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26/01/2010 | FRANCE | N°07LY02751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2010, 07LY02751


Vu, enregistrée le 9 décembre 2007, la requête présentée pour le PREFET DE LA REGION AUVERGNE domicilié Hôtel de Chazerat 4 rue Pascal à Clermont-Ferrand (63000) ;

Il demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0600781 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 octobre 2007 en tant qu'il a mis à sa charge le paiement à la société International Constructions d'une indemnité correspondant à des coûts de mise à disposition de matériel et de frais d'évacuation de terre exposés à l'occasion de fouilles archéologiques ;

2°) de faire dr

oit à sa demande en rejetant la demande de la société International Constructions portant s...

Vu, enregistrée le 9 décembre 2007, la requête présentée pour le PREFET DE LA REGION AUVERGNE domicilié Hôtel de Chazerat 4 rue Pascal à Clermont-Ferrand (63000) ;

Il demande à la Cour :

1°) la réformation du jugement n° 0600781 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 octobre 2007 en tant qu'il a mis à sa charge le paiement à la société International Constructions d'une indemnité correspondant à des coûts de mise à disposition de matériel et de frais d'évacuation de terre exposés à l'occasion de fouilles archéologiques ;

2°) de faire droit à sa demande en rejetant la demande de la société International Constructions portant sur ces frais ;

3°) de mettre à la charge de la société International Constructions une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- seuls deux postes de préjudice pouvaient donner lieu à indemnisation du fait de la loi du 27 septembre 1941 : la privation momentanée de jouissance de terrain et la réparation du dommage causé au sol en cas d'impossibilité de remise dans l'état antérieur ;

- les frais de mise à disposition de matériel ne sont pas couverts par la loi du 27 septembre 1941, ne se situent pas dans le prolongement de la campagne de fouilles et aucun lien de causalité avec ces dernières n'est avéré ;

- les factures retenues par le Tribunal relatives aux frais d'évacuation des terres sont sans aucun rapport avec les travaux de fouilles ;

- par ailleurs le décapage aurait de toutes les façons dû être réalisé pour les besoin du projet immobilier ;

- c'est la nature géologique des sols qui a rendu nécessaire un approfondissement des fondations ;

- il n'y avait aucun lien de causalité entre la modification du projet et la campagne de fouilles ;

- la somme de 1 000 euros mise à sa charge au titre des frais irrépétibles est particulièrement injuste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 19 mars 2008, le mémoire présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION qui reprend à son compte les moyens et conclusions présentés pour le PREFET DE LA REGION AUVERGNE dans la requête susvisée ;

Vu, enregistré le 23 novembre 2009, le mémoire en défense présenté pour la société International Constructions, dont le siège est 10/12 place Vendôme à Paris (75001) qui, conclut au rejet du recours du ministre, à ce que le jugement attaqué soit réformé et que des sommes de 20 017,77 euros, 21 980,34 euros et 17 230,09 euros lui soient accordées respectivement pour l'évacuation des terres, le surcoût pour profondeur et la modification du programme de construction et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle expose que :

- la victime d'un préjudice lié à des opérations de fouilles peut obtenir réparation en dehors même de la liste de l'article 10 de la loi du 27 septembre 1941 pour des préjudices qui ne sont pas liés à la privation de jouissance des terrains ou à leur remise en état ;

- les frais de mise à disposition du matériel de fouille n'ont pas à être pris en charge par elle ;

- elle n'a pas davantage à supporter les frais exposés pour l'évacuation des terres alors même que leur facturation est postérieure d'un an aux fouilles, la somme de 20 017,77 euros devant être prise en considération ;

- le surcoût pour profondeur doit donner lieu à réparation ;

- elle a été contrainte de modifier son programme de construction ;

Vu, enregistré le 12 décembre 2009, le mémoire complémentaire présenté pour le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que :

- le coût pour surprofondeur de certains lots n'est pas lié aux travaux de décapage ;

- il n'y a pas davantage de lien de causalité avec la modification du programme de travaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du patrimoine ;

Vu la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive ;

Vu la loi n° 41-4011 du 27 septembre 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Bosquet, avocat de la société International Constructions ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que le 17 novembre 1999, la société European Homes a obtenu du maire de Gerzat un permis de construire un ensemble de 85 maisons dénommé les hameaux du peuplier sur une surface de près de 35 000 m² au lieudit Rochefort sur le territoire de la commune ; que le préfet de la région Auvergne a pris un arrêté en date du 11 mai 2000 prescrivant la réalisation de fouilles archéologiques sur le terrain d'assiette du projet et désigné comme opérateur l'association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) ; que trois phases de fouilles se sont succédées du 15 au 25 mai 2000, du 5 au 9 juin 2000 et du 26 février au 28 mai 2001 ; que le 23 février 2001 le maire de Gerzat a délivré un permis de construire modificatif à la société European Homes ramenant à 58 le nombre d'habitations initialement autorisé par le précédent permis du 17 novembre 1999 ; que la société International Constructions, qui fait partie avec les sociétés European Homes et Terbois du groupe Eurinter, a adressé le 2 mars 2006 au préfet de la Région Auvergne une réclamation préalable tendant au remboursement pour un montant total de 155 929,04 euros des frais de fouilles archéologiques restés à sa charge ; que le préfet ayant conservé le silence sur cette réclamation, la société International Constructions a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par un jugement du 2 octobre 2007, a condamné l'Etat à lui payer une somme de 96 700,84 euros correspondant aux frais des deux premières campagnes de fouilles et aux surcoûts entraînés par la mise à disposition de matériels, l'évacuation des terres, un creusement en surprofondeur et la modification du programme de construction ; que le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, qui s'est approprié les écritures du préfet de la Région Auvergne, a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a mis à sa charge en tout ou partie les frais de mise à disposition des matériels et d'évacuation des terres ; que la société International Constructions fait incidemment appel de ce jugement en ce que, selon elle, le Tribunal a sous évalué le préjudice lié à l'évacuation des terres et écarté toute réparation des préjudices résultant des surcoûts pour surprofondeur et pour modification du programme de construction ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi susvisée du 27 septembre 1941, repris à l'article L. 531-9 du code du patrimoine : L'Etat est autorisé à procéder d'office à l'exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas.... A défaut d'accord amiable avec le propriétaire, l'exécution des fouilles ou sondages est déclarée d'utilité publique par décision de l'autorité administrative, qui autorise l'occupation temporaire des terrains ; qu'aux termes de l'article 10 de cette même loi, repris par l'article L. 531-10 du code du patrimoine : L'occupation temporaire pour exécution de fouilles donne lieu, pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance des terrains et, éventuellement, si les lieux ne peuvent être rétablis en leur état antérieur, pour le dommage causé à la surface du sol, à une indemnité dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics. ;

Sur les frais de mise à disposition des matériels :

Considérant qu'au sens des dispositions de l'article 10 précité de la loi du 27 septembre 1941, ne sont indemnisables que le préjudice de la privation temporaire de jouissance du terrain ou, à défaut de remise de celui-ci dans son état antérieur, le dommage causé à la surface du sol ; que le préjudice résultant pour la société International Constructions de la mise à la disposition de l'Etat du matériel nécessaire à l'exécution de fouilles archéologiques n'entre pas dans le champ d'application desdites dispositions ; que toutefois si l'article 9 de la loi susvisée du 27 septembre 1941 donne à l'Etat la possibilité de procéder d'office à l'exécution de fouilles sur des terrains ne lui appartenant pas, dans des conditions qu'il définit, ni ces dispositions, ni, dans l'état de la législation antérieur à l'intervention de la loi susvisée du 17 janvier 2001, aucune autre disposition législative ne lui conféraient le pouvoir de mettre à la charge du propriétaire de ces terrains ou de l'aménageur le financement de fouilles archéologiques ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance et des devis établis par l'AFAN faisant apparaître le matériel fourni par le constructeur que les frais de mise à disposition de pelles mécaniques d'au moins 150 chevaux avec chauffeur et d'installation des infrastructures requises en matière d'hygiène et de sécurité pour les trois interventions de mai et juin 2000 et mars 2001 d'un montant total de 73 893,54 euros, trouvent leur origine dans les opérations de fouilles conduites par l'administration ; qu'en laissant à la charge de la société International Constructions ces prestations, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il y a lieu pour l'Etat de rembourser ces sommes à la société International Constructions ;

Sur les frais entraînés par le décapage des sols, l'évacuation des terres et la modification du programme de construction :

Considérant en premier lieu, que si, pour un montant de 25 452, 94 euros, la société International Constructions a exposé des frais pour l'évacuation des terres végétales dégagées par les travaux de fouille, il ne résulte pas de l'instruction que ces frais seraient directement en lien avec ces travaux et que, en particulier, la réalisation du projet immobilier et notamment le creusement des fondations, ne les auraient pas rendus nécessaires ; que, c'est dans ces conditions à tort que la Tribunal a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une partie de ces frais pour un montant de 5 435,17 euros ;

Considérant en deuxième lieu, que la société requérante se plaint de ce que le décapage des sols réalisé lors de la 3ème campagne de fouilles aurait fragilisé l'assiette des constructions et entraîné pour elle des surcoûts tenant à la nécessité de creuser davantage pour les fondations de certaines maisons ; qu'outre le fait que les opérations de décapage en cause n'ont concerné qu'une surface de 600 m2 pour une profondeur d'au maximum 85 cm, il ne résulte pas de l'instruction que ces surcoûts, qui ne sont pas sans lien avec la nature des sols, auraient directement pour origine leur décapage ; que les conclusions de la société International Constructions sur ce point doivent également être rejetées ;

Considérant enfin que si la société requérante a ramené à 58 son programme fixé initialement à 85 maisons, elle n'établit pas que cette modification serait directement en lien avec les campagnes de fouilles ; que sa demande tendant au versement d'une somme correspondant à sa part des honoraires d'architecte payés à DOM Architectes ne peut donc qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à verser à la société International Constructions une indemnité excédant 91 265,67 euros ; que la société International Constructions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le Tribunal a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant, à 1 000 euros le montant des frais irrépétibles dus à la société International Constructions, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; que, dès lors, le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 4 du jugement attaqué ;

Considérant que, par suite de ce qui précède l'Etat n'étant pas, dans la présente instance partie perdante, les conclusions présentées par la société International Constructions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit à la demande présentée par le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 96 700,84 euros que l'Etat a été condamné à payer à la société International Constructions par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 octobre 2007 est ramenée à 91 265,67 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 octobre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Puy de Dôme, à la Société International Constructions et au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2010.

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N° 07LY02751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02751
Date de la décision : 26/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DOS SANTOS FRANCOIS-XAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-26;07ly02751 ?
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