Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 10 mars 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900790 en date du 16 février 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 février 2009 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A de nationalité algérienne, ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions distinctes du même jour fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et le placement en rétention administrative de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. A dès lors que le premier juge a considéré à tort que les décisions attaquées méconnaissaient les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 18 septembre 2009, et régularisé le même jour, présenté pour M. Baghdad A, domicilié ... qui conclut à titre principal, au rejet du recours du préfet et, à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions du PREFET DU RHONE du 11 février 2009, à la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien, sous trente jours à compter de la notification du présent arrêt et au réexamen de sa situation et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 444,04 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Il soutient, à titre principal, que le recours du PREFET DU RHONE est irrecevable ; qu'à titre subsidiaire, c'est à bon droit que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, la décision fixant le pays de destination de la reconduite et celle ordonnant son placement en rétention administrative portaient une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et en a pour ce motif prononcé l'annulation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la décision d'aide juridictionnelle du 23 juin 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2009 :
- le rapport de M. Bézard, président ;
- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la recevabilité du recours du PREFET DU RHONE :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DU RHONE a présenté devant la Cour, dans le délai de recours, un mémoire d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction de son mémoire de première instance et énonçait à nouveau l'argumentation qui lui paraissait devoir fonder le rejet de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif contre son arrêté ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que la circonstance que le PREFET DU RHONE n'a pas demandé de surseoir à l'exécution du jugement contesté et a délivré une autorisation provisoire de séjour à M. A en exécution de la chose jugée est sans incidence sur la recevabilité du recours du PREFET DU RHONE ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, est entré irrégulièrement en France, selon ses dires, en 2003 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 11 février 2009 ; qu'ainsi, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, après avoir relevé que M. A a eu un enfant, né en février 2008, avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, avec laquelle il s'est marié le 5 avril 2008, que la demande de regroupement familial présentée par son épouse, alors enceinte d'un mois et demi, a été rejetée le 3 novembre 2008 au motif que M. A résidait irrégulièrement sur le territoire national, que le 10 novembre suivant Mme A a fait une fausse couche, que M. A qui dispose de qualifications professionnelles pourrait contribuer par un travail légal à l'entretien de sa famille, y compris de la fille de son épouse née d'un premier mariage, dont il s'occupe, alors que l'état de santé de son épouse enceinte se trouve fragilisé, a estimé que, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement qui séparera durablement M. A de son épouse, de la fille de celle-ci, de leur fils Youssef et de leur enfant à naître, la décision du 11 février 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière, prise par le PREFET DU RHONE, a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre M. A et son épouse est récente ; que la circonstance que M. A ait reconnu en novembre 2007 la paternité de l'enfant, dont Mme B a déclaré être enceinte, est, par elle-même, insuffisante pour établir la communauté de vie entre les époux d'autant qu'il est établi que l'installation de M. A au domicile de son épouse est intervenu dans le courant de l'année 2008 ; que M. A ne peut utilement se prévaloir du fait qu'il vivait à Marseille depuis 2003, et, à supposer cette circonstance avérée, ce que les attestations de tiers dénuées de toute valeur probante ne sauraient établir, il est constant que l'intéressé n'a accompli aucune démarche tendant à régulariser sa situation ; qu'ainsi, M. A a vécu au minimum 35 ans dans son pays d'origine ; que, nonobstant le décès de ses parents, il n'est pas établi qu'il y soit dépourvu de toute attache familiale ; qu'au demeurant, à la date de la décision contestée, son épouse et son fils étaient de nationalité algérienne, que Mme A a vécu 21 ans en Algérie où il n'est pas démontré qu'elle y soit elle-même dépourvue d'attaches ; que, si Mme A était enceinte de deux mois à la date de l'intervention de l'arrêté attaqué, il ne ressort toutefois pas du certificat médical produit, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, que l'état de santé de Mme A rendait indispensable la présence de son mari à ses côtés ; que la décision de reconduite à la frontière n'a pas pour effet de séparer durablement la famille A, dès lors que rien n'empêche M. A de revenir ultérieurement en France sous couvert d'un titre régulier ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. A en France, du caractère récent de la communauté de vie avec son épouse et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A , le 11 février 2009, est signé par M. René C, Secrétaire général de la préfecture du Rhône, lequel avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE, par arrêté du 9 juin 2008, régulièrement publié le même jour au Recueil des actes administratifs du département, l'autorisant à signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière, les décisions fixant le pays de renvoi et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière comporte en outre des éléments de droit qui en constituent le fondement et vise notamment les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent, en l'absence dans l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié de toute stipulation ayant la même portée, s'appliquer aux ressortissants algériens qui font l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris sur son fondement ; que la circonstance que le visa de l'accord franco-algérien ait été omis est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté qui énonce, de façon précise, les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressé des dispositions du 1° du II de l'article 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, et alors même qu'il n'est pas fait explicitement mention de certains éléments de fait caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé et dès lors que l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser en quoi la situation de l'intéressé ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation prévues par la loi du 11 juillet 1979, applicable aux mesures de police ; qu'ainsi, au regard de la motivation en fait et en droit, le PREFET DU RHONE a effectivement procédé à un examen de la situation particulière de M. A avant d'édicter la mesure de reconduite à la frontière attaquée ; que la circonstance qu'il soit fait mention de la possibilité pour M. A d'un retour ultérieur sous couvert du regroupement familial, alors qu'une précédente demande, présentée par son épouse, a fait l'objet d'un refus le 3 novembre 2008, est sans incidence ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d' autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment s'agissant des conclusions aux fins d'annulation du jugement contesté, la décision de reconduite à la frontière ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco algérien précité ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que, si M. A soutient s'occuper de son fils et de la fille de son épouse, née en 2006 d'une première union, il n'est toutefois pas établi que M. A exerce sur celle-ci l'autorité parentale ; que, compte tenu du caractère récent de la communauté de vie de l'intéressé avec son épouse, de sa possibilité d'être admis sur le territoire français suivant les procédures légales instaurées en faveur des ressortissants algériens et du caractère provisoire de la séparation de l'enfant Youssef d'avec son père dans l'attente d'un regroupement familial, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur les décisions fixant le pays de destination et le placement de M. A en rétention administrative :
Considérant que, pour les mêmes motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, les décisions fixant le pays de renvoi et ordonnant le placement en rétention administrative de M. A ne sont entachées ni d'incompétence ni d'un défaut de motivation et ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 11 février 2009 portant reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer M. A une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une quelconque somme que ce soit au profit de M. A, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900790, en date du 16 février 2009, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Baghdad A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.
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N° 09LY00549
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