis, l'absence de mesure du périmètre crânien n'étant pas conforme aux bonnes pratiques pédiatriques et ayant été préjudiciable à l'établissement du diagnostic d'hématome sous-dural au cours de l'hospitalisation initiale ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 avril 2009, par lequel le centre hospitalier d'Aubenas conclut aux mêmes fins que précédemment par les motifs, en outre, que l'absence de mesure du périmètre crânien n'est pas de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, que le périmètre crânien de l'enfant à l'issue du malaise survenu le 8 février 2001 ne montrant pas une augmentation particulièrement excessive, on ne peut en déduire que sa mesure lors de l'admission à l'hôpital aurait nécessairement alerté l'équipe médicale et conduit à réaliser un scanner malgré le caractère normal de l'échographie transfontanellaire ;
Vu l'ordonnance en date du 27 mai 2009 par laquelle le président de la 6ème chambre a, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, prononcé la réouverture de l'instruction ;
Vu l'ordonnance en date du 26 octobre 2009 par laquelle le président de la 6ème chambre a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé la clôture de l'instruction au 13 novembre 2009 ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2009, par lequel M. A et Mme B concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que les appréciations purement personnelles portées par le praticien dont le centre hospitalier se prévaut dans ses dernières écritures, qui n'ont pas de caractère contradictoire, ne sauraient suffire à écarter la responsabilité du centre hospitalier ;
Vu les pièces dont il résulte que la caisse d'assurance maladie ARPICA OC S2 a reçu communication de l'ensemble de la procédure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2010 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Almodovar, avocat de M. A et de Mme B, et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier d'Aubenas ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que Rosalie Réale, née le 11 novembre 2000, a été hospitalisée au centre hospitalier d'Aubenas le 2 février 2001, en raison de vomissements en jets répétés depuis plusieurs jours ; qu'après différents examens, un diagnostic de troubles digestifs a été porté et le nourrisson dont le comportement, après administration d'un antiémétique et d'un épaississant, était alors jugé normal, est sorti de l'hôpital le 7 février ; que le lendemain matin, alors qu'elle se trouvait chez l'assistante maternelle qui la gardait, l'enfant est tombée dans le coma après des convulsions ; qu'un scanner ayant immédiatement révélé un excès de liquide péri-cérébral et un fond d'oeil, des hémorragies rétiniennes, le diagnostic de syndrome de l'enfant secoué a été évoqué, ultérieurement confirmé par une IRM qui a montré la présence de plusieurs hématomes sous-duraux d'âges différents ; qu'en dépit d'une prise en charge en neurologie pédiatrique, la jeune Rosalie conserve des séquelles sérieuses ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les investigations menées sur l'origine des vomissements qui affectaient la jeune Rosalie lors de son hospitalisation du 2 au 7 février 2001, relevaient d'une démarche médicale cohérente, il résulte également du rapport de l'expertise effectuée en exécution de l'arrêt avant-dire droit que l'absence de mesure du périmètre crânien n'était pas conforme aux bonnes pratiques pédiatriques et a été préjudiciable à l'établissement du diagnostic d'hématome sous-dural au cours de l'hospitalisation, avant l'aggravation qui s'est produite le 8 février ; que si le centre hospitalier fait valoir, d'une part, que compte tenu des constatations faites, après l'hémorragie, de la mesure du périmètre crânien, ce dernier n'aurait vraisemblablement pas montré une augmentation particulièrement excessive lors de la première hospitalisation, il résulte des conclusions de l'expert que le périmètre était nettement majoré le 8 février, s'établissant au 85e percentile, ce qui constituait certainement un accroissement récent anormal, et par suite significatif par rapport aux mesures réalisées auparavant, qui étaient au 50e percentile seulement ; que, d'autre part, si l'établissement soutient également que, quand bien même le diagnostic aurait été posé lors de la première hospitalisation, il n'aurait pas permis d'éviter l'hémorragie survenue le 8 février, il est toutefois constant que, dans cette hypothèse, l'enfant aurait été gardée en milieu hospitalier en observation et ainsi aurait pu éviter le 8 février une nouvelle secousse, possible et qu'aucun élément ne permet d'exclure, et, en tout état de cause, qu'elle aurait bénéficié d'une prise en charge immédiate lors de la crise convulsive de nature à en atténuer les conséquences ; que dans ces conditions, ce manquement fautif qui a fait perdre à l'enfant une chance d'éviter l'aggravation de son état, engage la responsabilité du centre hospitalier d'Aubenas ;
Sur les préjudices et leur réparation :
En ce qui concerne l'étendue de la réparation :
Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale précitée, qu'en l'espèce, eu égard à la présence d'hématomes sous-duraux antérieurement à l'hospitalisation du 2 février 2001, le préjudice indemnisable en rapport avec l'absence de diagnostic lors de ladite hospitalisation doit être évalué à 50 % du dommage corporel ;
Considérant que la jeune Rosalie, qui présente notamment des troubles psycho-intellectuels et un déficit visuel, doit faire l'objet d'une rééducation spécifique et subit des contraintes importantes dans ses conditions d'existence ; qu'il résulte de l'instruction que l'état de l'enfant ne sera pas consolidé avant ses 18 ans ; que, comme le demandent ses parents, il y a lieu d'évaluer à titre provisionnel, dans l'attente de la fixation définitive de ceux-ci, ses préjudices en lien avec la faute hospitalière ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Considérant que si les parents de Rosalie demandent le remboursement de dépenses de santé futures, ils n'établissent pas le caractère certain des dépenses dont ils ne justifient d'ailleurs pas l'évaluation ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques de Rosalie liées aux conditions de la prise en charge en réanimation et en neurochirurgie en les évaluant à 10 000 euros, dont la moitié soit 5 000 euros seront mis à la charge du centre hospitalier ;
Considérant que, dans l'attente de la consolidation de son état, les autres préjudices personnels qu'elle subit seront justement réparés en lui attribuant à ce titre, depuis le 8 février 2002 et jusqu'à sa majorité, une rente versée par trimestres échus dont le montant annuel, compte tenu de la part de responsabilité du centre hospitalier, est fixé à 3 400 euros et sera revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et Mme B sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Aubenas à réparer le préjudice de leur fille ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires des expertises à la charge définitive du centre hospitalier d'Aubenas ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions susvisées, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aubenas le paiement à M. A et Mme B de la somme de 1 500 euros au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 23 juin 2003 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Aubenas est condamné à verser à M. A et Mme B, au nom de leur fille mineure Rosalie, d'une part la somme de 5 000 euros, d'autre part une rente annuelle de 3 400 euros qui sera versée, à compter du 8 février 2002 et jusqu'à l'âge de sa majorité, par trimestres échus et dont le montant sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier d'Aubenas.
Article 4 : Le centre hospitalier d'Aubenas versera à M. A et Mme B, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et Mme B est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mathias A, à Mme Béatrice Christiane B, au centre hospitalier d'Aubenas et à ARPICA OC S2. Copie en sera adressée à M. Mselati, expert.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2010, à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2010.
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