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08/10/2009 | FRANCE | N°08LY01478

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2009, 08LY01478


Vu la requête enregistrée le 27 juin 2008, présentée pour M. Senthil Nathan A domicilié chez M. Michel B, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707824 du 28 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 19 octobre 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a prescrit son éloignement à destination du Sri Lanka, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui d

élivrer un titre de séjour ou de lui accorder une autorisation provisoire de séjou...

Vu la requête enregistrée le 27 juin 2008, présentée pour M. Senthil Nathan A domicilié chez M. Michel B, ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707824 du 28 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 19 octobre 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a prescrit son éloignement à destination du Sri Lanka, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de lui accorder une autorisation provisoire de séjour jusqu'au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans le délai d'un mois suivant le présent arrêt, un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, une autorisation provisoire de séjour, ou une assignation à résidence, jusqu'à nouvelle instruction de sa demande ;

4°) de condamner l'Etat à verser 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle ;

M. A soutient que la décision, qui se borne à énoncer de façon stéréotypée, qu'il est débouté de sa demande d'asile et n'entre dans aucun des cas d'attribution de titre de séjour, est insuffisamment motivée ; qu'elle ne comporte aucune référence à sa vie privée et familiale, alors qu'il dispose d'attaches en France, ou vit son frère qui l'héberge et l'emploie dans l'entreprise familiale, et alors qu'un frère et une soeur ont obtenu l'asile en Belgique et en Suisse ; qu'elle porte une atteinte excessive à son droit à la vie privée et familiale ; que l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour entraîne l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la désignation du pays de destination ; que cette dernière décision méconnaît, en outre, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ses origines tamoules et son engagement en faveur d'un parti indépendantiste lui ont valu des sévices et des persécutions et l'exposeraient de nouveau à des traitements inhumains ou dégradants au cas où il serait contraint de retourner au Sri Lanka ; que d'autres ressortissants Sri Lankais d'origine tamoule ont obtenu le statut de réfugié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 6 octobre 2008, par lequel le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête ;

Le préfet du Rhône soutient que sa décision, qui énonce les textes et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde, y compris ceux tirés de la vie privée et familiale de l'intéressé, est suffisamment motivée ; que c'est à tort que le requérant invoque le non respect des dispositions du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement ; que l'intéressé, qui est célibataire et sans enfants, dispose encore d'attaches au Sri Lanka et est peu intégré en France où il entré à l'âge de 26 ans et dans des conditions irrégulières ; que l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour, qui n'est pas irrégulier ; que la situation générale de violence qui règne dans son pays d'origine n'établit pas les risques auxquels lui-même serait personnellement exposé en cas de retour ;

Vu la décision du 22 avril 2008 par laquelle la section administrative d'appel du Tribunal de grande instance de Lyon a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2009 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Petit, représentant M. A ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Petit ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger, ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé (...) ;

En ce qui concerne le refus de titre :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles qui les concernent (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant qu'en énonçant que la commission de recours des réfugiés a confirmé le refus opposé par l'OFPRA d'admettre M. A au statut de réfugié, le préfet du Rhône, qui n'avait été saisi d'une demande de titre de séjour qu'à raison de la demande présentée devant l'OFPRA, a fait apparaître l'élément de droit et de fait sur lequel reposait sa propre décision, malgré une rédaction stéréotypée ;

Considérant en second lieu que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que l'appréciation de l'atteinte au droit au respect à la vie familiale et privée doit porter sur l'ensemble des éléments de fait caractérisant la situation du demandeur ; que l'auteur de la décision a pu, à bon droit, tenir compte de l'état de célibataire de M. A et de l'absence d'enfant à charge ; que la circonstance que l'un de ses deux frères et sa soeur ont obtenu des titres de séjour en Suisse et en Belgique est sans influence sur l'appréciation de l'intensité de ses liens familiaux en France ; que si un autre de ses frères vit en France après avoir obtenu la reconnaissance du statut de réfugié, lui-même n'est pas dépourvu de tout lien dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où vit encore sa mère ; qu'eu égard à ces éléments, ainsi qu'à la faible durée de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale et privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de séjour et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par les motifs exposés lors de l'examen des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la désignation du pays de destination :

Considérant que si, le 20 décembre 2006, la commission de recours des réfugiés a rejeté la demande d'admission au statut de réfugié présentée par M. A qui se prévalait de son origine tamoule, l'évolution ultérieure des combats au Sri Lanka, opposant les autorités de ce pays aux séparatistes tamouls a été à l'origine d'une intensification du conflit interne à cet Etat ; que les combats en cours dans le nord de l'île, d'où est originaire le requérant, se sont accompagnés de représailles à l'encontre des citoyens sri-lankais d'origine tamoule ; que la réalité des risques invoqués est corroborée par les cicatrices de M. A, caractéristiques d'atteintes volontaires à son intégrité physique ;

Considérant qu'il suit de là que M. A établit qu'il serait exposé à des risques de traitements contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'il devait être éloigné au Sri Lanka ; qu'il est ainsi fondé à demander l'annulation de la décision du préfet du Rhône prescrivant son éloignement à destination de l'Etat dont il a la nationalité ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt par lequel la Cour se borne à annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a désigné l'Etat à destination duquel devait être éloigné l'intéressé n'implique pas nécessairement que le préfet du Rhône délivre un titre de séjour ou réexamine sa demande de titre ; que, par suite, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me Couderc, sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0707824 du Tribunal administratif de Lyon en date du 28 janvier 2008, en ce qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2007 par laquelle le préfet du Rhône a prescrit son éloignement à destination du Sri Lanka, ensemble la décision du préfet du Rhône ayant prescrit l'éloignement de M. A à destination du Sri Lanka, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à Me Couderc, sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Senthil Nathan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

M. Arbarétaz, premier conseiller,

Mme Vinet, conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2009.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY01478
Date de la décision : 08/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : ALAIN COUDERC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-10-08;08ly01478 ?
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