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05/01/2010 | FRANCE | N°08LY01417

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2010, 08LY01417


Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008, présentée pour la SAS TAT EXPRESS, dont le siège social est situé 22 rue Ferdinand de Lesseps - BP 655 à Tours Cedex 3 (37206) ;

La SAS TAT EXPRESS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607258 du 21 avril 2008 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 11 octobre 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer autorisant le licenciement de M. A et a rejeté le surplus des conclusions de ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A au T

ribunal administratif de Lyon en confirmant la décision de l'inspecteur du travail...

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008, présentée pour la SAS TAT EXPRESS, dont le siège social est situé 22 rue Ferdinand de Lesseps - BP 655 à Tours Cedex 3 (37206) ;

La SAS TAT EXPRESS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607258 du 21 avril 2008 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 11 octobre 2006 du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer autorisant le licenciement de M. A et a rejeté le surplus des conclusions de ce dernier ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A au Tribunal administratif de Lyon en confirmant la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2006 ainsi que celle du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer datée du 11 octobre 2006 en tant qu'elle a autorisé de licenciement de M. A ;

La SAS TAT EXPRESS soutient que l'inspecteur relevant de son siège social sis à Tours était territorialement compétent pour statuer sur la demande de licenciement dès lors que l'établissement de Genas (Rhône) au sein duquel M. A exerçait ses fonctions ne présentait pas le caractère d'autonomie requis ; que le moyen retenu par le tribunal manque en fait dès lors que les faits ont été portés à la connaissance de M. Habib A lors de l'enquête contradictoire et que ni l'intéressé ni l'inspecteur du travail n'ignoraient les accusations portées à son encontre par Mmes B et C ; que c'est à tort que le tribunal a considéré que le ministre n'aurait pas licencié M. A s'il n'avait retenu que les griefs de Mme B ; que tous les autres moyens présentés en première instance par M. A tirés de l'irrégularité de la procédure interne, de l'absence de réalité du motif invoqué, de l'insuffisante gravité de sa faute, de la discrimination à raison de son mandat syndical et de l'existence d'un motif d'intérêt général s'opposant au licenciement devront être écartés comme manquant en fait ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 décembre 2008, pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société TAT EXPRESS à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision du ministre des transports dès lors que cette décision est sortie des limites du litige fixées par la lettre de licenciement concernant les accusation de Mme C ; que, s'agissant de Mme B, le grief est imprécis et la décision du ministre est par suite insuffisamment motivée ; que la procédure interne à l'entreprise est irrégulière dès lors que la décision de transmettre la demande d'autorisation de licenciement avait été prise par son employeur avant la réunion du comité d'entreprise ; que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; que le licenciement est une mesure disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ; qu'il existe un motif d'intérêt général s'opposant au licenciement dès lors qu'il n'existe plus de représentant CGT dans l'agence TAT de Lyon Genas suite à son licenciement ;

Vu la lettre en date du 1er septembre 2009 par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;

Vu l'ordonnance en date du 22 octobre 2009 par laquelle la Cour a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, prononcé la clôture d'instruction au 27 novembre 2009 ;

Vu le mémoire enregistré le 16 novembre 2009 présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer qui conclut à l'annulation du jugement du tribunal ;

Le ministre s'en réfère à ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Lyon et soutient, en outre, que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'aurait pas pris la même décision en ne retenant que les griefs de Mme B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2009 :

- le rapport de M. Monnier, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de l'Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher a été saisi le 15 février 2006 par le directeur administratif et financier de la SOCIETE TAT EXPRESS, dont le siège social est à Tours, d'une demande d'autorisation de licenciement de M. A, manutentionnaire à son agence de Genas (69) et, par ailleurs, délégué du personnel ; que l'inspecteur a accordé cette autorisation par décision du 14 avril 2006 ; que, par lettre du 21 avril 2006, M. A a formé auprès du ministre des transports un recours hiérarchique contre celle-ci ; que, par une décision du 11 octobre 2006, après avoir retiré sa décision par laquelle il avait implicitement rejeté le recours hiérarchique présenté par M. A, le ministre a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2006 et, d'autre part, accordé l'autorisation de licenciement de ce salarié ; que M. A a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon qui, par le jugement n° 0607258 du 21 avril 2008, a annulé la décision du 11 octobre 2006 du ministre des transports en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A de la SAS TAT EXPRESS mais a rejeté les conclusions du demandeur dirigées contre la décision du ministre chargé des transports en tant que cette dernière décision avait retiré la décision de l'inspecteur des transports ; que le jugement a enfin rejeté les conclusions dirigées contre la décision dudit inspecteur pour irrecevabilité au motif que cette décision avait été retirée par le ministre chargé des transports avant l'introduction de la demande ; que la SAS TAT EXPRESS conteste ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et de la décision du ministre chargé du travail en tant qu'elle retire la décision de l'inspecteur du travail :

Considérant que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs ; que le jugement du tribunal administratif de Lyon dont la SAS TAT EXPRESS fait appel s'est borné à annuler la décision du 11 octobre 2006 du ministre des transports en tant qu'elle avait autorisé le licenciement de M. Habib A mais a rejeté les conclusions de ce dernier dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2006 et contre la décision du ministre en tant qu'elle avait retiré cette décision ; que, par suite, la société appelante n'a pas intérêt à demander à la Cour l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté lesdites conclusions, quand bien même le tribunal aurait retenu, à tort, l'incompétence de l'inspecteur du travail et aurait entaché son jugement d'une erreur matérielle quant au sens de la décision de l'inspecteur du travail ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé des transports en tant qu'elle a autorisé le licenciement de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-18 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu (...) et qu'aux termes de l'article L. 436-1 du même code : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, actuellement reprises aux articles L. 2411-3 et L. 2421-3 dudit code, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail, alors en vigueur, dont les dispositions sont actuellement reprises à l'article R. 2421-4 dudit code, disposait que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé (...) procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; qu'il implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; que toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant que la lettre en date du 15 février 2006 par laquelle le directeur administratif et financier de la SAS TAT EXPRESS a demandé l'autorisation de licencier M. A fait état d'un comportement irrespectueux et injurieux de l'intéressé envers ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues de travail ne permettant pas, sans risque de trouble important dans la marche des services, son maintien dans la société ; que, dans sa décision du 11 octobre 2006, le ministre chargé des transports a retenu le seul motif tiré de ce que M. A avait instauré un climat de peur et d'humiliation auprès des salariés de l'agence et de leurs encadrants et un climat nuisible à l'organisation et à la qualité du travail que le ministre a regardé comme établi dès lors qu'il ressortait de plusieurs témoignages concordants que mesdames B et C, salariées au sein de l'entreprise, avaient fait l'objet d'insultes verbales et gestuelles de la part de M. A ; que le Tribunal a annulé la décision du ministre en se fondant sur le fait que, durant l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail, M. A n'avait été informé ni de l'identité de Mme C ni, d'une façon suffisamment circonstanciée, de la teneur de son témoignage dont il n'avait pas eu communication ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. A aurait pu déduire de la lettre en date du 27 février 2006 de l'inspecteur du travail selon laquelle les éléments produits par votre employeur pour justifier de la réalité des faits qui vous sont reprochés consistent en plusieurs attestations rédigées par des salariés de l'agence, un procès-verbal d'une plainte déposée par une salariée auprès de la brigade territoriale autonome de Chassieu et d'une déclaration sans dépôt de plainte, faite par un salarié auprès de cette même brigade territoriale l'identité des personnes ayant accepté de témoigner contre lui et le contenu de leur témoignage ne permet pas de regarder l'intéressé comme ayant été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, et notamment de l'identité des personnes s'étant plaintes de ses agissements et du contenu des témoignages recueillis à l'appui de leurs accusations ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que M. A ne conteste pas qu'il avait connaissance de la plainte déposée contre lui le 5 janvier 2006 par Mme B selon laquelle il l'aurait injuriée et de ce que la déposition précise que les injures ont lieu en présence de collègues, en citant notamment Mme C, et que des collègues avaient établi des attestations certifiant qu'ils avaient été témoins d'injures envers Mme B et envers d'autres collègues, ainsi que de son état d'ivresse manifeste au sein de l'entreprise et en dehors, ne saurait être regardée comme ayant porté à la connaissance de M. A les graves accusations que Mme C a portées contre ce dernier dans une attestation en date du 20 janvier 2006 et sur lesquelles la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'entreprise puis le ministre se sont fondés ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès de l'intéressé à ces témoignages et attestations, qui lui ont d'ailleurs été communiqués en cours d'instance, aurait pu être de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs ;

Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait à la date de la décision attaquée pris la même décision en se fondant uniquement sur la plainte déposée le 5 janvier 2006 par Mme B à l'encontre de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS TAT EXPRESS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision ministérielle du 1er juillet 2005 en tant qu'elle l'autorisait à licencier M. A ;

Sur les conclusions M. A au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS TAT EXPRESS une somme de 1 000 euros à verser à M. A au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS TAT EXPRESS est rejetée.

Article 2 : La SAS TAT EXPRESS versera une somme de 1 000 euros (mille euros) à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS TAT EXPRESS, à M. Habib A et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Monnier et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 5 janvier 2010.

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N° 08LY01417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01417
Date de la décision : 05/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Pierre MONNIER
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-01-05;08ly01417 ?
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