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10/12/2009 | FRANCE | N°08LY00949

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 10 décembre 2009, 08LY00949


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2008 sous le n° 08LY00949, présentée pour M. Esed A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605236 en date du 13 septembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2006 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire bosnien contre un titre de conduite français ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône en date du 13 janvier 2006 ;

3°) d'enjoindr

e à l'administration de lui délivrer un permis de conduire français ;

4°) de condamner l'Etat ...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2008 sous le n° 08LY00949, présentée pour M. Esed A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605236 en date du 13 septembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2006 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire bosnien contre un titre de conduite français ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône en date du 13 janvier 2006 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un permis de conduire français ;

4°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, distraits au profit de son avocat, à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

M. A soutient que le préfet du Rhône n'a pas mentionné dans sa décision les éléments pouvant mettre en doute l'authenticité de son permis de conduire et que ce n'est que dans le mémoire en réponse qu'il a indiqué avoir saisi les autorités bosniaques aux fins d'authentification du titre, de sorte que le tribunal administratif ne pouvait fonder sa décision sur ces éléments postérieurs à la décision attaquée pour rejeter sa demande d'annulation ; que, transporteur indépendant dans son pays d'origine, il était évidemment titulaire d'un permis de conduire authentique ; que les autorités bosniaques étaient incompétentes pour authentifier son permis de conduire, cette compétence relevant du seul directeur de l'OFPRA, compte tenu de son statut de réfugié ; que le préfet a méconnu l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en émettant de simples doutes et sans user de la possibilité de recourir à une expertise des services de la fraude documentaire, le préfet a entaché son refus d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que seul un permis de conduire national régulier et valable est échangeable en France contre un permis de conduire équivalent ; que les services de la préfecture du Rhône ont en l'espèce relevé plusieurs anomalies visuelles sur le permis de conduire de M. A ; que, n'ayant aucune certitude sur l'authenticité du document présenté, le préfet du Rhône ne pouvait procéder à l'échange demandé ; que le directeur de l'OFPRA n'est habilité à authentifier que les actes et documents qui entrent dans un cadre légalement délimité, dont est exclu le permis de conduire ; que le préfet conserve toute sa compétence pour exercer un contrôle sur l'authenticité douteuse du permis, ce contrôle n'étant pas incompatible avec les dispositions régissant le droit d'asile et les droits des réfugiés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les décisions du 31 juillet 2006 et du 25 mars 2008 par lesquelles le bureau d'aide juridictionnelle admet M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le code de la route ;

Vu l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2009 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

Considérant que M. Esed A, réfugié politique d'origine bosniaque, a sollicité du préfet du Rhône l'échange de son permis de conduire contre un permis de conduire français, comme le permet l'article R. 222-3 du code de la route ; que le préfet du Rhône a refusé d'accéder à cette demande par une décision du 13 janvier 2006 motif pris de ce que le titre présenté par l'intéressé présentait des anomalies soulevant un doute sur son authenticité ; que, par le jugement attaqué du 13 septembre 2007, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

Considérant que M. A a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 10 mars 2006, dans les deux mois suivant la notification de la décision du 13 janvier 2006 ; que le délai de recours contentieux a été ainsi interrompu en application de l'article R. 441-1 du code de justice administrative et de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 ; que le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur cette demande par décision du 31 juillet 2006 ; que M. A a saisi le tribunal administratif le 25 août 2006, moins de deux mois après la notification de cette décision ; qu'ainsi sa demande n'était pas tardive ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance de M. A était irrecevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 25 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : 1°) Lorsque l'exercice d'un droit par un réfugié nécessiterait normalement le concours d'autorités étrangères auxquelles il ne peut recourir, les États Contractants sur le territoire desquels il réside veilleront à ce que ce concours lui soit fourni soit par leurs propres autorités, soit par une autorité internationale. / 2°) La ou les autorités visées au paragraphe 1 délivreront ou feront délivrer, sous leur contrôle, aux réfugiés, les documents ou certificats qui normalement seraient délivrés à un étranger par ses autorités nationales ou par leur intermédiaire. / 3°) Les documents ou certificats ainsi délivrés remplaceront les actes officiels délivrés à des étrangers par leurs autorités nationales ou par leur intermédiaire, et feront foi jusqu'à preuve du contraire (...) ;

Considérant, d'autre part, que l'article 11 de l'arrêté du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union Européenne, ni à l'Espace économique européen pris en application de l'article R. 221-9 du code de la route dispose que le préfet, en cas de doute sur l'authenticité d'un titre de conduite étranger dont l'échange avec un titre français est sollicité, doit demander un certificat attestant sa légalité auprès des autorités qui l'ont délivré et qu'en cas d'absence de réponse à l'expiration d'un délai maximal de six mois, l'échange du permis de conduire ne peut avoir lieu ; que, toutefois, en raison même de leur statut, certaines personnes à qui la qualité de réfugié a été reconnue ne sont pas en mesure de bénéficier du concours des autorités de leur pays d'origine lorsque celui-ci est normalement nécessaire pour l'exercice de leurs droits ; que, dans ces conditions, et eu égard aux stipulations précitées de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, la procédure prévue à l'article 11 de l'arrêté du 8 février 1999 pour authentifier un titre de conduite étranger n'est pas applicable à une personne à qui a été reconnue la qualité de réfugié, demandant l'échange d'un titre délivré dans son Etat d'origine ; qu'il appartient aux ministres compétents de rechercher, pour les réfugiés, les modalités particulières d'échange de permis de conduire adaptées à leur situation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'avait pas de certitude sur la falsification éventuelle du permis de conduire que présentait M. A, bénéficiaire du statut de réfugié, mais seulement des doutes sur l'authenticité de ce document ; que, dans ces conditions, il ne pouvait refuser de faire droit à la demande d'échange présentée par l'intéressé sans recourir à une procédure de vérification selon des modalités adaptées à la situation particulière des personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ; qu'ainsi la décision du 13 janvier 2006 est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 septembre 2007, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas que soit délivré un permis de conduire français à M. A mais seulement que l'administration procède à un nouvel examen de sa demande d'échange de permis de conduire ; qu'il y a lieu d'adresser une injonction en ce sens au préfet du Rhône ; qu'il lui sera imparti à cet effet un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vibourel, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Vibourel de la somme de 800 euros demandée à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 13 septembre 2007 et la décision du 13 janvier 2006 du préfet du Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de procéder à un nouvel examen de la demande d'échange de son permis de conduire présentée par M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 800 euros à Me Vibourel, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Esed A, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, chargé des technologies vertes et des négociations sur le climat. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Chalhoub, président-assesseur,

Mme Vinet, conseiller

Lu en audience publique, le 10 décembre 2009.

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N° 08LY00949

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00949
Date de la décision : 10/12/2009
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Cathy SCHMERBER
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-10;08ly00949 ?
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