Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 2007, présentée pour M. et Mme Guy B, domiciliés ... ;
Ils demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 061038 en date du 6 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint Thibault (Côte d'Or) du 25 février 2006 décidant de céder à M. Maurice A une parcelle de 45 m2 en échange d'une parcelle de 1 456 m2, échange portant aliénation d'une section de chemin rural ;
2°) d'annuler la délibération litigieuse ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Thibault sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réintégrer dans le patrimoine communal la parcelle C 533 en faisant procéder par toutes voies judiciaires ou amiables à l'annulation de l'échange avec M. Maurice A ;
4°) d'enjoindre dans les mêmes conditions au maire de la commune de Saint-Thibault de veiller à ce que ce chemin rural puisse être de nouveau régulièrement accessible au public ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Thibault le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la parcelle de 45 m2 cédée par la commune constituait un élément du chemin rural n° 7 dit chemin de Lee ; qu'ils produisent plusieurs témoignages ; que si la commune estimait que ce chemin cessait d'être affecté à l'usage du public, elle devait leur en proposer l'acquisition en application de l'article L. 161-10 du code rural ; qu'il y a intention de leur nuire et donc détournement de pouvoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2008 présenté pour la commune de Saint-Thibault qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme B d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la parcelle en cause C 533 de 45 m2 n'est plus utilisée par les exploitants agricoles depuis 1971 ;
- qu'elle est distincte du chemin rural n° 7 même si elle était antérieurement dépourvue de numéro cadastral ;
- que l'aliénation de cette parcelle non affectée à l'usage du public ne remet pas en cause la continuité du chemin rural n° 7 ;
- que l'échange est favorable à la commune excluant un détournement de pouvoir ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2008 présenté pour les requérants qui confirment leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens en faisant valoir que la parcelle C 533 a été créée artificiellement pour l'échange litigieux ; que cette opération a pour effet d'enclaver leur parcelle C 412 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2009 :
- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;
- les observations de Me Brocherieux, avocat de M. B ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant que, par délibération en date du 25 février 2006, le conseil municipal de Saint-Thibault a décidé de rétrocéder une parcelle cadastrée C 533 de 45 m2 à M. Maurice A en échange d'une parcelle C 527 de 1 456 m2 ; que M. et Mme Guy B font valoir que, s'agissant de l'aliénation d'une portion de chemin rural, les dispositions de l'article L. 161-10 du code rural devaient être respectées et qu'en particulier le conseil municipal ne pouvait procéder par voie d'échange ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural : Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 du même code : L'affectation à l'usage du public peut s'établir notamment par la destination du chemin, jointe soit au fait d'une circulation générale et continue, soit à des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale ; qu'en vertu de l'article L. 161-10 : Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal (...). Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales .
Considérant que la surface litigieuse, cédée par la commune à M. Maurice A, consiste en une bande de terrain d'environ quatre mètres de largeur sur une longueur d'un peu plus de dix mètres formant un court chemin en impasse à partir du chemin rural n° 7 dont l'emprise s'élargit à cet endroit ; qu'il ressort des documents cadastraux produits que cette surface a toujours, par le passé, été dépourvue de numéro cadastral, comme le chemin rural n° 7 avec lequel elle forme une emprise communale d'un seul tenant ; que l'attribution du numéro de parcelle C 533 sous le régime duquel elle a été cédée résulte d'une opération de bornage à laquelle le conseil municipal a, par délibération du 30 octobre 2005, autorisé M. Maurice A à procéder ; que la commune n'apporte aucun élément tendant à démontrer que cette surface constituait, notamment au regard de l'origine de son acquisition, un élément de son domaine privé distinct du chemin rural ; que par suite, cette surface placée en continuité du chemin rural n° 7 relève du statut des chemins ruraux qui peut concerner des sections en impasse ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier que même, si elle est utilisée épisodiquement, la section de chemin en cause n'a pas perdu toute fonction de desserte de la parcelle agricole placée à son extrémité ; que les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que ladite section de chemin n'a pas cessé d'être affectée à l'usage du public et que la délibération du conseil municipal décidant son aliénation est entachée d'illégalité ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 161-10 du code rural n'ouvrent pas aux communes pour l'aliénation d'un chemin rural d'autres procédures que celle de la vente dans les conditions qu'il définit ; que les requérants sont par suite également fondés à soutenir que la délibération litigieuse est dès lors qu'elle procède par voie d'échange, entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement et la délibération du conseil municipal de Saint-Thibault du 25 février 2006, dont les dispositions décidant l'aliénation d'une section du chemin rural et l'acquisition d'une autre parcelle par échange sans soulte, forment un ensemble indivisible ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la commune de faire toutes diligences pour rétablir sa propriété sur la surface litigieuse, soit par acte notarié procédant d'un accord amiable, soit en saisissant la juridiction judiciaire compétente, dans un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte passé ce délai de 15 euros par jour de retard ; qu'il y a lieu également d'enjoindre à la commune d'assurer l'ouverture du chemin à la circulation générale dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle elle aura retrouvé la propriété du sol sous astreinte passé ce délai de 15 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ; qu'il y a lieu sur le fondement de ces mêmes dispositions de mettre à sa charge le versement aux requérants d'une somme globale de 1 200 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 6 novembre 2007 est annulé.
Article 2 :La délibération du conseil municipal de Saint-Thibault du 25 février 2006 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Saint-Thibault de rétablir sa propriété sur la surface de 45 m2 en cause dans un délai de 4 mois soit par la signature d'un acte notarié, soit en saisissant la juridiction judiciaire, sous astreinte de 15 euros par jour de retard.
Article 4 : Il est enjoint à la commune de Saint-Thibault d'assurer l'ouverture à la circulation générale de la surface en cause, dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle elle en aura retrouvé la propriété, sous astreinte de 15 euros par jour de retard.
Article 5 : Le surplus des conclusions à fins d'injonction de la requête de M. et Mme Guy B est rejeté.
Article 6 : La commune de Saint-Thibault versera à M. et Mme Guy B une somme globale de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Les conclusions de la commune de Saint-Thibault tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Guy B, à M. Maurice A, à la commune de Saint-Thibault et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2009.
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N° 07LY02921
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