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22/12/2009 | FRANCE | N°09LY01101

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 22 décembre 2009, 09LY01101


Vu le recours, enregistré le 20 mai 2009 à la Cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le PREFET DE L'AIN ;

Le PREFET DE L'AIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902458 en date du 24 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 21 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité tunisienne, ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée ;>
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de L...

Vu le recours, enregistré le 20 mai 2009 à la Cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le PREFET DE L'AIN ;

Le PREFET DE L'AIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902458 en date du 24 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 21 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité tunisienne, ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur d'appréciation quant à l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2009, présenté pour M. A, domicilié ..., qui conclut au rejet du recours du PREFET DE L'AIN et demande à la Cour :

- à ce qu'il soit fait injonction au PREFET DE l'AIN de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge du PREFET DE L'AIN la somme de 1 500 euros au profit de son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient qu'eu égard à l'ancienneté de son séjour en France, où il est arrivé jeune majeur, à son intégration dans la société française attestée par la promesse d'embauche dont il dispose et la maîtrise de la langue française, et à son mariage avec une ressortissante française avec laquelle il vit depuis plusieurs années, l'arrêté préfectoral en litige a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du 29 septembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les observations de Me Proust, avocat de M. A ;

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du PREFET DE L'AIN en date du 21 avril 2009, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette décision a notamment méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort des pièces du dossier, que M. A, de nationalité tunisienne, est entré régulièrement sur le territoire national, le 18 août 2001 ; qu'à la date de la décision litigieuse, il séjournait depuis huit ans en France ; qu'il vit depuis plus de deux ans avec Mlle B, de nationalité française, avec laquelle il s'est marié le 23 août 2008 ; que, par ailleurs, il justifie d'une promesse d'embauche ; que, dans ces circonstances, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE L'AIN a porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et qu'il a, par suite, été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'AIN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 21 avril 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ainsi que par voie de conséquence sa décision distincte du même jour fixant la Tunisie comme pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions de M. A aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DE L'AIN de se prononcer à nouveau sur la situation de M. A dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser la somme de 800 euros au profit du conseil de M. A en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du PREFET DE L'AIN est rejeté.

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE L'AIN de réexaminer la situation de M. A dans le délai de deux mois.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser 800 euros au conseil de M. A en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant la Cour par M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'AIN, à M. Helmi A et au ministre de l'immigration de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.

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N° 09LY01101

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01101
Date de la décision : 22/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-22;09ly01101 ?
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