Vu la requête enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour la SOCIETE DG ENTREPRISE dont le siège est 13 rue Lesueur à Paris (75116) ;
La SOCIETE DG ENTREPRISE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0102127 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 22 décembre 2006 en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation du département de l'Isère à lui verser la somme de 805 347,30 euros, outre intérêts de droit à compter de la notification du décompte général, en indemnisation des sujétions imprévues rencontrées au cours de l'exécution du marché de travaux conclu pour la réalisation de la galerie pare-pierres des Echarennes sur la RD n° 526 ;
2°) de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 805 347,30 euros, outre intérêts de droit à compter de la notification du décompte général ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE DG ENTREPRISE soutient que les conditions climatiques de l'hiver 1998/1999 ont excédé les limites contractuelles et ouvrent droit à indemnité ; que les travaux ont été poursuivis au cours de cette période pour satisfaire le maître de l'ouvrage ; que les informations météorologiques intégrées dans l'offre de prix se sont avérées inexactes pour le site des travaux ; que le droit à indemnité doit s'analyser, non au regard de la force majeure mais des sujétions imprévues ; qu'en l'espèce, les relevés de température effectués au cours du chantier attestent de ce que l'entreprise a été confrontée à des sujétions imprévues ; que la demande recouvre à hauteur de 2 594 249 francs HT le coût journalier d'immobilisation du chantier pour intempéries, à hauteur de 1 035 000 francs HT la perte de productivité et à hauteur de 900 000 francs HT, la perte partielle de productivité constatée sur 23 journées, à hauteur de 117 564 francs HT, l'absence de couverture des frais généraux du fait de l'allongement de la durée du chantier sur 13,67 jours ouvrables, à hauteur de 241 685 francs HT le préjudice subi par un sous-traitant dans la mise en place des armatures ; que pour l'indemnisation des surconsommations de matériaux, des coupleurs d'armatures et d'études complémentaires, ne saurait lui être opposée la clause de renonciation à recours de l'avenant signé le 29 mars 1999 ; qu'elle avait alerté le maître de l'ouvrage sur les sous-estimations de quantités de béton et de ciment, dès le mois de mai 1998 ; que les coupleurs de semelles mis en place excèdent les caractéristiques contractuelles de ces équipements telles que les définit le dossier de consultation des entreprises ; qu'elle a expressément maintenu son désaccord sur le refus d'indemnisation des coupleurs par courrier adressé le 18 février 1999 au maître de l'ouvrage ; que l'avenant concerne les coupleurs dans les contreforts et non les coupleurs de semelles ; que les dépenses supplémentaires de coffrage résultent du changement de la technique contractuelle d'ancrage imposée par le maître de l'ouvrage en cours de chantier, de surcroît, sans nécessité technique ; que les études supplémentaires engagées pour l'exécution des murets d'about et des courbures d'arcs préfabriqués en béton résultent de la modification des caractéristiques contractuelles de ces éléments, telles que définies au dossier de consultation des entreprises ; que l'adaptation des profils de la paroi cloutée doit être indemnisée dès lors que la tolérance contractuelle de 2 cm ne correspondait pas aux contraintes effectivement rencontrées dans l'exécution de la paroi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 20 octobre 2009, présenté pour le département de l'Isère dont le siège est 7 rue Fantin Latour, BP 1096 à Grenoble (38022 cedex 1) ;
Le département de l'Isère conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de la SOCIETE DG ENTREPRISE à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le département de l'Isère soutient que les conditions climatiques de l'hiver 1998/1999 n'ont pas excédé les limites contractuelles, telles que définies par l'article 3.4.1 du cahier des clauses administratives particulières, et n'étaient pas imprévisibles compte tenu de la situation et des caractéristiques du site ; qu'il n'est pas établi que pour le gel, les températures de l'hiver 1998/1999 auraient excédé au moins deux fois les maximas relevés sur vingt ans par la station météorologique la plus proche ; que la rigueur de l'hiver sur le site des travaux ne pouvait être ignorée de l'entreprise qui a, en outre, négligé de se faire communiquer les relevés auxquels lui donnait accès l'article 1.3 du PGCSPS ; que les demandes afférentes aux postes de surconsommation de matériaux sont frappées de forclusion, en vertu de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales ; que la requérante n'a pas contesté dans les six mois de la notification du décompte général, le refus d'indemniser de tels postes qui, en outre, ont été inclus dans l'avenant signé le 29 mars 1999 et sont compris dans le champ de la clause de renonciation à tout recours ; que le même avenant intègre la plus-value sur semelles sur coupleurs ainsi que l'attestent l'acceptation de la proposition du maître d'oeuvre et l'intégration d'un prix unitaire de 564 francs dans l'avenant ; qu'au surplus, la faible largeur de la route, alléguée pour justifier la demande, ne saurait être regardée comme une sujétion imprévue ; qu'en vertu de l'annexe G au cahier des clauses techniques générales le coût du coffrage est compris dans le prix ; que l'ancrage sur les parois n'était pas contractuel ; que l'entreprise a demandé à utiliser cette technique en cours de chantier ; que les études engagées pour l'exécution des murets d'about et des courbures d'arcs préfabriqués en béton sont rémunérées par le prix forfaitaire n° 101.03 ; que la demande est en tout état de cause irrecevable dès lors que l'entreprise n'a pas signalé les erreurs de plans, ainsi que l'y obligeait l'article 29.1 du cahier des clauses administratives générales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2010 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Sur la révision du solde du marché :
En ce qui concerne l'indemnisation des surcoûts résultant des conditions météorologiques :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du cahier des clauses administratives générales : 10.11 - (...) / les prix sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux (...) ; qu'aux termes de l'article 3-4-1 du cahier des clauses administratives particulières : Les prix du marché sont hors TVA en considérant comme normalement prévisibles les intempéries et autres phénomènes naturels indiqués ci-après lorsqu'ils ne dépassent pas les intensités limites ci-après plus longtemps que la durée indiquée : pluie, gel, neige : dépassement des seuils constatés au moins deux fois sur ces 20 dernières années à la station météorologique la plus proche ;
Considérant que, d'une part, il ne ressort pas de l'instruction que les températures relevées par la station météorologique de la Mure au cours de l'hiver 1998/1999 auraient été, au moins à deux reprises, inférieures aux minimas enregistrés par le même service depuis l'hiver 1978/1979 ; que, d'autre part, les conditions météorologiques n'excédant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, les limites contractuelles ne sauraient, a fortiori, ouvrir droit à rémunération supplémentaire au titre des sujétions imprévues ; que, par suite, la SOCIETE DG ENTREPRISE n'est pas fondée à demander que soit intégrée dans sa rémunération la somme de 2 594 249 francs HT indemnisant les dépenses générales qu'elle aurait exposées sur le chantier de novembre 1998 à février 1999 pour affronter les conditions climatiques ;
En ce qui concerne l'augmentation ou la modification des prestations contractuelles :
S'agissant des dépenses liées au coffrage :
Considérant que si, en établissant son offre, la SOCIETE DG ENTREPRISE a considéré qu'elle utiliserait les ancrages spéciaux afin de fixer les pieds de coffrage d'élévation et ce, sur toute l'étendue de l'ouvrage , il ne résulte d'aucune pièce contractuelle, et notamment pas du dossier d'appel d'offres renseigné par l'entreprise et accepté par la collectivité, que le département de l'Isère, en sa double qualité de personne responsable du marché et de maître d'oeuvre, aurait pris l'engagement d'autoriser ce système d'ancrage ; que, par suite, les dépenses exposées pour confectionner des ancrages de pieds de coffrage sont comprises dans le forfait de rémunération défini au paragraphe 204.01 du bordereau annexé au marché et ne sauraient donner lieu à rémunération supplémentaire ;
S'agissant des déblais de la paroi clouée :
Considérant que la décomposition du prix forfaitaire 103 du bordereau des prix annexé au marché rémunère forfaitairement les quantités de déblais à aménager en fonction du volume estimé de matériaux à décaper sur une largeur de deux mètres à compter de la cote du pied de paroi, sans égard à la nature de ces matériaux ; qu'il suit de là que les sujétions ayant résulté de la nature hétéroclite des roches extraites sont comprises dans le forfait contractuel et ne sauraient ouvrir droit à rémunération supplémentaire ;
S'agissant des études supplémentaires engagées pour l'exécution des murets d'about et des courbures d'arcs préfabriqués en béton :
Considérant qu'en vertu de l'article 3.01.1 du cahier des clauses techniques particulières, l'entreprise devait établir les plans d'exécution de l'ouvrage rémunérés forfaitairement par le prix 101.03 du bordereau ; que le forfait comprenait le coût d'établissement des notes de calcul et des documents graphiques détaillant les prescriptions de l'avant-projet détaillé et du dossier de consultation des entreprises sur la foi desquelles s'était engagé le titulaire du marché et qui avaient acquis, de ce fait, une valeur contractuelle ; que si, l'article 29.1 du cahier des clauses administratives générales imposait au titulaire du marché, d'établir les études d'exécution en effectuant un examen critique des plans de maîtrise d'oeuvre et de signaler sans délai toute erreur qu'il aurait pu détecter, cette stipulation ne le privait pas du droit d'être rémunéré d'études d'exécution supplémentaires nécessitées par la modification des documents techniques contractuels, qui sont des prestations excédant le forfait alors même que les modifications correspondaient à la reprise d'erreurs de conception que l'entreprise n'avait pas elle-même repérées ;
Considérant qu'il est constant que les plans intégrés au dossier de consultation des entreprises représentaient des murets d'abouts et des courbures d'arcs inadaptés à la topographie de la montagne servant d'assise à l'ouvrage ; que la conception de ces deux dispositifs ayant dû être modifiée, les frais d'études supplémentaires que l'entreprise établirait avoir engagés doivent être rémunérés en supplément du forfait ; que, toutefois, si la SOCIETE DG ENTREPRISE soutient avoir dû affecter un ingénieur pendant deux heures et trois heures, un projeteur pendant seize heures et vingt heures pour établir des plans d'exécution respectivement de murets d'about et d'arcs préfabriqués, il ne résulte pas de l'instruction et notamment de la réclamation sur décompte général que ces études auraient été engagées après la remise d'études établies en conformité aux prescriptions d'origine, de telle sorte qu'elles puissent être regardées comme excédant les limites du forfait ni qu'ayant été établies directement selon les directives du maître d'oeuvre, ces modifications auraient rendu le projet plus complexe de telle sorte que la décomposition du prix forfaitaire ne couvrirait plus le coût de la prestation ; que, par suite, la demande présentée de ce chef doit être rejetée ;
S'agissant des autres postes de dépenses :
Considérant qu'en contrepartie d'une renonciation de l'entreprise à tout recours ultérieur pour tout différend relatif aux questions réglées par l'avenant n° 1 signé le 29 mars 1999, le département de l'Isère a alloué une rémunération supplémentaire calculée, soit sur la base de prix unitaires nouveaux, pour la réalisation d'ancrages par pieux explosés (prix 300.02), pour l'emploi de coupleurs dépassant les dimensions contractuelles originelles (prix 300.09), pour la mise en oeuvre de ciment pour coulis d'injection (prix 300.13), soit sur la base d'une révision des quantités figurant sur le bordereau initial pour la mise en oeuvre de béton projeté (prix 102.13 et 102.15) et de ciment pour coulis d'injection (prix 300.13) ; qu'à la date de la signature de l'avenant, dont l'objet était d'incorporer au marché des travaux supplémentaires non prévus initialement et de prendre en compte les incidences des conditions de travail non prévisibles avant le commencement des travaux , les caractéristiques définitives de l'ouvrage et les quantités de matériaux employées étaient connues ; que s'agissant des coupleurs de semelles, l'entreprise a, contrairement à ce qu'elle allègue, nécessairement accepté le prix 300.09 au tarif unitaire de 564 francs en signant l'avenant qui l'intègre au bordereau du marché ; qu'il n'est pas allégué qu'à l'occasion de l'établissement du décompte général, la personne responsable du marché n'aurait pas soldé les comptes en fonction des prix nouveaux ou des compléments de prix définis par l'avenant ; que, par suite, la clause de renonciation est opposable à la SOCIETE DG ENTREPRISE qui ne saurait se prévaloir au contentieux de créance supplémentaire sur les mêmes postes de dépenses ;
Considérant qu'en vertu de la clause de renonciation de l'article 6 de l'avenant n° 1, doivent être rejetées les demandes de rémunération présentées au titre, d'une part, des surconsommations de ciment pour micropieux, de coulis de ciment pour ancrages de tirants et de béton projeté, d'autre part, des coupleurs de semelles ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DG ENTREPRISE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions susvisées de la requête doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE DG ENTREPRISE doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE DG ENTREPRISE une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département de l'Isère et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DG ENTREPRISE est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE DG ENTREPRISE versera au département de l'Isère une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DG ENTREPRISE, au département de l'Isère et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2010 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2010.
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N° 07LY00575
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