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15/12/2009 | FRANCE | N°08LY00987

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 5, 15 décembre 2009, 08LY00987


Vu le recours, enregistré le 28 avril 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0304802 du 27 novembre 2007 du Tribunal administratif de Grenoble déchargeant la société Leader venant aux droits de la société Cooky, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire d'impôt sur les sociétés au

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Vu le recours, enregistré le 28 avril 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0304802 du 27 novembre 2007 du Tribunal administratif de Grenoble déchargeant la société Leader venant aux droits de la société Cooky, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Cooky a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) à titre principal, de remettre à la charge de société Leader venant aux droits de la société Cooky les cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et, à titre subsidiaire, de remettre à la charge de cette société les cotisations supplémentaires, en droits et pénalités, d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 correspondant au redressement pour lequel aucun moyen n'a été articulé, soit respectivement 4 352,11 euros, 4 514,62 euros et 1 967,04 euros ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont statué ultra-petita en accordant la décharge de l'ensemble des rappels mis à la charge de la société Cooky au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 alors que seuls les rappels afférents à la cessation d'activité étaient en litige ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il n'explique pas pourquoi il a écarté le moyen tiré de ce que l'exercice d'une activité civile de loueur de murs nus emportait cessation immédiate et définitive de l'activité commerciale de restauration de la société Cooky au sens des dispositions combinées des articles 209-I et 221-5 du code général des impôts ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure dès lors que l'administration a reçu le 31 octobre 2006, jour de la clôture de l'instruction, un mémoire en réplique de la société requérante daté du 30 octobre 2006 et qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour y répliquer compte tenu de la clôture de l'instruction ;

- la société devait être regardée comme ayant cessé, au sens de l'article 221 du code général des impôts, son activité commerciale d'exploitant d'un restaurant-bar le 2 septembre1996, date à laquelle elle a déclaré avoir cessé cette activité et débuté une activité à caractère civil de location de murs, sans manifester son intention de reprendre ultérieurement l'exploitation de l'activité de restauration ; l'application des principes dégagés par la jurisprudence Sophie B du 18 mai 2005 relative à l'examen des changements intervenus dans la nature de l'activité ne remet pas en cause l'abandon d'une activité commerciale au profit d'une activité civile dans le cas d'espèce ;

- l'instruction 4 A-5-86 du 10 mars 1986 faisant état de ce que la jurisprudence antérieure conservait toute sa portée ne concerne que le seul changement d'activité réel à l'exclusion des cessions massives de droits sociaux ; dès lors qu'une seule des deux conditions relatives au changement d'objet social ou au changement d'activité réelle est remplie, le droit de procéder au report des déficits n'est pas admis ;

- la société a déclaré son changement d'objet social qui a, en tout état de cause, été suivi d'un changement effectif d'activité, doit être regardé comme ayant entraîné cessation d'activité au sens de l'article 221-5 du code général des impôts ;

- le fonds de commerce de restaurant de la rue du Docteur Paccard a disparu entièrement en août 1996 et il n'y a eu ni continuité ni poursuite d'activité entre cette exploitation initiale et la prise en location gérance du restaurant de la rue Lyret qui préexistait de manière indépendante, la société ayant exercé pendant cette période une activité radicalement différente ;

- les déficits sont attachés à la notion d'activité et non à la notion de personne afin d'éviter les trafics de déficits résultant de la reprise, à des fins uniquement fiscales, d'entreprises déficitaires dont l'activité initiale était en fait abandonnée au profit d'une autre activité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 26 septembre 2008, le mémoire en défense présenté pour la société Leader venant aux droits de la société Cooky, qui conclut au rejet du recours.

Elle soutient que :

- il sera donné acte à l'administration de ce qu'elle n'a sollicité des premiers juges que la décharge des rappels d'imposition de la société Cooky au titre des exercices 1998, 1999 et 2000 afférents aux déficits reportables ;

- le Tribunal a suffisamment motivé son jugement concernant le moyen soulevé en défense par l'administration et tiré de l'exercice d'une activité civile emportant cessation d'activité ;

- le Tribunal n'a pas méconnu le principe du contradictoire concernant la transmission à l'administration le 31 octobre 2006, jour de la clôture de l'instruction, d'un mémoire daté du 30 octobre alors que l'administration ne s'est pas déplacée à l'audience pour évoquer cette transmission tardive, qu'elle n'a pas sollicité de la juridiction un délai complémentaire de réponse, que l'ordonnance du président est datée du 30 octobre 2007 et que l'audience a eu lieu le 13 novembre 2007 ;

- les principes dégagés par la jurisprudence Sophie B lui sont applicables dès lors qu'elle exploitait initialement un fonds de restauration, qu'elle a été contrainte d'opérer en deux fois, les 21 juillet 1996 et 30 septembre 1997, la cessation de son droit au bail en raison de difficultés conjoncturelles, qu'elle a repris en novembre 1997 une activité de restauration confirmant l'identité d'activité avec celle initialement exercée sans que l'administration puisse prendre pour prétexte une activité de location de locaux nus pendant la période intercalaire ; les déficits étaient ainsi imputables en vertu des articles 209, I-1° et 221-5 du code général des impôts ;

- elle se prévaut de la doctrine 4 A-5-86 sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales mentionnant que la jurisprudence antérieure conservait toute sa portée ;

- l'activité intercalaire de sous-location a été induite par l'existence d'une promesse de cessation de droit au bail pour le local n° 2 , la cession du droit au bail le 30 septembre 1997 ayant permis à la société Cooky de reprendre son activité de restauration ;

Vu, enregistré le 20 novembre 2008, le nouveau mémoire présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- elle n'a pas été en mesure de répondre au mémoire du 30 octobre 2006 reçu le 31 octobre 2006, jour de la clôture de l'instruction, alors même que l'avis d'audience est intervenu plus d'un an après dès lors que toute production par l'administration postérieure à cette date aurait nécessairement été regardée comme adressée tardivement ;

- les circonstances de faits propres à l'affaire Sophie B ne sont pas transposables à la société Cooky ;

- l'argument de la société Cooky relatif à la nécessité de mettre en location les murs ne repose sur aucun début de justification et doit être écarté ; il demeure en outre sans incidence sur l'effectivité de la cessation d'activité ;

- la société a modifié, outre son objet social, son activité réelle en passant de l'exploitation d'un bar restaurant à la mise en location de murs nus ;

Vu l'ordonnance en date du 24 février 2009 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 20 mars 2009 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2009 :

- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1998 au 30 novembre 2000 dont la société Cooky a fait l'objet, l'administration fiscale a notamment estimé que cette société avait changé d'activité en 1996 dans des conditions de nature à constituer une cessation d'entreprise au sens du 5° de l'article 201 du code général des impôts et a ainsi remis en cause l'imputation, au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000, de déficits et amortissements réputés différés antérieurement comptabilisés ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal a déchargé, en droits et pénalités, la société Leader venant aux droits de la société Cooky des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles mises à la charge de la société Cooky au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : I. (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. (...) ; et qu'aux termes du 5 de l'article 221 du même code dans sa rédaction alors applicable : Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Toutefois, dans cette situation, les dispositions de l'article 221 bis sont applicables, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières. (...) ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même ;

Considérant que la Sarl Cooky, qui, depuis l'année 1992, exploitait un fonds de commerce de bar-restaurant à Chamonix, rue du Dr Paccard, a mis fin le 15 mars 1996 à la location gérance de son commerce qu'elle avait donnée à la société Blg restauration ; que les locaux en cause ont été divisés en deux locaux commerciaux ; que la Sarl Cooky a cédé le 21 août 1996 son bail relatif au local n° 1 à la société Marlaine qui exerçait une activité de commerce de prêt à porter ; que, le 2 septembre 1996, elle a décidé de sous-louer, pour un loyer mensuel de 15 000 francs hors taxe, les murs du local n° 2 à cette même société avec une promesse de vente du droit au bail qu'elle détenait sur ce local, lequel a été finalement cédé le 30 septembre 1997 ; qu'enfin, elle a vendu ou mis au rebus les matériels et agencements relatifs à son activité de bar-restaurant ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Sarl Cooky a déclaré au centre des formalités des entreprises la suppression de son activité commerciale de restaurant-bar et la création d'une activité de nature civile de loueurs de locaux à compter du 21 août 1996 ; qu'elle a ainsi manifesté sa décision de changer d'activité et de mettre fin à son activité commerciale à compter de cette date comme le montre la cessation effective, à compter des 21 août et 2 septembre 1996, de cette activité de commerce de bar-restaurant pour exercer celle à caractère civil de loueur de locaux ; que les éléments produits par la société Leader, notamment les importantes pertes figurant à ses bilans et une assignation en référé qu'elle a délivrée le 29 mars 1996 à l'encontre de la société Blg restauration, ne suffisent pas à faire regarder la Sarl Cooky comme n'ayant entendu interrompre que temporairement son activité commerciale de restauration en raison de graves difficultés financières et exercer une activité de nature civile de locations de murs que de manière provisoire dans l'attente de la reprise d'un nouveau restaurant ; qu'ils ne sauraient remettre ainsi en cause le caractère définitif de la cessation de son activité commerciale à compter des 21 août et 2 septembre 1996, même si la société a décidé ultérieurement d'exercer, à nouveau, une activité commerciale de restauration ;

Considérant que, dans ces conditions, la Sarl Cooky a connu à compter de ces dates des 21 août et 2 septembre 1996 un changement d'activité d'une importance telle qu'elle doit être ainsi regardée comme emportant cessation d'entreprise de son activité de commerce au sens du 5 précité de l'article 221 du code général des impôts ; que, par suite, si la Sarl Cooky a exercé à nouveau à compter du 1er décembre 1997 une activité de restauration en prenant en location gérance un restaurant dénommé Le Monchu situé à Chamonix, rue du Lyret, dont le bail commercial était détenu par la société Leader qui exploitait ce restaurant depuis 1985 et avait le même actionnaire principal, elle ne pouvait légalement prétendre, sur le fondement des dispositions précitées, au report, sur les résultats des exercices 1998 à 2000 de cette nouvelle activité de restauration, de déficits et d'amortissements réputés différés antérieurement comptabilisés qui n'avaient pu être imputés sur l'exercice 1997 et qui avaient subsisté à la date de la cessation, en 1996, de son activité commerciale de restauration à laquelle avait succédé une activité civile de location de murs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a prononcé la décharge des impositions litigieuses au motif que la société intimée avait poursuivi la même activité selon des modalités différentes et pouvait prétendre au report sur les résultats des exercices clos en 1998 et 1999 et 2000 de ces déficits et amortissements réputés différés, au regard des dispositions des articles 209 et 221-5 du code général des impôts ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Leader venant aux droits de la société Cooky tant en première instance qu'en appel ;

Considérant que la société Leader ne peut utilement se prévaloir de l'instruction du 10 mars 1986 4A-5-86 publié au bulletin officiel des impôts selon laquelle la doctrine et la jurisprudence antérieures conservent toute leur portée, ces prévisions ne donnant pas des dispositions législatives précitées une interprétation différente de celle qui ressort de ce qui a été dit ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a accordé à la société Cooky la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société Cooky a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et les pénalités y afférentes sont remises intégralement à la charge de la société Leader venant aux droits de la société Cooky.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la société Leader venant aux droits de la société Cooky.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2009, où siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

Mme Chalhoub, présidente,

MM. Monnier, Pourny et Segado, premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 15 décembre 2009.

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N° 08LY00987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 08LY00987
Date de la décision : 15/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : ARCANE JURIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-15;08ly00987 ?
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