La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2009 | FRANCE | N°07LY00501

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 septembre 2009, 07LY00501


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2007, présentée pour M. Guy A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500585 du 14 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2004 par laquelle l'inspecteur du travail de la Nièvre a autorisé la société Aubert et Duval à le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de la société Aubert et Duval la somme de 1 500 euros, au titr

e de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort q...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2007, présentée pour M. Guy A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500585 du 14 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 novembre 2004 par laquelle l'inspecteur du travail de la Nièvre a autorisé la société Aubert et Duval à le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de la société Aubert et Duval la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail d'examiner la régularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise, alors qu'il appartient à l'administration du travail de vérifier la régularité de la procédure préalable à sa saisine ; la procédure a été viciée, dès lors que le comité central d'entreprise n'a pas été consulté

sur l'ensemble du plan, après la suspension de la mise en oeuvre du plan par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ;

* la décision en litige est insuffisamment motivée et n'a pas été notifiée à l'organisation syndicale dont il est le délégué ;

* c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'inspecteur du travail avait retenu, à bon droit, pour apprécier les difficultés économiques de l'entreprise, le seul secteur d'activité de la branche alliages, alors que le groupe Eramet, qui a absorbé la société Aubert et Duval holding, ne revendique qu'un seul secteur d'activité, sous la spécification énergie et produits de base, et alors que des postes ont été prévus dans le groupe Eramet, dans le cadre du plan social de la société Aubert et Duval ;

* le groupe Eramet affiche des résultats satisfaisants depuis l'année 2003, de sorte que la notion de sauvegarde de la compétitivité avancée pour justifier les licenciements ne correspond pas à la situation économique du groupe, ni même à la situation de la branche alliages, qui a également vu son chiffre d'affaires et ses résultats à la hausse en 2004 par rapport à 2003, alors que le chiffre d'affaires de la société Aubert et Duval a également progressé ;

* les efforts de reclassement de la société Aubert et Duval, qui ne lui a proposé qu'un seul poste, ont été insuffisants, tant au plan géographique que professionnel, eu égard à son profil et à sa catégorie professionnelle ;

* il existe un lien entre ses mandats et la mesure de licenciement, eu égard à l'application qui a été faite à sa situation des critères de licenciement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2007, présenté pour la société Aubert et Duval, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

* la décision en litige est conforme à l'obligation de motivation ; l'absence de notification à l'organisation syndicale dont M. A est le délégué est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

* l'inspecteur du travail a procédé à une analyse très approfondie de la situation économique de l'entreprise, au niveau de la branche d'activité dont elle relève, et a pris une décision qui caractérise le motif économique et le périmètre au sein duquel ce motif doit être apprécié ; le requérant ne peut contester la réalité des difficultés économiques durables, caractérisées notamment par des déficits importants du groupe durant les exercices 2003 et 2004, tant au niveau de la société que de la branche alliage dont elle relève ;

- le cadre d'appréciation des difficultés économiques qu'elle rencontre se limite à son propre périmètre ; le poste occupé par M. A a été supprimé du fait de la suppression du service auquel il appartenait ;

- elle a satisfait à son obligation de reclassement, qui ne comporte qu'une obligation de moyens et non de résultats, en proposant deux postes à M. A, qui n'a jamais répondu aux offres qui lui ont été adressées ;

* la mesure de licenciement de M. A n'est pas liée à l'exercice de ses activités syndicales ;

* la procédure de licenciement et de consultation du comité central d'entreprise a été respectée, ainsi qu'en ont jugé le Tribunal de grande instance puis la Cour d'appel de Paris ;

- il n'existait aucun motif d'intérêt général faisant obstacle au licenciement de M. A ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2007, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Vu la lettre, en date du 24 janvier 2008, par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a été mis en demeure de produire, dans un délai de quinze jours, ses observations en réponse à la requête ;

Vu l'ordonnance en date du 28 mars 2008, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juillet 2008, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;

Vu l'ordonnance en date du 5 septembre 2008, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 31 octobre 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1' septembre 2009 :

* le rapport de M. Seillet, premier conseiller,

* et les conclusions de Mme Humbert-Bouvier, rapporteur public ;

Considérant qu'en vertu des dispositions respectives de l'article L. 436-1 du code du travail, reprises aujourd'hui à l'article L. 2421-3, et des articles L. 412-18 et L. 425-1 du code du travail, aujourd'hui reprises, respectivement, à l'article L. 2411-2 et à l'article L. 2411-5, les salariés membres du comité d'établissement, les délégués syndicaux et les délégués du personnel, titulaires ou suppléants, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

Considérant que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue d'apprécier les difficultés économiques de cette dernière au regard des sociétés du groupe auquel elle appartient et qui oeuvrent dans le même secteur d'activité qu'elle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Aubert et Duval, qui élabore, transforme et commercialise des aciers alliés, alliages et superalliages de haute qualité, appartient au groupe Eramet, dont elle constitue, avec la société Erasteel, spécialisée dans les aciers à coupe rapide, dits aciers rapides , la branche alliages ; qu'ainsi, ces deux sociétés doivent être regardées comme oeuvrant dans le même secteur d'activité ; qu'au cours des exercices 2002 et 2003, tant la société Aubert et Duval que la branche alliages dont elle relève, ont connu une diminution significative du chiffre d'affaires et subi des pertes ; que toutefois, cette évolution s'est inversée en 2004 ; qu'au cours de cette même année, la société Aubert et Duval a eu recours aux heures supplémentaires et à des travailleurs intérimaires ; que, dès lors, même si le rétablissement de la situation économique et financière de l'entreprise et de la branche alliages a pu, à l'époque, être regardé comme encore fragile, la réalité du motif économique du licenciement de M. A, exerçant les mandats de délégué du personnel, de membre du comité d'établissement, du comité central d'établissement et du comité de groupe, et de délégué syndical, ne peut pas être considérée comme établie le 25 novembre 2004, date à laquelle ce licenciement a été autorisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Aubert et Duval la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article ler : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2006 et la décision de l'inspecteur du travail de la Nièvre du 25 novembre 2004 autorisant la société Aubert et Duval à licencier M. A sont annulés.

Article 2 : La société Aubert et Duval versera la somme de 1 500 euros à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy A, au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à la société Aubert et Duval.

Délibéré après l'audience du lerseptembre 2009 à laquelle siégeaient :

L. Fontanelle, président de chambre, M. Givord, président-assesseur, M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 septembre 2009.

''

''

''

''


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY00501
Date de la décision : 15/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme HUMBERT-BOUVIER
Avocat(s) : POTIER-VANHALST-CHAGNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-15;07ly00501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award