Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2005, présentée pour la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS, dont le siège est avenue David Ben Gourion à Lyon (69009), M. Pierre J, domicilié ..., M. Yves A, domicilié ..., M. Richard D, domicilié ..., M. François B, domicilié ..., M. Pierre F, domicilié ..., M. Didier K, domicilié ..., M. Jean M, domicilié ..., M. Guy G, domicilié ..., M. Gaston I, domicilié ..., M. Bruno L, domicilié ..., M. Gérard E, domicilié ..., M. Thierry C, domcilié ... et M. Jean-Gérald H, domicilié ... ;
La SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0303308 du 23 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que l'État soit condamné à leur verser la somme de 811 337,36 euros en réparation des conséquences dommageables des fautes imputables à l'administration dans l'exercice de son pouvoir réglementaire entre 1991 et 1996 pour la fixation de tarifs applicables aux actes de scanographie ;
2°) de condamner l'État à leur verser la somme de 811 337,36 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 990 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la faute commise par l'administration par l'adoption successive de six dispositions illégales ne saurait avoir été couverte par l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 lequel n'est pas conforme aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la mesure en cause ne pouvant être regardée comme un impérieux motif d'intérêt général ; que le dommage s'élève à la différence entre le montant des honoraires perçus et celui qu'ils auraient dû percevoir en l'absence de substitution illégale de cotation ; que l'intervention combinée du pouvoir législatif et réglementaire a eu pour effet de créer un vide juridique entraînant non pas la minoration de la tarification mais sa suppression ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2005, présenté par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité qui conclut au rejet de la requête par les motifs que la requête est irrecevable en l'absence de production de mandat de représentation et en l'absence de justification individualisée des indemnités réclamées ; qu'il n'existe aucun droit acquis au maintien de dispositions réglementaires et que celles-ci ont ensuite été légalement reprises ; que la loi de validation n'a pas été prise au cours d'un procès, a été jugée conforme à la constitution par le conseil constitutionnel et répond à un motif d'intérêt général suffisant ; que le préjudice invoqué n'est pas certain et que le législateur a entendu exclure le versement de toute indemnisation ;
Vu l'ordonnance en date du 15 avril 2008, par laquelle le président de la 6ème chambre a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé la clôture de l'instruction au 16 mai 2008 ;
Vu le mémoire enregistré le 16 mai 2008, et son rectificatif enregistré le 21 juillet 2008, par lequel la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres concluent à l'annulation du jugement attaqué, à la condamnation de l'État à payer la somme totale de 1 038 963,85 euros correspondant au versement respectivement des sommes de 346 321,33 euros à la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS venue aux droits des Dr N, O, P et Q ; de 57 720,21 euros chacun aux Dr , B, F, E, I ; de 9 826,86 euros au Dr D ; de 47 893,35 euros au Dr C ; de 61 897,01 euros chacun aux Dr J, L, M, R, G ; de 36 836,26 euros au Dr K, lesdites sommes assorties des intérêts à compter du 25 mars 2003, et à leur capitalisation ainsi qu'à la condamnation de l'État au paiement de la somme de 7 176 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les mêmes moyens que précédemment et par les moyens, en outre, que l'avocat n'a pas à justifier du mandat qui lui a été confié ; qu'ils ont intérêts à agir ; que la responsabilité de l'État est engagée non seulement sur le fondement de l'illégalité entachant l'arrêté du 11 juillet 1991 mais également de celle entachant la circulaire du même jour et les arrêtés postérieurs ; que la Cour européenne des droits de l'homme a explicitement condamné l'État pour non conformité de l'article 27 de la loi de validation avec l'article 6 §1 de la convention et a relevé que la loi fixait rétroactivement les termes du débat pour les procédures pendantes devant les juridictions compétentes, en notant que les requérants avaient engagé dès octobre 1996 une phase précontentieuse administrative ; que l'adoption en 1997 d'un arrêté portant cotation provisoire sur le fondement de l'article 4 des dispositions générales de la NGAP n'était pas plus légalement possible et est dès lors inopposable ; que la cotation Z19 a toujours été illégale ; que l'arrêté du 11 juillet 1991 ayant été annulé, il n'y a jamais eu suppression de la cotation Z90 faute de texte fixant une cotation définitive, de sorte que les actes de scanographie ne pouvaient pas être considérés comme dépourvus de cotation à la NGAP ;
Vu l'ordonnance en date du 1er juillet 2008 par laquelle la présidente de la 6ème chambre a, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, prononcé la réouverture de l'instruction ;
Vu enregistré le 16 octobre 2008 le mémoire présenté par le ministre du travail qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les moyens en outre que l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a donné satisfaction aux requérants en leur allouant 7 000 euros toutes causes de préjudice subi, est revêtu de l'autorité de chose jugée ; que la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS ne justifie d'aucun intérêt et ne peut agir au nom des médecins composant le groupe Infirmerie protestante ; que le nombre d'actes de scanographie mentionné par les requérants à l'appui de leur chiffrage est contestable car correspondant à un taux d'utilisation impraticable dans les faits ;
Vu enregistré le 31 décembre 2008 le mémoire par lequel la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les motifs, en outre que, l'autorité de la chose jugée doit être écartée, la cause juridique de la présente procédure en responsabilité ne reposant pas sur la non conventionalité de l'article 27 de la loi, fondement de la condamnation prononcée par la Cour européenne des droits de l'homme, mais sur la faute résidant dans l'illégalité d'actes réglementaires qui ont été annulés par voie d'action ou déclarés illégaux par voie d'exception ; que le principe de l'absence de droit acquis au maintien d'une réglementation ne peut s'appliquer lorsque les dispositions réglementaires nouvelles sont illégales comme en l'espèce et qu'il serait particulièrement choquant de ne pas indemniser le préjudice né d'un ensemble d'actes réglementaires illégaux ; que l'administration n'était pas tenue de supprimer la cotation de l'acte de scanographie ni de diminuer sa rémunération ; que le seul intérêt financier ne saurait être regardé comme un intérêt général de nature à exonérer l'État de sa responsabilité ; que l'ensemble des pièces justificatives, dont le volume considérable a été déjà précisé et établi, est à la disposition de la Cour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 21 juin 207 n° 12106/03 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi no 97-1164 du 19 décembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Musset, avocat de la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la santé :
Considérant que les actes de scanner ont été ajoutés à la nomenclature générale des actes professionnels des médecins par un arrêté ministériel du 16 mars 1978, qui a fixé provisoirement leur cotation à Z90 ; que cette cotation a été abrogée par arrêté du 11 juillet 1991 du ministre des affaires sociales et qu'une nouvelle cotation provisoire Z19, d'un niveau inférieur, a été instaurée par lettre interministérielle du même jour, complétée par la cotation d'un forfait technique ; que ce système de cotation a été renouvelé par des arrêtés des 1er février 1993, 14 février 1994, 22 février 1995 et 9 avril 1996 ; que les deux décisions ministérielles du 11 juillet 1991 ont été annulées par deux décisions du Conseil d'Etat du 4 mars 1996 aux motifs, respectivement, d'une part, que l'un des signataires de la première n'avait pas compétence pour la prendre et, d'autre part, que les actes de scanographie couramment pratiqués depuis plusieurs années dorénavant ne pouvaient plus donner lieu à une cotation provisoire ; que pour ce même dernier motif, le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 20 novembre 2000, a déclaré entachés d'illégalité les arrêtés précités de 1993, 1994, 1995 et 1996 renouvelant la cotation litigieuse ;
Considérant que les personnes physiques requérantes, médecins radiologistes qui exploitaient en commun un scanner, sous couvert de la société civile de moyens SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS, laquelle était notamment à l'origine de l'annulation de l'arrêté d'abrogation du 11 juillet 1991, ont saisi les caisses d'assurance maladie de demandes tendant au paiement d'un complément de rémunération, correspondant au rétablissement de la cotation Z90 plus profitable, sur une période comprise entre le 6 septembre 1991, date de prise d'effet de la substitution illégale de cotation et le 28 février 1997, date d'entrée en vigueur d'un nouveau régime d'assurance maladie ; qu'ils ont ensuite saisi de ces litiges les tribunaux des affaires de sécurité sociale concernés ; qu'à la suite de l'intervention de l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997 portant loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1998, lequel validait les actes pris sur le fondement de l'arrêté du 11 juillet 1991, de la lettre interministérielle du 11 juillet 1991 ainsi que des arrêtés subséquents, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, leurs demandes ont été définitivement rejetées par des arrêts de la Cour de cassation du 26 septembre 2002 ; que les requérants, qui ont recherché la responsabilité de l'Etat en réparation du préjudice né d'un manque à gagner qu'ils imputent à l'illégalité des arrêtés du 11 juillet 1991 et suivants, font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes indemnitaires ;
Considérant que, pour rejeter les demandes relatives au préjudice né de l'illégalité de l'arrêté du 11 juillet 1991 ayant abrogé la cotation initiale, les premiers juges ont considéré que l'intervention de l'article 27 susmentionné de la loi du 19 décembre 1997 faisait obstacle à ce que les intéressés puissent invoquer l'illégalité dudit arrêté à l'appui de conclusions indemnitaires ; qu'il résulte de l'instruction que la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres, à la suite des arrêts précités de la Cour de Cassation rejetant leurs demandes de paiement de compléments de rémunération, ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme d'un recours en condamnation de la France pour rupture de l'égalité des armes en raison de l'adoption d'une loi de validation tendant à modifier l'issue d'une procédure à laquelle l'Etat est partie les ayant privé de la possibilité d'obtenir le paiement d'un complément de rémunération et que, par un arrêt du 21 juin 2007, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu à la violation du § 1 de l'article 6 de la convention ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la loi de validation ne pouvait être opposée à leur demande compte tenu de l'incompatibilité de cette loi avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, que le préjudice dont les requérants recherchent la réparation à l'occasion de la présente procédure, qui tient à la diminution de leurs rémunérations du fait de l'abrogation, par l'effet de l'arrêté du 11 juillet 1991, de la cotation provisoire plus avantageuse fixée en 1978 dont ils avaient pu profiter jusque-là, n'a pas un lien direct de causalité avec l'irrégularité de pure forme entachant ledit arrêté, censurée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 4 mars 1996 ; que s'agissant des arrêtés subséquents, les requérants qui n'avaient aucun droit au maintien d'une cotation provisoire pour un acte devenu banal et n'allèguent, au demeurant, même pas que le niveau auquel la nouvelle tarification avait été fixé n'aurait pas permis de couvrir les coûts de fonctionnement et d'amortissement de leur équipement, ne sont pas non plus fondés à soutenir que l'illégalité qui les entache serait à l'origine d'un préjudice ; que, par suite, leurs conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État en réparation des conséquences dommageables des fautes imputables à l'administration dans l'exercice de son pouvoir réglementaire entre 1991 et 1996 pour la fixation de tarifs applicables aux actes de scanographie ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCM SCANNER DE L'OUEST LYONNAIS, à M. Pierre J, à M. Yves A, à M. Richard D, à M. François B, à M. Pierre F, à M. Didier K, à M. Jean M, à M. Guy G, à M. Gaston I, à M. Bruno L, à M. Gérard E, à M. Thierry C, à M. Jean-Gérald H et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2009.
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N° 05LY00117