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30/06/2009 | FRANCE | N°04LY01595

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 juin 2009, 04LY01595


Vu, I), sous le numéro 04LY01595, la requête, enregistrée le 30 novembre 2004, présentée pour M. Pierre X, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0100614-0304910, en date du 30 septembre 2004, en tant que le Tribunal administratif de Lyon a limité la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon à la seule période postérieure à l'intervention du 4 novembre 1996, et, subsidiairement, a écarté toute responsabilité sans faute ;

2°) d'ordonner une expertise pour faire une évaluation actualisée de son préjudice, ou

, à défaut d'expertise complémentaire, de condamner les Hospices civils de Lyon à lui ve...

Vu, I), sous le numéro 04LY01595, la requête, enregistrée le 30 novembre 2004, présentée pour M. Pierre X, domicilié ... ;

Il demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0100614-0304910, en date du 30 septembre 2004, en tant que le Tribunal administratif de Lyon a limité la responsabilité pour faute des Hospices civils de Lyon à la seule période postérieure à l'intervention du 4 novembre 1996, et, subsidiairement, a écarté toute responsabilité sans faute ;

2°) d'ordonner une expertise pour faire une évaluation actualisée de son préjudice, ou, à défaut d'expertise complémentaire, de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une somme de 1 000 000 euros ;

3°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une provision de 30 000 euros ;

4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de les condamner aux dépens ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2009 :

- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;

- les observations de Me Clapot, avocat de M. X, de Me Levy, avocat des Hospices civils de Lyon et de Me Morand, avocat de la société MAIF ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant qu'à la suite d'un accident de la circulation survenu le 30 octobre 1996, M. X, alors âgé de 69 ans, a été transporté au centre hospitalier de Vienne ; qu'après un premier examen révélant une fracture luxation cervicale C4-C5 avec recul de C-5 dans le canal médulaire, et des signes neurologiques sensitivo-moteurs discrets, il a été décidé de le transférer immédiatement à l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon ; qu'une réduction orthopédique de la luxation, sans intervention chirurgicale, y a été tentée sans succès dans la soirée ; qu'un scanner cervical a été réalisé le lendemain ; que M. X a fait l'objet le 4 novembre 1996, dans la matinée, d'une intervention chirurgicale en vue d'une réduction et d'une fixation de la fracture ; qu'à la suite de cette intervention, il a souffert d'une tétraplégie complète, sensitive et motrice ; qu'un examen par IRM cervicale a été réalisé le 5 novembre 1996, vers 21 heures, et a démontré l'existence d'une hernie compressive massive, nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale en urgence ; qu'une opération par voie antérieure a été réalisée le jour-même, vers 22 heures 30, afin de lever cette compression médullaire, mais n'a permis qu'une récupération partielle du handicap fonctionnel ; que le Tribunal administratif de Lyon, par un premier jugement en date du 26 février 2003, d'une part a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par la Mutuelle Assurance des instituteurs de France (MAIF), assureur de M. X, d'autre part, avant-dire droit, a ordonné une expertise médicale, confiée à un collège d'experts, afin de préciser notamment à quel moment et pour quelle raison M. X avait été victime d'une hernie compressive ; que la MAIF a formé une nouvelle demande indemnitaire ; que le Tribunal, par un deuxième jugement en date du 30 septembre 2004, d'une part a rejeté les conclusions de M. X et de la MAIF tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon sur le fondement de la responsabilité sans faute, et n'a retenu comme faute de nature à engager la responsabilité de l'hôpital que le retard mis pour confirmer le diagnostic de hernie discale et la traiter à la suite de l'intervention du 4 novembre, d'autre part a ordonné, avant-dire droit, une nouvelle expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices directement imputables à cette faute ; qu'enfin, par un dernier jugement, en date du 12 septembre 2006, le même Tribunal a condamné les Hospices civils de Lyon à verser, d'une part à M. X une somme de 1 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2000 et capitalisation desdits intérêts au 24 mai 2006, d'autre part à la MUTUELLE d'ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF), subrogée dans les droits et actions de M. X, la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2001 ;

Considérant que M. X et la MAIF interjettent appel des jugements susmentionnés en date des 30 septembre 2004 et 12 septembre 2006 ; que les deux requêtes dirigées respectivement contre chacun de ces jugements présentent à juger des questions liées entre elles, et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Sur les fins de non recevoir opposées par les Hospices civils de Lyon :

Considérant, en premier lieu, que la requête n° 04LY01595 présentée par M. X, qui ne se borne pas à reprendre ses écritures de première instance, n'est pas dépourvue de moyens ; que par suite la fin de non-recevoir pour défaut de motivation opposée par les Hospices civils de Lyon doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, que contrairement à ce qui est soutenu la MAIF a intérêt à faire appel du jugement en date du 30 septembre 2004, qui rejette ses conclusions indemnitaires en tant qu'elles se fondent sur la responsabilité sans faute des Hospices civils de Lyon ou sur une faute autre que le retard mis à diagnostiquer et traiter la hernie compressive ;

Sur la recevabilité des conclusions de la MAIF dirigées contre le jugement en date du 12 septembre 2006 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 12 septembre 2006 a été notifié à la MAIF le 20 septembre 2006 ; que ses conclusions tendant à la réformation de ce jugement n'ont été enregistrée au greffe de la Cour que le 30 mai 2008 ; qu'elles sont dès lors irrecevables comme tardives ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d'extrême gravité ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que la compression médullaire qui a suivi l'intervention du 4 novembre, n'est pas sans rapport avec l'état initial du patient ; que les conditions pour que soit engagée la responsabilité sans faute des Hospices civils de Lyon ne sont dès lors pas réunies ;

Considérant, en second lieu, que les Hospices civils de Lyon ne contestent pas que le retard de 30 heures mis, à la suite de l'intervention du 4 novembre 1996, pour confirmer le diagnostic de hernie discale et la traiter, a un caractère fautif ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise élaboré par un collège d'experts composé d'un neurochirurgien et d'un chirurgien orthopédiste, que l'intervention du 4 novembre 1996 a été réalisée selon une méthode opératoire classique et était adaptée à l'état du patient ; que, si elle a été indiscutablement à l'origine de la hernie discale ayant provoqué une compression médullaire aiguë accompagnée d'une tétraplégie, celle-ci en est une complication rare mais connue, qui ne révèle aucune faute ; qu'enfin, dès lors que le préjudice litigieux résulte de la compression médullaire qui a suivi l'intervention du 4 novembre, les circonstances qu'un examen d'imagerie permettant éventuellement de diagnostiquer la présence d'une hernie discale n'ait pas été réalisé avant cette intervention, et que ladite intervention n'ait pas été effectuée plus tôt, sont sans rapport direct avec ce préjudice ; que la responsabilité des Hospices civils de Lyon n'est ainsi susceptible d'être engagée qu'en raison des conséquences dommageables découlant du retard susmentionné ;

Sur les droits de M. X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le jugement du 30 septembre 2004, que M. X est atteint d'une tétra parésie spastique, prédominant du côté droit, avec troubles d'incontinence ; qu'en particulier, il présente des difficultés de déplacement et doit s'aider d'une canne ; qu'il a également perdu une partie de la mobilité de son bras droit ; que, toutefois, l'expert relève qu'en raison du cumul des atteintes de la moelle résultant du grave accident dont M. X a été victime, de la gravité de l'aléa qui a affecté l'intervention du 4 novembre 1996, ainsi que d'une fracture humérale survenue par ailleurs et enfin de son âge, seule une fraction de son préjudice actuel peut être directement rattachée aux conséquences du retard mis à diagnostiquer et à lever la hernie discale compressive dont il a été victime ; qu'il expose ainsi que la période d'incapacité totale temporaire n'a pas été augmentée, pas plus que les souffrances endurées ; qu'il relève, en revanche, que sont imputables à cette faute, d'une part un taux différentiel d'incapacité partielle permanente de 26,7 % sur un total de 55 %, d'autre part un préjudice esthétique de 0,5/7, sur un total de 3/7 ; qu'il constate également la nécessité de recourir à une aide à domicile, pour 1 heure par jour de soins infirmiers et 2 heures par jour d'aide ménagère, tout en soulignant qu'une moindre aggravation de l'état de M. X n'aurait pu entrainer qu'une réduction de ce besoin d'aide ; qu'enfin, il constate également l'existence d'un préjudice d'agrément, tout en relevant qu'un tel préjudice aurait également existé, dans une moindre mesure, en cas de ré-intervention plus précoce ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, seuls les préjudices en lien de causalité directe avec la faute imputable aux Hospices civils de Lyon peuvent donner lieu à indemnisation, soit les seuls préjudices correspondant au taux différentiel d'incapacité partielle permanente, au taux différentiel de préjudice esthétique, à l'augmentation de la nécessité d'aide à domicile et enfin à la majoration du préjudice d'agrément et moral résultant de cette situation ;

Considérant, en premier lieu, que le Tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante du préjudice esthétique supplémentaire susmentionné de 0,5 / 7 en allouant à M. X une somme de 1 000 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que le Tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante des troubles dans les conditions d'existence liés à la majoration susmentionné de l'incapacité partielle permanente dont souffre M. X, dans les droits et actions duquel il a estimé que la MAIF était subrogée pour ce chef de préjudice, en l'évaluant à une somme de 25 000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu de la majoration susmentionnée de l'incapacité partielle permanente dont souffre M. X, qui n'a été que partiellement indemnisée par la MAIF, il est fondé à soutenir qu'une fraction des frais d'aide à domicile que son état rend nécessaire sont imputables à la faute commise par les Hospices civils de Lyon ; qu'il sera fait une juste appréciation des montants correspondants en les évaluant à la somme de 50 000 euros ;

Considérant, enfin, qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral et d'agrément en lui allouant une somme de 3 000 euros ;

Sur la demande de provision :

Considérant que, le présent arrêt statuant sur les droits de M. X, ses conclusions tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une provision sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner de nouvelles mesures d'expertise ou une comparution des experts, que M. X est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 12 septembre 2006, le Tribunal administratif de Lyon n'a pas porté à un montant total de 54 000 euros les sommes que les Hospices civils de Lyon sont condamnés à lui verser ; que la MAIF n'est pour sa part pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui n'ont pas dans la présent instance la qualité de partie perdante à l'égard de la MAIF, une somme quelconque au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. X tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une provision de 5 000 euros.

Article 2 : Les sommes que les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à M. X sont portées à un montant total de 54 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2000, et capitalisation desdits intérêts au 24 mai 2006 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 12 septembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. X une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X et les requêtes de la MAIF sont rejetés.

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N° 06LY02249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04LY01595
Date de la décision : 30/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP ARNAUD - REY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-06-30;04ly01595 ?
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