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03/12/2009 | FRANCE | N°07LY01464

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2009, 07LY01464


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2007, présentée pour la SOCIETE AXA FRANCE IARD, dont le siège est 26 rue Drouot à Paris (75009) ;

La SOCIETE AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304342 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Vienne soit condamné à lui verser la somme de 330 067,18 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention subie par Mme A dans les suites de l'accident dont elle a été victime le 18 septembre 1993, a

insi que les frais d'expertise ;

2°) de condamner le centre hospitalier de...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2007, présentée pour la SOCIETE AXA FRANCE IARD, dont le siège est 26 rue Drouot à Paris (75009) ;

La SOCIETE AXA FRANCE IARD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304342 du 11 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Vienne soit condamné à lui verser la somme de 330 067,18 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention subie par Mme A dans les suites de l'accident dont elle a été victime le 18 septembre 1993, ainsi que les frais d'expertise ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Vienne à lui verser la somme de 330 067,18 euros, ainsi que les frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de centre hospitalier de Vienne une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en matière de responsabilité médicale hospitalière, le délai de prescription est désormais de 10 ans ; que seule la communication, le 28 septembre 1999, du rapport d'expertise du Pr C est susceptible en l'espèce de constituer le point de départ de la prescription quadriennale, la date de consolidation des blessures de Mme A n'ayant été connue qu'à cette date, ainsi que la faute médicale commise lors de l'intervention du 22 novembre 1994 ; que le point de départ de la prescription est la date à laquelle la victime est en mesure de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles le dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ; que la requête en référé présentée le 30 juin 2001 a interrompu le délai de prescription ; qu'il y a eu faute médicale lors de l'intervention du 22 novembre 1994 et qu'elle est subrogée dans les droits de Mme A ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 2 avril 2008 au centre hospitalier de Vienne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2008, présenté pour le centre hospitalier de Vienne qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société AXA FRANCE à lui verser une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que sa créance étant déjà prescrite avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, elle ne saurait bénéficier du délai de 10 ans ; qu'en matière médicale, la date de consolidation doit être considérée comme le point de départ du délai de prescription ; que Mme A avait connaissance dès la réalisation de l'intervention du 22 novembre 1994 des séquelles liées à cette opération, étant restée paraplégique dans les suites immédiates ; que sa responsabilité ne saurait être engagée, les conclusions de l'expert ne reposant que sur une analyse rétrospective ; que subsidiairement, les indemnités devraient être ramenées à de plus justes proportions ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 septembre 2008, présenté pour la SOCIETE AXA FRANCE IARD qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2009, présenté pour le centre hospitalier de Vienne qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les motifs, en outre, que dès le dépôt du rapport du Dr B, en 1995, la compagnie d'assurance avait connaissance des séquelles imputables à l'intervention du 22 novembre 1994 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2009, présenté pour la SOCIETE AXA FRANCE IARD qui maintient ses précédentes conclusions par les moyens , en outre, que le rapport du Dr B n'aborde pas la question de l'imputabilité du déficit neurologique à l'acte opératoire du 22 novembre 1994 et encore moins à la méthode thérapeutique retenue ; que seul le rapport du Pr C met en évidence l'existence d'un mauvais fonctionnement du service public ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Bonnard, avocat de la SOCIETE AXA FRANCE IARD ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A a été victime, le 18 septembre 1993, d'un grave accident imputable à une machine agricole actionnée par M. D ; que présentant de nombreux traumatismes, elle a été prise en charge au centre hospitalier de Vienne où elle a subi notamment des interventions reconstructrices de la jambe droite ; que près d'un an après, alors que l'intéressée était rentrée chez elle, a été mise en évidence une cypho-scoliose centrée sur une fracture-tassement vertébrale qui était passée inaperçue lors de l'accident initial ; que Mme A a été opérée à nouveau au centre hospitalier de Vienne, le 22 novembre 1994, en vue de réaliser une ostéosynthèse par matériel de Cottrel-Dubousset ; que cette intervention a immédiatement provoqué une paraplégie flasque T11-T12, à laquelle une nouvelle intervention réalisée le même jour n'a pu remédier ; que par un jugement du Tribunal de grande instance de Vienne du 3 décembre 1996, M. D a été déclaré entièrement responsable de l'accident sur le fondement de l'article 1384 du code civil et la compagnie UAP, assureur de celui-ci, condamnée à le garantir entièrement des condamnations prononcées à son encontre ; qu'après expertise, le même Tribunal de grande instance a, par un nouveau jugement du 7 septembre 2000, déclaré en relation directe et certaine avec l'accident du 18 septembre 1993 l'ensemble des lésions présentées par la victime, y compris la lésion rachidienne méconnue pendant un an, et a condamné M. D et la compagnie AXA ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie UAP, à verser les sommes de 778 539,24 francs à Mme A et 1 729 745,33 francs à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble ; que subrogée dans les droits de la victime et de la caisse, la compagnie AXA ASSURANCES a ensuite saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une requête en référé expertise, puis d'une demande au fond, dirigée contre le centre hospitalier de Vienne auquel elle impute les dommages, qu'elle a été également condamnée à réparer, résultant de l'intervention du 22 novembre 1994 et fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, faisant droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier, rejeté sa demande ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ;

Considérant que la créance que l'auteur d'un dommage, subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée en exécution d'une décision de la juridiction judiciaire, détient sur une collectivité publique à laquelle le dommage est également imputable, se rattache à l'exercice au cours duquel est intervenue la décision judiciaire qui a fixé le montant de la réparation et rendu ainsi la créance liquide et exigible ; que, dès lors, et même si la compagnie d'assurance était depuis l'origine partie à la procédure judiciaire, en même temps que son assuré, et avait donc eu connaissance bien antérieurement, du lien de causalité possible entre l'intervention chirurgicale litigieuse et le dommage subi par Mme A, la créance détenue par la SOCIETE AXA FRANCE IARD ne se rattachait pas à l'exercice au cours duquel les blessures subies par Mme A avaient été consolidées mais à celui au cours duquel est intervenu le jugement du Tribunal de grande instance de Vienne du 7 septembre 2000 qui a fixé le montant des réparations dues à la victime ; que, par suite, la créance dont la SOCIETE AXA FRANCE IARD se prévaut à l'égard du centre hospitalier de Vienne n'était pas atteinte par la prescription lorsqu'elle a saisi le Tribunal administratif de Grenoble le 30 juin 2001 d'une requête en référé tendant à la désignation d'un expert afin de rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Vienne dans la paraplégie dont Mme A a été victime ; que dès lors c'est à tort que le Tribunal a fait droit à l'exception de prescription opposée par le centre hospitalier ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la méthode thérapeutique retenue par le chirurgien pour traiter la fracture L1 découverte plusieurs mois après l'accident initial, incertaine quant au résultat et particulièrement risquée selon les conclusions de l'expert judiciaire, n'était plus la méthode adaptée pour traiter cette fracture ancienne laquelle bien que méconnue et non traitée n'avait pas donné de complications neurologiques et était pour le moins stabilisé ; que, par suite, la réalisation dans ces conditions de cette intervention le 22 novembre 1994, directement à l'origine de la paraplégie complète dont a été victime Mme A, présente un caractère fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Vienne ;

Sur l'évaluation du préjudice et la réparation :

Considérant que l'expert, désigné en référé par le Tribunal administratif de Grenoble, ayant procédé dans son rapport à une évaluation distincte des chefs de préjudice en lien direct avec la faute opératoire à l'exclusion de ceux en lien avec l'accident agricole initial, le centre hospitalier de Vienne, qui ne conteste pas les conclusions de l'expert sur ce point, ne peut utilement soutenir que certains postes de préjudices seraient doublement indemnisés ;

En ce qui concerne les postes de préjudice à caractère patrimonial de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais futurs dont la caisse primaire d'assurance maladie a demandé le remboursement présentent un caractère certain ; qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux, de transport d'hospitalisation et d'appareillage en lien avec l'accident médical du 22 novembre 2004 s'établissent à la somme totale de 231 460,67 euros ; que la SOCIETE AXA FRANCE IARD, qui a remboursé la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble de ce montant, est fondée à en demander le remboursement ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A alors âgée de 63 ans a subi, du fait de l'accident opératoire dont elle a été victime, une incapacité temporaire totale du 22 novembre 2004 au 26 août 2005 et a été contrainte ultérieurement à d'autres hospitalisations itératives ; qu'elle a enduré des souffrances spécifiquement évaluées à 5/7 par l'expert et présente un préjudice esthétique évalué à 4/7 ; que son état étant consolidé depuis le 26 août 2005, elle conserve une incapacité permanente partielle de 75 %, alors que son incapacité en l'absence d'opération aurait été limitée à 15% ; que dans ces conditions, la SOCIETE AXA FRANCE IARD n'a pas fait une évaluation insuffisante de l'ensemble des préjudices personnels de Mme A en sollicitant à ce titre la somme de 98 606,51 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Vienne à verser à la SOCIETE AXA FRANCE IARD, subrogée dans les droits de Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, la somme totale de 330 067,18 euros

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE AXA FRANCE IARD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il a y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires de l'expertise ordonnée devant le tribunal administratif, liquidés et taxés à la somme de 3 433,63 euros par ordonnance du président en date du 22 janvier 2003, à la charge définitive du centre hospitalier de Vienne ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE AXA FRANCE IARD qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Vienne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de la SOCIETE AXA FRANCE IARD tendant à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Vienne le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 11 mai 2007 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Vienne est condamné à verser à la SOCIETE AXA FRANCE IARD la somme de 330 067,18 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier de Vienne.

Article 4 : Le centre hospitalier de Vienne versera à la SOCIETE AXA FRANCE IARD une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE AXA FRANCE IARD est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AXA FRANCE IARD, au centre hospitalier de Vienne et au ministre de la santé et des sports. Copie en sera adressée à M. C (expert).

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2009 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2009.

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N° 07LY01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01464
Date de la décision : 03/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : BONNARD FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-03;07ly01464 ?
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