Vu le recours, enregistré le 7 décembre 2007, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-642 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 septembre 2007 en tant qu'il a, à la demande de MM. René et Jean-Louis A et de Mme Yvonne A, annulé la décision du préfet du Cantal du 7 février 2007 refusant de retirer sa décision du 26 juillet 1995 portant transfert de quantités de références laitières au profit de M. Sylvain C à hauteur de 39 722 litres ;
2°) de rejeter la demande de MM. René et Jean-Louis A et de Mme Yvonne A devant le Tribunal administratif ;
Le ministre soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé qu'il n'indique pas en quoi la qualité de propriétaire des consorts A leur donnait intérêt à demander le retrait de la décision litigieuse ; qu'il est entaché d'erreur de droit et erreur d'appréciation, le volume de lait pouvant être commercialisé étant attribué non à l'exploitation mais au producteur ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2008, présenté pour MM. René et Jean-Louis et Mme Yvonne A qui demandent à la Cour ;
1°) de rejeter le recours du ministre ;
2°) par la voie de l'appel incident de condamner l'Etat à leur payer une indemnité de 42 533,40 euros assortie des intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;
Ils soutiennent que le jugement attaqué est suffisamment motivé ; que la réglementation des quotas laitiers repose sur le principe d'un lien avec le foncier ; que leur qualité de propriétaire leur donnait intérêt à agir ; que leur préjudice s'établit à 30 % sur la valeur de leur propriété et est en lien avec la décision litigieuse ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2009, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens en demandant en outre le rejet de l'appel incident des consorts A. Il soutient que les propriétaires d'exploitations sur lesquelles s'exerce une activité de production laitière n'ont pas de droits acquis au maintien de la quantité de référence correspondante ; que les décisions créatrices de droit ne peuvent être retirées que si elles sont illégales, indépendamment du délai de recours contentieux ; que le Tribunal administratif ne pouvait se fonder sur l'absence de publication de la décision du 26 juillet 1995 ; que le refus opposé est régulier dès lors que le délai de retrait de 4 mois était dépassé ; qu'en toute hypothèse la décision dont le retrait était demandée était légale ; que le préfet du Cantal n'a commis aucune faute en refusant de retirer une décision légale ; que la demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2009, présenté pour les consorts A qui confirment leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2009, présentée pour les consorts A ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2009 :
- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;
- les observations de Me Dias, avocat de MM. René A, Jean-Louis A et de Mme Yvonne A ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que, par décision du 26 juillet 1995, le préfet du Cantal a autorisé un transfert de quantité de références laitières entre MM. Francois et Sylvain C, ce dernier reprenant, en vue d'y poursuivre une activité laitière, une superficie de 19,47 hectares auparavant exploitée par M. François C ; qu'aux termes de cette décision, la référence laitière de M. François C est diminuée de 39 722 litres, celle de M. Sylvain C étant augmentée de la même quantité ; que les consorts A, propriétaires de la superficie de 19,47 hectares en cause, ont, par lettre du 18 décembre 2006, demandé au préfet du Cantal de modifier sa décision du 26 juillet 1995 au motif que la quantité de référence laitière attachée à cette surface était de 63 015 litres et non de 39 722 litres ; que, par la décision attaquée du 7 février 2007, le préfet a refusé de modifier sa décision ;
Sur la légalité de la décision du 7 février 2007 :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre tirée du défaut d'intérêt à agir des requérants en qualité de propriétaires ;
Considérant que, pour rejeter la demande des consorts A, le préfet s'est borné à relever que la décision du 26 juillet 1995 était devenue définitive ; qu'en l'absence d'affichage ou de publication cette décision n'était pas devenue définitive à l'égard des tiers ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a retenu qu'en rejetant la demande des consorts A sur ce seul motif, le préfet avait entaché sa décision d'erreur de droit ;
Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut être procédé à la substitution demandée sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;
Considérant que la demande des Consorts A tendant à l'augmentation de la quantité de référence laitière attribuée à M. Sylvain C, impliquait de diminuer corrélativement celle détenue par M. François C ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que la fixation de la quantité de référence laitière en cause, procèderait d'une fraude en l'état du dossier ; que dès lors, la demande des Consorts A avait pour objet, au moins en ce qui concerne M. François C, le retrait d'une décision créatrice de droits qui ne pouvait intervenir plus de 4 mois après sa signature ; qu'il y a, par suite, lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par le ministre qui est fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du préfet du Cantal du 7 février 2007 ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a par son article 1er annulé ladite décision du préfet du Cantal, et de rejeter la demande des consorts A devant le Tribunal administratif ;
Sur les conclusions indemnitaires incidentes des consorts A :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A ne peuvent se prévaloir d'un préjudice qui leur aurait été causé par l'illégalité de la décision du 7 février 2007 ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à se plaindre de ce que par l'article 2 de son jugement le tribunal administratif a rejeté leur demande d'indemnité en relevant l'absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'illégalité fautive qu'il avait retenue ; que leurs conclusions incidentes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions des consorts A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'ils sont partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 septembre 2007 est annulé.
Article 2 : La demande de M. René A, de M. Jean-Louis A et de Mme Yvonne A devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrant tendant à l'annulation de la décision du préfet du Cantal du 7 février 2007 est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. René A, de M. Jean-Louis A et de Mme Yvonne A sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions des consorts A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, à M. René A, à M. Jean-Louis A, à Mme Yvonne A et à M. Sylvain C.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2009.
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N° 07LY002749
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