Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 mars 2009, présenté pour le PREFET DE LA REGION RHONE-ALPES, PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0900696 en date du 12 février 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé l'arrêté du 9 février 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle Emma Elsa A, de nationalité camerounaise, et, d'autre part, condamné l'Etat à verser la somme de 500 euros à celle-ci ;
Il soutient que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Emma Elsa A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que seule sa soeur aînée est en situation régulière sur le territoire français, que les deux soeurs Deutcho ne vivent pas ensemble et qu'aucune d'elles ne vit avec leur mère ; que, si Mlle A est domiciliée chez M. B, elle n'établit pas qu'il y a communauté de vie avec celui-ci ; qu'elle est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 26 mai 2009 et régularisé le 2 juin 2009, présenté pour Mlle Emma Elsa A, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que le PREFET DU RHONE, qui n'avait pas compétence liée pour prendre un arrêté de reconduite à la frontière, a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation personnelle ; qu'elle n'a pas eu connaissance de la décision du 4 février 2008 par laquelle le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français et que cette décision n'était plus exécutoire à la date de la décision de reconduite à la frontière en litige ; que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation familiale ; que la décision ordonnant sa reconduite à la frontière porte une atteinte manifeste à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est donc contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- les observations de Me Marciguey, avocat de Mlle A ;
- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau à la partie présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, ressortissante camerounaise, née le 3 mai 1989, est entrée sur le territoire français en 2003 ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès de la préfecture de police en octobre 2007 et que, par un arrêté en date du 4 février 2008, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ; qu'elle a été interpellée par les services de police à Lyon, le 9 février 2009, au motif qu'elle séjournait irrégulièrement sur le territoire français et que, par un arrêté du même jour, le PREFET DU RHONE a ordonné sa reconduite à la frontière ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision au motif qu'elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que le Tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé que Mlle A est arrivée en France à l'âge de quatorze ans, qu'elle a suivi sa scolarité dans des établissements scolaires parisiens de 2003 à 2007, qu'elle a obtenu un brevet d'études professionnelles dans la spécialité vente action marchande globale, à la session de juin 2007, qu'elle prépare par correspondance un baccalauréat professionnel dans la spécialité commerce, depuis décembre 2008, qu'elle n'a, depuis son arrivée en France, plus de contact avec son père qui demeure au Cameroun, que sa petite soeur Sandra est scolarisée en France, que sa soeur aînée vit régulièrement en France et que sa mère accomplit des démarches en vue de régulariser sa situation sur le territoire français, a estimé que, dans ces conditions, compte tenu de la durée du séjour de l'intéressée en France et notamment de l'âge auquel elle est arrivée sur le territoire national, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision ordonnant sa reconduite à la frontière prise par le PREFET DU RHONE le 9 février 2009 a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant, toutefois, que Mlle A n'habite pas avec sa soeur aînée et n'établit pas qu'elle vit avec sa mère et sa petite soeur à la date de la décision attaquée ; que ces deux dernières sont, comme elle, en situation irrégulière au regard du droit au séjour en France ; que sa soeur aînée est seulement titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an ; que l'intéressée est célibataire, sans enfant à charge et n'établit habiter chez M. B, ressortissant français, que depuis le mois de juin 2008 ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun, où vit son père ; qu'il résulte de ce qui précède que la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 9 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A au motif qu'elle était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ; qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle A ;
Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...)
3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; (...) ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mlle A a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, par une décision en date du 4 février 2008, qui est exécutoire, cette décision n'ayant pas été contestée ; que, si l'intéressée soutient qu'elle n'a pas eu connaissance de la décision précitée, le PREFET DU RHONE produit en première instance une copie du pli recommandé avec accusé de réception ayant servi à notifier ladite décision, qui a été présenté, le 6 février 2008, à l'adresse de Mlle A ; que celle-ci n'a pas retiré le pli en cause, qui a été retourné à la préfecture expéditrice avec la mention non réclamé ; que, le 9 février 2009, elle entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, en deuxième lieu, que Mlle A soutient que le PREFET DU RHONE, qui n'avait pas compétence liée pour prendre un arrêté de reconduite à la frontière à son encontre, a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa situation personnelle ; que toutefois, le fait pour le PREFET DU RHONE de viser, dans sa décision de reconduite à la frontière du 9 février 2009, les décisions du 4 février 2008 par lesquelles le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée et lui a fait obligation de quitter le territoire français, ne signifie pas qu'il s'est cru en situation de compétence liée au regard de celles-ci pour prendre la décision attaquée ; que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance des décisions précitées du 4 février 2008, pour les raisons évoquées dans le paragraphe précédent ; qu'il ne ressort pas des mentions de cet arrêté que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mlle A avant de prendre la mesure d'éloignement en litige ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus ci-dessus lors de l'examen de la situation de Mlle A au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le PREFET DU RHONE n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le PREFET DU RHONE a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mlle A, qui succombe dans l'instance, puisse obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900696 du Tribunal administratif de Lyon en date du 12 février 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Lyon ainsi que les conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Emma Elsa A, au PREFET DU RHONE et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.
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N° 09LY00552
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