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22/09/2009 | FRANCE | N°04LY00780

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 22 septembre 2009, 04LY00780


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2004, présentée pour M. Denis X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102488 faisant l'objet d'une jonction du 26 février 2004, modifié par une ordonnance du 4 mai 2004, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 045 835,80 euros outre les intérêts légaux à compter du 7 novembre 2000 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de la contamination de son exploitation par la souche M (M

arkus) du virus de la sharka et celle de 4 573, 47 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2004, présentée pour M. Denis X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102488 faisant l'objet d'une jonction du 26 février 2004, modifié par une ordonnance du 4 mai 2004, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 045 835,80 euros outre les intérêts légaux à compter du 7 novembre 2000 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de la contamination de son exploitation par la souche M (Markus) du virus de la sharka et celle de 4 573, 47 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de reconnaître la responsabilité conjointe de l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et de l'Etat dans la survenance des dommages subis par son exploitation ;

3°) de désigner un expert aux fins d'examiner les conditions dans lesquelles ses vergers ont été atteints par le virus de la sharka, souche Markus ; de dire si ce virus provient du domaine expérimental de l'INRA à Gotheron, d'apprécier l'attitude de l'Etat et les mesures qu'il a prises pour enrayer l'épidémie et de donner tous les éléments de fait de nature à permettre à la Cour administrative d'appel d'apprécier les responsabilités encourues, et le montant du préjudice qu'il a subi ;

4°) de condamner l'Etat conjointement avec l'INRA à lui verser la somme correspondant au montant de son préjudice tel qu'il sera évalué par l'expertise à venir ;

5°) de condamner l'Etat conjointement avec l'INRA à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la condamnation aux entiers dépens qui comprendront les frais de l'expertise à intervenir ;

Il soutient qu'il exploite des vergers de prunus, dont des pêchers, à proximité immédiate du domaine expérimental de l'Institut national de recherche agronomique (INRA) de Gotheron ; que ses vergers sont atteints de la maladie virale, dite sharka, par la souche M (Markus), la plus virulente ; que cette maladie entraîne la dégradation des fruits qui ne peuvent plus être commercialisés ; que la consommation des fruits atteints par cette maladie a d'ailleurs été interdite par arrêté interministériel du 7 juin 1982 puis par arrêté du 2 décembre 1983 ; qu'il ne peut tirer aucun revenu des vergers atteints par ce virus ; que les traitements et mesures imposés par l'Etat n'ont pas permis l'éradication de la souche M de la sharka et ont désorganisé son entreprise ; que la totalité de son exploitation est vouée à la disparition à très court terme ; que l'INRA a introduit au début des années 1980 à des fins d'expérimentation des milliers de variétés de pêchers et d'abricotiers en provenance notamment de Grèce, pays notoirement infecté par le virus de la sharka souche M et d'où est originaire ladite souche, dans des zones de production commerciale sans protection particulière ; qu'il a importé en 1970 des pêchers atteints de la maladie dans son centre expérimental de Bordeaux ; que l'INRA est à l'origine de la contamination de ses propres pêchers ; qu'il a éradiqué à partir de 1987-1988 les vergers concernés de son centre sans prendre soin d'informer alors les autorités administratives, le service de protection des végétaux de Valence et les arboriculteurs voisins ; que l'Etat et l'INRA n'ont pas lutté efficacement contre la propagation de ce virus ; que les mesures prescrites en 1993 ont été tardives et inadaptées ; qu'il aurait dû éradiquer l'épidémie plutôt que de la contenir ; que l'Etat a diminué chaque année de manière drastique le budget alloué à la lutte contre le virus de la sharka et a décidé en pleine période de propagation du virus de suspendre pendant plusieurs années les contrôles en plein champ et de ne surveiller que les pépinières privées ; que l'Etat a accepté de déléguer la surveillance des vergers de l'INRA, en méconnaissance de l'article L. 251-18, L. 251-7 et L. 251-9 du code rural, à cet institut sans vérifier s'il contrôlait et déclarait effectivement la présence du virus ; qu'il a choisi aussi de déléguer la surveillance des pêchers aux exploitants eux-mêmes sans les avoir formés pour remplir cette mission ; que ces fautes et carences ont causé un préjudice anormal et exceptionnel aux arboriculteurs touchés par ce virus ; que l'Etat a créé une inégalité des citoyens devant les charges publiques entre les différents arboriculteurs en procédant à une indemnisation discriminatoire en fonction de la date à laquelle les exploitants étaient touchés et obligés d'arracher ; que l'Etat aurait dû immédiatement éradiquer dans leur totalité les parcelles situées autour des centres d'expérimentation de l'INRA et créer ainsi un vide sanitaire ; que de nombreux foyers sont apparus à proximité des centres de l'INRA ; que l'INRA a échangé du matériel végétal entre tous ses domaines expérimentaux sans précaution alors que ses stations expérimentales étaient contaminées ; que l'Etat en sa qualité d'autorité de tutelle de l'INRA est responsable des agissements de cet institut qu'il aurait dû contrôler ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2004, présenté pour M. Denis X ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il demande en outre que l'INRA et l'Etat soient condamnés conjointement à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur le préjudice subi et que l'avance des frais d'expertise soit faite conjointement par l'INRA et l'Etat ;

Il soutient que l'INRA n'a pas obtenu conformément à l'article 348 du code rural d'autorisation du ministre de l'agriculture pour introduire et détenir un virus classé en 1970 parmi les ennemis des cultures dangereux contre lesquels la lutte est obligatoire ; que l'INRA avait confié le contrôle des plants importés des zones contaminées à un organisme tiers, que les contrôles n'étaient pas systématiques et que l'INRA ne connaissait pas les modalités de contrôle ; que dès 1974, des tests de détection et de différenciation entre la souche D et la souche M étaient disponibles ; qu'aucun n'est pourtant à ce jour totalement fiable ; que l'INRA était conscient dès 1981 que les tests effectués à l'importation n'avaient qu'une fiabilité de 50 % ; qu'étant donné la quantité très importante d'arbres importés, la contamination d'une partie de ces arbres est une certitude scientifique ; que la culture à proximité de vergers de cultures sensibles au virus de la sharka a fait courir un risque de nature à engager la responsabilité de l'INRA ; que l'INRA a profité de la présence de la souche M de la sharka dans ses stations expérimentales pour lancer un programme d'étude de résistance de diverses variétés de prunus à la sharka ; qu'il n'a pas déclaré les arbres atteints du virus au service de protection des végétaux, conformément à l'article 350 du code rural, ni déclaré leur destruction conformément à l'article 353 de ce même code ; qu'il n'a procédé en 1992 à l'arrachage des vergers contaminés qu'après avoir repris par greffage la totalité du matériel végétal, ce qui était illégal et revenait de fait à continuer la culture des arbres infectés par le virus de la sharka ; que les agents du service de protection des végétaux n'ont pris aucune protection pour éviter la propagation, ils circulaient au cours de la même journée sur plusieurs parcelles ; qu'il a subi un préjudice considérable ainsi que cela résulte de l'expertise amiable réalisée par son expert, M. Y ; que l'INRA a commis une faute lourde en important des arbres infectés par la souche M de la sharka dans ses vergers expérimentaux de la Drôme et du Gard ; que l'INRA a commis une faute lourde en maintenant dans ses vergers des arbres contaminés par la souche M de la sharka pendant plusieurs années ; que l'INRA a commis une faute lourde en n'attirant pas l'attention de ses autorités de tutelle sur la certitude de la contamination future des vergers commerciaux avoisinants ses vergers expérimentaux notamment en dissimulant la nature de la souche de la sharka ayant envahi ses installations ; que l'Etat a commis des fautes lourdes en luttant avec retard et avec des mesures inadaptées contre le développement de la sharka introduite par l'INRA ; que l'INRA et l'Etat doivent ainsi être conjointement condamnés à réparer son préjudice ; qu'il n'a commis personnellement aucune faute ; que le lien de causalité entre les fautes lourdes de l'Etat et de l'INRA et son préjudice est établi ; que l'INRA et l'Etat sont, à titre subsidiaire, responsables de l'entier préjudice qu'il a subi du chef de la faute commise dans l'organisation du service et de leur imprudence ; que la responsabilité sans faute peut être engagée, dès lors qu'il a subi, en raison de la destruction nécessaire de tous ses vergers de prunus, un préjudice anormalement grave ; que l'activité de l'INRA l'a exposé à un risque spécial par l'emploi de méthodes nouvelles qui n'étaient pas indispensables ; que l'indemnisation d'un préjudice ne peut être regardée comme une subvention susceptible de favoriser certaines exploitations ; que c'est l'article 87-2 b du traité de la communauté européenne qui était applicable et non l'article 87 de ce même traité ; qu'il n'est pas établi que le virus ne présenterait pas des risques pour la santé et la sécurité humaine ; que les fruits n'étaient pas commercialisables ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2008, présenté pour M. X; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il demande en outre la condamnation conjointe et solidaire à lui verser une provision de 1 000 000 euros à valoir sur le montant de son préjudice tel qu'il sera déterminé par l'expertise à intervenir ;

Il soutient en outre que les mesures légales applicables aux importations de matériel végétal étaient insuffisantes et souvent inappliquées faute de moyens ; que la contamination de la station de Gotheron provient d'un matériel contaminé en provenance de la station INRA de la Grande Ferrade ; que le centre de quarantaine d'Angers n'a été créé qu'en 1993 ; que l'Etat n'a transcrit qu'en 1993, la directive européenne qui imposait cette quarantaine ; que l'Etat ne pouvait légalement jusqu'en 1997 confier aux groupements de défense la surveillance des vergers ; que les moyens alloués au service de protection des végétaux ont été insuffisants ; que les pépinières, les établissements multiplicateurs, les vergers donneurs de greffons et les parcs à bois n'étaient pas contrôlés ; que les arboriculteurs n'ont été informés ni de la présence de la maladie ni de la prétendue obligation qui aurait pesé sur eux de prospecter les vergers ; que la détermination d'un seuil de 10 % n'était qu'une mesure économique, les scientifiques préconisaient 2 % ; que la politique de lutte contre la maladie a été conduite par la prise de circulaires nationales incitatives sans caractère impératif et par des dispositions légales prises département par département sans cohérence globale ; que l'arrachage obligatoire n'a été imposé qu'en 2003 ; que l'Etat s'est borné à mettre en place une politique d'indemnisation, tout en diminuant les incitations financières alors que la maladie progressait ; qu'il n'y a pas eu d'enquête par le service de protection des végétaux sur les contaminations internes de l'INRA de Gotheron ; que le contrôle des établissements multiplicateurs n'a pas été réalisé, le service régional de la protection des végétaux n'a pas respecté les obligations d'arrachage ; que l'Etat a détourné les moyens des groupements de défense pour tenter de contrôler les pépinières au détriment des vergers ; que les services régionaux de la protection des végétaux ont constamment alerté l'administration centrale ; que sa propriété est composée de 10 îlots de parcelles, 27,69 hectares de pêchers et 0,90 d'abricotiers en 1999 ; que la première contamination a été détectée en 1993, à quelques centaines de mètres au sud des vergers de l'INRA ; qu'il a procédé à tous les arrachages ordonnés par le service de la protection des végétaux, alors même que la mesure n'était pas obligatoire ; que le rapport Y évalue son préjudice à 1 million d'euros ; que sa société est en procédure collective ; que la surveillance des pépinières n'a jamais été mise en oeuvre, ni les directives données aux directions régionales ni les obligations des directives européennes applicables ; que l'entourage des établissements n'a jamais été prospecté par les services de protection sur une distance de 900 mètres, contrairement aux obligations prescrites par les directives européennes, l'Etat français n'étant alors pas à même de délivrer des passeports phyto-sanitaires conformes à ses engagements internationaux ; que l'arrêt du Conseil d'Etat n'est pas transposable ; que les expertises depuis achevées établissent l'existence de fautes lourdes ; que le Conseil d'Etat ne disposait pas de tous les moyens pour prendre sa décision ; que lorsque l'éradication à titre prophylactique obligatoire a été ordonnée en 2003 sur des bases extrêmement sévères et injustifiées, il était trop tard pour sauver ses vergers ;

Vu l'ordonnance en date du 24 novembre 2008 fixant la clôture d'instruction au 16 janvier 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 décembre 2008, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que la requête et ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; la provision demandée est ramenée à 100 000 euros ;

Il soutient en outre que l'arrêté ministériel du 2 décembre 2008 a été publié avec dix-sept années de retard sur la prise de conscience de l'apparition de la souche M et avec 5 années de retard sur la constatation faite de sa nécessité par le délégué du ministre de l'agriculture, M. Dairien ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2009, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que la requête et ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2009, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'Etat n'a commis aucune faute ni dans l'exercice de sa tutelle sur l'INRA ni dans l'édiction et la mise en oeuvre des mesures de police sanitaire pour lutter contre la sharka ; que ce n'est qu'en 1991 que la différenciation des souches par les tests PCR et Wester-Blot a été mise au point ; que les services de protection des végétaux étaient dans l'impossibilité d'adopter des mesures de 1984 à 1991 sur le plan national pour une maladie dont l'existence n'était pas encore établie ; que les régions du sud-est ont été touchées avant 1980 par la maladie de la sharka ; que le centre de Gotheron n'a pas pu être contaminé par le centre de Bordeaux, dès lors que ses expérimentations ont été réalisées en milieu confiné ; que le centre de la Drôme n'a pas fait d'expérimentation sur un pathogène exotique a fortiori en pleine nature ; qu'il n'a commis aucune faute dans ses activités de tutelle sur l'INRA ; que la France disposait dès 1973 d'un dispositif de contrôle à l'importation des végétaux conforme aux objectifs de la directive du 21 décembre 1976 ; que la directive n° 77/93/CEE a été transposée dès 1979, par des arrêtés du 10 août 1979 et du 10 décembre 1979 ; que le moyen est en tout état de cause inopérant ; que le respect des mesures phytosanitaires ne concerne que le pays expéditeur ; que la surveillance de l'apparition des organismes nuisibles incombe aux arboriculteurs dans le cadre des dispositions de l'article L. 251-6 du code rural ; que la vigilance de certains exploitants a pu faire défaut ; que dès les années 70, le service de protection des végétaux a averti les arboriculteurs du sud-est de la France, de l'existence du virus de la sharka ; que tout a été mis en oeuvre par le service de protection des végétaux et les agents des groupements de défense, pour que les prospections soient réalisées de manière efficace ; que certains arboriculteurs ont manifesté des réticences à réaliser l'arrachage obligatoire, ce qui a compliqué la tâche des services de protection des végétaux et favorisé la propagation du virus ; que l'efficacité des moyens mis en place par l'Etat pour lutter contre la sharka doit s'analyser compte tenu des connaissances scientifiques de l'époque ; que la contamination des vergers et des fruits ne présente aucun enjeu de santé publique ; que l'Etat a adapté avec une grande rapidité ses méthodes de lutte contre la maladie au fur et à mesure des avancées scientifiques ; que la région Rhône-Alpes a fait l'objet d'une mobilisation régulière et adaptée des services de protection des végétaux ; que l'Etat a pris les mesures réglementaires qui s'imposaient pour assurer la surveillance de la santé des végétaux et le contrôle du développement de la maladie ; que cette action a été complétée par une campagne d'information et de sensibilisation des professionnels ; que l'expertise Lamour ne concerne pas la région Rhône-Alpes ; que le requérant ne démontre pas que la contamination alléguée trouve son origine dans une défaillance de l'INRA ; que les vergers de M. X, dont on ne connaît pas la localisation exacte, sont situés dans une zone d'arboriculture dense ; que le lien de causalité direct entre la contamination des vergers de l'INRA et celle des vergers du requérant n'est pas démontré ; qu'il existe une multitude de sources possibles de contamination ; que la sharka altère seulement les qualités gustatives des fruits ; que le préjudice du requérant n'est pas spécial ; que le virus de la sharka touche une grande partie des exploitants du sud-est français ; que les mesures de lutte contre la maladie et les modalités d'indemnisation ont dû être adaptées dans le temps, sans que ce fait constitue une rupture de l'égalité devant les charges publiques ; que l'hypothèse de la contamination des vergers par l'introduction frauduleuse de matériels non certifiés et contaminés apparaît plus probable ; que son préjudice résulte de l'application des mesures phytosanitaires ; que la contamination de plantations par un parasite est un phénomène naturel, que ce virus ne peut être qualifié de chose dangereuse dont l'importation ou l'expérimentation créerait un risque spécial pour les tiers ; que M. et Mme X ont déposé abusivement deux recours en leur nom respectif ; que M. X a déjà reçu 40 000 euros d'indemnisation ; que le préjudice ne peut être indemnisé plusieurs fois ; que seuls les éléments qui présentent un caractère certain en lien direct avec le litige peuvent être indemnisés ; qu'une expertise en cas de condamnation de l'Etat serait nécessaire pour évaluer la réalité et le montant exact du préjudice allégué ; qu'il n'existe pas d'obligation d'enquête en cas de contamination ; que les vergers de production ont toujours continué à faire l'objet de contrôles ; qu'aucun pays n'est parvenu à éradiquer le virus de la sharka ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les moyens financiers étaient insuffisants ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2009, présenté pour M. Denis X ; il conclut aux mêmes fins que la requête et ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; il demande en outre que la Cour surseoit à statuer dans l'attente des conclusions définitives du rapport de l'expertise diligentée par le Tribunal administratif de Grenoble ;

Il soutient que le rapport d'étape des experts désignés par le Tribunal administratif de Grenoble, le 13 janvier 2008, démontre que la contamination des vergers a pour origine le centre de Gotheron et que les méthodes de différentiation des différents souches de la sharka existaient dans les années 70 ; que le centre de Gotheron a été contaminé pour la première fois en 1984 et non en 1988 ; que l'ensemble des stations a été contaminé en même temps ; que l'environnement du centre de Gotheron n'a pas été prospecté avant 1989 ;

Vu l'ordonnance en date du 20 février 2009 reportant la clôture de l'instruction au 20 mars 2009 ;

Vu la lettre en date du 9 mars 2009 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2009, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que la requête et ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que les arboriculteurs jusqu'en 1994 n'avaient aucune obligation puisque la maladie avait déjà fait son apparition dans les communes concernées ; que l'Etat n'a jamais réalisé de prospection par ses propres moyens ; que la faute éventuellement commise par les tiers ne saurait être exonératoire dans la mesure où l'Etat était responsable de la police sanitaire et pouvait mettre éventuellement fin aux agissements irresponsables de certains ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2009, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que l'expertise à laquelle il est fait référence ne concerne pas les présentes affaires ; que la Cour administrative d'appel de Marseille dans des arrêts en date du 9 mars 2009 a renversé sa position par rapport à ses précédentes décisions ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2009, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que la requête et les mémoires précédents par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la directive européenne n'a pas été transcrite sur le point concernant la surveillance systématique des vergers des pépinières ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive du 21 décembre 1976 n° 77/93/CEE du conseil des communautés européennes ;

Vu le code rural ;

Vu l'arrêté du 30 juillet 1970 relatif à la lutte obligatoire contre les ennemis des cultures ;

Vu l'arrêté du 18 juillet 1973 relatif à l'importation des plantes et parties de plantes, de pruniers et d'abricotiers ;

Vu l'arrêté du 10 août 1979 relatif à l'interdiction des organismes nuisibles (protection des végétaux) ;

Vu l'arrêté du préfet de la Drôme en date 22 octobre 1974 concernant la lutte obligatoire contre le virus de la sharka dans les vergers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2009 :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

- les observations de Me Tumerelle, avocat de M. Denis X et celles de M. Couderc, représentant le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que, par un jugement en date du 26 février 2004, modifié par une ordonnance du 4 mai 2004, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. Denis X tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 1 045 835,80 euros outre les intérêts légaux à compter du 7 novembre 2000 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de la contamination de son exploitation par la souche M (Markus) du virus de la sharka et celle de 4 573, 47 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. X exploitant d'un domaine arboricole de 34,74 hectares composé de parcelles situées entre 1 à 4 kilomètres du centre INRA de Gotheron relève appel de ce jugement, demande la désignation d'un expert aux fins d'apprécier le montant du préjudice subi et les conditions de contamination de ses vergers et la condamnation conjointe de l'Etat et de l'INRA à lui verser la somme de 100 000 euros à valoir sur le montant du préjudice qui sera déterminé par l'expertise, à prendre en charge les frais d'expertise et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'INRA :

Considérant que les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat conjointement avec l'INRA aux fins d'indemnité, de prise en charge des frais d'expertise, et de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens, qui sont nouvelles en appel, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la sharka est une maladie provoquée par un virus dénommé Plum Pox Virus qui affecte essentiellement les arbres fruitiers de type prunus ; qu'elle est transmise par les pucerons et lors des opérations de greffe et de plantation ; que les moyens de lutte contre cette maladie consistent en la surveillance des arbres, de ceux déjà plantés et ceux à introduire dans les vergers ou pépinières et à l'arrachage des plants contaminés ; que cette maladie semble avoir été pour la première fois observée en Europe centrale en 1916 et en particulier en Roumanie ; que le premier foyer en France a été découvert en 1969 dans un verger d'abricotiers situé dans l'Hérault ; qu'il est constant que le nombre d'arbres atteints depuis les années 80 a fortement progressé ; que si, dès 1977, des isolats de la sharka pouvaient être distingués de la souche dite Dideron , seule souche alors identifiée, ce n'est qu'en 1991, que les connaissances scientifiques et techniques ont permis de distinguer de façon fiable et opérationnelle la seconde souche, dite Markus , mise en cause dans le présent litige ; que quatre autres souches de cette maladie ont été mises, par ailleurs, en évidence ; qu'aucune différence de symptomatologie ne permet aisément de distinguer les souches, celles-ci ne pouvant être différenciées que sur la base de leurs propriétés sérologiques et moléculaires ; que la souche M s'est montrée plus virulente que la souche D et la maladie s'est largement et rapidement propagée dans la Drôme ;

Considérant que l'Etat, par arrêté ministériel en date du 30 juillet 1970, a inscrit la maladie de la sharka au tableau des ennemis des cultures, contre laquelle la lutte est obligatoire en tous lieux et de façon permanente ; que, par arrêté en date du 18 juillet 1973, a notamment été interdite l'importation de porte-greffes, greffons, boutures et plants fruitiers des pruniers, abricotiers, pêchers et amandiers infectés par la sharka ou qui sont issus d'établissements producteurs infectés ou situés à côté de propriétés qui leur sont limitrophes et dans lesquelles la sharka a été décelée ; qu'à supposer que la directive du 21 décembre 1976 n° 77/93/CEE du conseil des communautés européennes ait été transposée dans toutes ses dispositions, avec retard dans le droit interne, il n'est pas établi de lien de causalité direct entre ce retard et la contamination des vergers de M. X ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette directive ne concerne pas la surveillance des vergers des pépinières, mais le contrôle des importations de matériel végétal ; qu'un contrôle des importations de végétaux a été organisé par les arrêtés des 10 août et 10 décembre 1979 ; que localement, dès 1974, le préfet de la Drôme, par arrêté en date 22 octobre 1974 concernant la lutte obligatoire contre la sharka dans les vergers, a organisé le contrôle des exploitations ; qu'ainsi, l'Etat a mis en oeuvre de façon cohérente un ensemble de mesures règlementaires, dès les années 70, qui paraissaient appropriées, compte tenu des données scientifiques alors disponibles ; que l'Etat a aussi édicté diverses circulaires ; que les mesures de lutte contre la maladie devaient être différentes selon chaque région de France et adaptées régulièrement pour tenir compte de la diversité des situations locales et de l'évolution de la maladie ; que l'Etat ne pouvait pas, de 1984 à 1991, prendre des mesures pour lutter contre la nouvelle souche markus , dès lors qu'il ne disposait pas des moyens de l'identifier comme étant la cause de la propagation de la maladie ; qu'à la fin des années 80, le nombre d'arbres touchés par la sharka était encore peu important dans la Drôme ; qu'à partir de 1991, les mesures de renforcement des contrôles des vergers ont été mises en oeuvre pour tenir compte des effets de cette nouvelle souche ; qu'aucune disposition règlementaire n'imposait que des enquêtes soient menées selon une procédure particulière par les services de protection des végétaux, chargés au niveau local de mettre en oeuvre la politique phytosanitaire et de prendre en charge l'exercice de la police sanitaire de l'Etat ; que l'Etat et ses services ont informé les différents intervenants de la filière arboricole, ont assuré de multiples contrôles en progression chaque année et procédé aux arrachages qui paraissaient alors nécessaires ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le Service de protection des végétaux ait fait preuve d'imprudence dans ses contrôles et que les moyens, tant financiers qu'humains, mis en oeuvre aient été insuffisants ; que le choix de l'Etat de mener une politique de lutte contre cette maladie consistant à contrôler, à partir de 1986, en priorité les pépinières et de confier aux arboriculteurs les contrôles sur leurs vergers, d'associer les tests Elisa et la surveillance visuelle et de n'arracher que les seuls arbres atteints, comme pour la souche Dideron, ne paraissait pas dénué de toute pertinence, compte tenu des manifestations encore limitées de la maladie, des connaissances acquises au cours de cette période et du souci de préserver les exploitations arboricoles ; que la lutte contre cette maladie ne pouvait se faire qu'avec l'implication de tous les acteurs du secteur arboricole ; que l'Etat pouvait légalement imposer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 251-8 du code rural aux arboriculteurs, une obligation de surveillance à exercer sur leurs vergers ; qu'il ressort des pièces du dossier, que l'Etat a rencontré des difficultés pour sensibiliser les professionnels à la politique de lutte contre la sharka et pour faire arracher les arbres infectés ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'Etat ait renoncé à son contrôle sur les importations de matériel végétal par l'INRA et à la prospection dans ses vergers expérimentaux et que l'Etat ou ses services n'aient pas respecté les normes de surveillance et de protection des établissements multiplicateurs, telles qu'elles ont été définies par les textes nationaux et internationaux ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que l'Etat ait commis une faute dans l'exercice de son pouvoir de tutelle sur l'INRA ; qu'il résulte de tout ce qui précède, que l'Etat n'a pas commis de faute dans la prévention de la maladie et dans la gestion de la lutte contre sa propagation de nature à engager sa responsabilité, dès lors qu'il a adapté son action à l'évolution de celle-ci et aux donnés épidémiologiques à sa disposition ;

Considérant qu'enfin, l'Etat n'a pas méconnu le principe d'égalité entre les charges publiques en modifiant les montants d'indemnisation au cours des années en fonction de l'évolution de la contamination et de la politique mise en oeuvre sans conférer à ces mesures un effet rétroactif ; que, par suite, la rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Denis X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions dirigées contre l'Etat tendant au versement d'une provision ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ; qu'une expertise étant inutile à la résolution du présent litige, les conclusions tendant à la désignation d'un expert, à la prise en charge des frais d'expertise par l'Etat doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X sollicite au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 04LY00780 de M. Denis X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Denis X et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président,

M. Fontbonne, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2009.

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N° 04LY00780

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04LY00780
Date de la décision : 22/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SELARL CABINET TUMERELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-22;04ly00780 ?
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