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26/11/2009 | FRANCE | N°08LY00156

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2009, 08LY00156


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2008, présentée pour M. Richard A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407759 du 13 novembre 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Lyon n'a fait droit qu'à hauteur de 2 000 euros à sa demande tendant à la condamnation de la ville de Lyon à lui verser la somme de 150 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait de décisions illégales et d'un comportement fautif ;

2°) de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 150 000 euros, en répar

ation des différents préjudices subis, augmentée des intérêts au taux légal à compte...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2008, présentée pour M. Richard A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0407759 du 13 novembre 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Lyon n'a fait droit qu'à hauteur de 2 000 euros à sa demande tendant à la condamnation de la ville de Lyon à lui verser la somme de 150 000 euros, en réparation des préjudices subis du fait de décisions illégales et d'un comportement fautif ;

2°) de condamner la ville de Lyon à lui verser la somme de 150 000 euros, en réparation des différents préjudices subis, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2004, date de réception du recours indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts à compter du 3 octobre 2007 ainsi qu'à chaque échéance ultérieure ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Lyon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- en lui opposant sa démission présentée et acceptée en septembre 2003, sans rechercher, comme ils étaient invités à le faire, quelle était la cause de cette démission, directement liée au comportement fautif de l'administration, les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de fait et dénaturé les pièces du dossier ;

- l'exclusion temporaire de fonctions est gravement illégale : le montant de l'indemnité fixée par les premiers juges ne tient pas compte des conséquences nécessaires de la décision prononcée par le juge de l'excès de pouvoir le 24 février 2004, en minimisant des fautes commises par la ville de Lyon qui ont été regardées comme étant d'une gravité certaine, en évoquant ses prétendues fautes et en considérant qu'une partie des faits reprochés avait été amnistiée sans prendre acte d'abord de ce que ces derniers n'étaient pas établis ;

- la mesure de suspension de fonctions du 11 juillet 2002 est illégale : les prétendues fautes graves qui étaient imputées ne présentaient pas un caractère suffisant de vraisemblance, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal ;

- la décision de mutation d'office illégale prise à son encontre a suscité un syndrome dépressif réactionnel, directement à l'origine de sa démission ;

- les fautes commises par la ville de Lyon, par leur gravité, ne sauraient être atténuées par le fait de la conservation collective au sein du service d'une petite somme d'argent, d'autant que ce fait était connu de la hiérarchie ;

- l'indemnité de 2 000 euros allouée par les premiers juges n'est pas de nature à réparer le préjudice moral considérable qu'il a subi, lequel peut être évalué, compte tenu également de l'atteinte à sa dignité, des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et du retentissement sur le plan familial, à la somme de 100 000 euros ;

- l'absence de revenus à laquelle il a été confronté a entraîné une situation financière préoccupante pour sa compagne ainsi que pour lui-même : le préjudice financier subi s'élève à 50 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2008, présenté pour la ville de Lyon qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- les décisions qui ont été annulées ne sont pas gravement illégales, dès lors que le comportement de M. A était loin d'être exempt de tout reproche ; la décision de suspension du 11 juillet 2002 était légale compte tenu de la vraisemblance de la gravité des faits reprochés ;

- les mesures qu'elle a prises à l'encontre de M. A n'ont aucun caractère vexatoire ou humiliant et ne sont pas à l'origine du syndrome dépressif réactionnel dont il a été victime ;

- ainsi que l'ont reconnu les premiers juges et la Cour, M. A s'est rendu coupable de certains faits comme celui d'avoir conservé des pourboires qui sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction ; dès lors, ces éléments doivent être pris en compte pour évaluer les préjudices subis par le requérant ;

- M. A ne démontre pas que la dégradation de son état de santé a pour origine directe et exclusive les fautes de la commune ; par ailleurs, il n'a engagé aucune procédure aux fins de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie ; enfin, sa démission est essentiellement à l'origine de cette dégradation de son état de santé ainsi que des troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence ;

- dès lors qu'elle a versé les sommes correspondants aux pertes de revenus des années 2002 et 2003, et que la perte de revenus de l'intéressé à compter de septembre 2003 est liée à sa démission, aucune indemnité n'est due à ce titre ; M. A n'avait aucun droit à la prime de fin d'année 2003 ; enfin, les autres préjudices financiers invoqués ont pour origine directe sa démission et non l'illégalité des décisions ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2009, présentée pour M. A qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2009, présenté pour la ville de Lyon qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-547 du 6 mai 1988, portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de maîtrise territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2009 :

- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;

- les observations de Me Bonnefoy-Claudet pour M. A et Me Delay pour la ville de Lyon ;

- et les conclusions de Mme Humbert-Bouvier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. A a été recruté par la ville de Lyon, en qualité d'ouvrier professionnel de 2ème catégorie animalier au jardin zoologique du parc de la Tête d'or, à compter du 1er septembre 1976 ; qu'il a été nommé agent de maîtrise qualifié chef animalier, le 1er mai 2000 ; qu'après l'avoir suspendu de ses fonctions à compter du 17 juillet 2002, par décision du 11 octobre 2002, prise après avis du conseil de discipline, le maire de Lyon a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois ; que, par décision du 22 avril 2003, M. A a été muté à la direction des affaires culturelles de la collectivité ; que, le 20 septembre 2003, il a démissionné de son poste, après une période d'arrêt de travail pour maladie ; que, par jugement du 24 février 2004, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions susmentionnées des 11 octobre 2002 et 22 avril 2003 et a enjoint à la ville de Lyon de réintégrer juridiquement l'intéressé à la date de son exclusion et de reconstituer sa carrière ; que, par un arrêt en date du 5 juin 2007, la Cour de céans a rejeté la requête présentée par la ville de Lyon tendant à l'annulation du jugement susmentionné du Tribunal administratif de Lyon en date du 24 février 2004, en tant qu'il a annulé son arrêté du 11 octobre 2002 ; que, par un jugement du 13 novembre 2007, dont M. A fait appel, le Tribunal administratif de Lyon lui a alloué une indemnité limitée à 2 000 euros sur la somme de 150 000 euros demandée, au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence liés à l'illégalité des décisions susmentionnées des 11 octobre 2002 et 22 avril 2003 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 11 juillet 2002 par laquelle le maire de Lyon a suspendu M. A de ses fonctions est intervenue à la suite de plusieurs rapports hiérarchiques ainsi que d'une enquête interne faisant état de faits reprochés à l'intéressé, à savoir la négligence grave dans la gestion du service, en tant qu'il a laissé se développer des pratiques telles que le détournement de denrées alimentaires destinées aux animaux ainsi que l'acceptation de pourboires à l'occasion de la livraison et du déchargement du fourrage, n'a pas averti sa hiérarchie d'évasions d'animaux dans les locaux techniques et n'a pas réagi lors de l'accident du travail d'un agent placé sous sa responsabilité ; qu'en se bornant à faire valoir que, dans un courrier en date du 21 mai 2002, la ville de Lyon lui aurait fait part de griefs qui ne correspondraient pas à ceux invoqués le 5 septembre 2002, à l'appui de la procédure disciplinaire, M. A n'établit pas que les faits qui lui étaient reprochés, à la date à laquelle la décision précitée du 11 juillet 2002 a été prise, ne présentaient pas une vraisemblance et une gravité suffisante pour justifier sa suspension dans l'attente de la procédure disciplinaire ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la mesure de suspension dont il a fait l'objet n'était pas constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Lyon ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A fait valoir que la perte de revenus qu'il a subie à compter du mois de septembre 2003, date à laquelle a été acceptée la démission qu'il a présentée, ne peut lui être imputée dans la mesure où il était dans un état dépressif consécutif à la sanction disciplinaire déguisée dont l'illégalité fautive a été reconnue ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, que la ville de Lyon, après avoir pris connaissance du courrier de M. A présentant sa démission, l'a invité à rencontrer le directeur du personnel et des ressources humaines pour que soient évoquées à l'occasion d'un entretien toutes les possibilités qui lui étaient offertes ; qu'en dépit de cet entretien, M. A a maintenu sa démission ; que le requérant n'établit par aucun document que son état de santé dépressif l'aurait mis dans l'incapacité d'apprécier la portée de son acte ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que sa démission serait entachée d'un vice de consentement et que les premiers juges auraient considéré, à tort, que le préjudice matériel et financier et qui aurait découlé de cette démission et dont il demande réparation, ne pouvait être directement imputable aux illégalités commises par la ville de Lyon ; qu'enfin, s'agissant des autres éléments financiers invoqués et justifiés par les pièces produites, à savoir la clôture d'un compte-épargne logement en février 2004, la cessation du paiement, à compter d'octobre 2002, de cotisations afférentes à des contrats d'assurance-vie et d'épargne, la souscription d'un emprunt de 6 000 euros, le 17 octobre 2002, et la résiliation d'un bail pour un garage à compter du 1er janvier 2003, en se bornant à faire valoir la perte de ses revenus, M. A n'établit pas le lien de causalité direct avec les illégalités fautives, notamment, dans la mesure où les charges de sa famille, qui comprend un seul enfant, ne sont pas précisées et où sa compagne disposait d'un revenu sur la période concernée ;

Considérant, en dernier lieu, que s'il est constant que l'illégalité fautive des décisions des 11 octobre 2002 et 22 avril 2003 a emporté des conséquences préjudiciables sur l'état de santé et les conditions d'existence de M. A, ce dernier n'apporte aucun élément de nature à établir que la dégradation de son état de santé serait exclusivement liée aux conséquences des illégalités commises par la ville de Lyon ; qu'au demeurant, M. A ne conteste pas n'avoir engagé aucune procédure destinée à ce que soit reconnu le caractère professionnel de sa maladie ; que, de même, en se bornant à soutenir que la décision de mutation d'office illégale constituait une violation de son statut d'agent de maîtrise qualifié, M. A n'établit pas la réalité des mesures vexatoires, humiliantes et constitutives de harcèlement moral, dont il fait état ; qu'enfin, si par l'arrêt précité en date du 5 juin 2007, la Cour de céans a rejeté la requête présentée par la ville de Lyon tendant à l'annulation du jugement susmentionné du Tribunal administratif de Lyon en date du 24 février 2004 en tant qu'il a annulé son arrêté du 11 octobre 2002, au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la ville de Lyon, si elle s'était fondée sur la seule partie des faits reprochés à l'intéressé constatée postérieurement au 17 mai 2002, aurait pris à son encontre, la même décision d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois, elle a cependant reconnu que ces faits étaient fautifs et ainsi, de nature à justifier une sanction ; qu'ainsi, les premiers juges ont, pu sans méconnaître le sens et la portée du jugement précité du 24 février 2004, tenir compte des fautes relevées à la charge de M. A dans l'appréciation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; que, toutefois, il sera fait une juste appréciation dudit préjudice moral ainsi que des troubles subis par M. A dans ses conditions d'existence, en portant la somme de 2 000 euros allouée par le Tribunal à la somme de 7 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon ne l'a pas indemnisé à hauteur de 7 000 euros ;

Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la ville de Lyon la somme de 1 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 2 000 euros allouée par le Tribunal administratif de Lyon à M. A est portée à 7 000 euros.

Article 2 : L'article 1 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 novembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La ville de Lyon versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Richard A, à la ville de Lyon et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Reynoird, premier conseiller,

Mme Pelletier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.

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N° 08LY00156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00156
Date de la décision : 26/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale PELLETIER
Rapporteur public ?: Mme HUMBERT-BOUVIER
Avocat(s) : BONNEFOY-CLAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-26;08ly00156 ?
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