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09/06/2009 | FRANCE | N°07LY02164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 juin 2009, 07LY02164


Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er octobre 2007 sous le n° 07LY02164, présentée pour Mlle Sandrine X, domiciliée ... ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0601244 en date du 31 juillet 2007 en tant qu'il a limité à 97 750 euros la condamnation de l'Etat destinée à réparer les préjudices nés de sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 469 500 euros et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2

000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu, I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er octobre 2007 sous le n° 07LY02164, présentée pour Mlle Sandrine X, domiciliée ... ;

Mlle X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0601244 en date du 31 juillet 2007 en tant qu'il a limité à 97 750 euros la condamnation de l'Etat destinée à réparer les préjudices nés de sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B ;

2°) de porter la condamnation de l'Etat à la somme de 469 500 euros et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 30 décembre 2008 relatif au montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-4 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2009 ;

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président ;

- les observations de Me Darnoux, représentant Melle X ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que les requêtes susvisées, dirigées contre le même jugement, présentent à juger la même question et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que Mlle X a fait l'objet, dans le cadre de ses études de biologie, d'une vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B qui a consisté en trois injections pratiquées en juillet, août et septembre 1994 et en un rappel effectué le 29 septembre 1995 ; qu'ayant développé une sclérose en plaques postérieurement à cette vaccination, elle a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique alors en vigueur ; que le MINISTRE DE LA SANTE, après avoir recueilli l'avis d'une commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, a rejeté sa demande d'indemnisation par une décision du 28 décembre 2005 ; que Mlle X a alors saisi d'une demande d'indemnité le Tribunal administratif de Lyon, qui, par jugement du 31 juillet 2007, a jugé l'Etat responsable et l'a condamné à verser une indemnité de 97 750 euros à la victime ainsi qu'une somme de 11 020,13 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au titre de ses débours ; que Mlle X fait appel de ce jugement en tant qu'il a sous-évalué ses préjudices et le ministre en tant que la responsabilité de l'Etat a été engagée ;

Considérant qu'en formulant les conclusions sus-analysées, Mlle X a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir l'indemnité qu'elle réclame, les vices propres dont serait entachée la décision rejetant la réclamation de Mlle X, qui a eu pour seul effet de lier le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la décision ministérielle est inopérant ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. ; qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat. ;

Considérant que la responsabilité sans faute de l'Etat à raison des dommages causés par une vaccination obligatoire est subordonnée à la condition que soit établi un lien de causalité direct entre cette vaccination et le dommage dont la réparation est demandée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable, que Mlle X n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement aux injections vaccinales contre l'hépatite B ; que l'intéressée, qui avait ressenti une fatigue importante et une impression nette de faiblesse musculaire dans les suites des primo injections, a présenté, immédiatement après l'injection de rappel du 29 septembre 1995, des troubles urinaires, lesquels sont établis par les examens alors réalisés, ainsi que des douleurs dorsales, des sensations de décharges électriques et de fourmillements dans les quatre membres qui constituent, selon les conclusions de l'expert, les premiers symptômes de la maladie qui a continué a évoluer jusqu'à ce que le diagnostic formel soit posé en février 2002 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard, d'une part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence chez elle d'antécédents en lien avec la pathologie dont s'agit avant sa vaccination et, d'autre part, au bref délai ayant séparé la vaccination et les rappels de l'apparition des premiers symptômes cliniquement constatés d'une pathologie ultérieurement diagnostiquée comme étant une sclérose en plaques, le lien de causalité direct entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B reçue par Mlle X et l'apparition de cette affection doit être regardé comme établi ; que, par suite, le MINISTRE DE LA SANTE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à réparer les conséquences dommageables de la vaccination litigieuse ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant les dépenses de santé :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que l'hospitalisation de Mlle X du 23 mars 1996 au 27 mars 1996 doit être regardée comme directement imputable à l'affection litigieuse ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du Rhône a droit au remboursement, à ce titre, de la somme de 1 390,34 euros ; qu'en revanche, il n'est pas justifié par le seul décompte sommaire produit que les frais d'hospitalisations ultérieures et les frais médicaux et pharmaceutiques, dont la caisse a obtenu le remboursement en première instance, présentent un lien de causalité direct et certain avec la prise en charge de la sclérose en plaques qui affecte la victime ; que, par suite, le MINISTRE DE LA SANTE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont condamné l'Etat à rembourser à la caisse l'intégralité des débours dont elle sollicitait le paiement ;

Considérant que si Mlle X demande une indemnité de 162 000 euros au titre des frais engendrés par le régime alimentaire qu'elle a décidé de poursuivre dans le cadre de sa pathologie, il n'est toutefois pas établi qu'un tel régime relève du traitement thérapeutique de son affection ; que par suite, elle n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre ;

S'agissant les frais liés au handicap :

Considérant que Mlle X, qui est née le 25 octobre 1974, justifie que son état nécessite l'assistance d'une tierce personne à raison de dix heures par semaine, dont elle supporte le coût à hauteur de 1,05 euros de l'heure ; qu'il sera fait un juste appréciation de ce chef de préjudice, compte tenu de son âge et de l'absence de possibilité d'évolution favorable de son état en mettant à la charge de l'Etat une somme de 9 590 euros ;

S'agissant les pertes de revenus et l'incidence professionnelle :

Considérant que Mlle X établit que la rupture pour raison de santé, en avril 2002, de son premier contrat de travail à durée déterminée, est en lien avec l'affection dont elle est atteinte ; que les premiers juges ont fait une juste évaluation des pertes de revenus subies de ce fait par la requérante en les fixant à la somme de 7 550 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'affection dont souffre Mlle X a fortement perturbé son cursus de formation et compromis définitivement l'exercice de la profession à laquelle elle s'était destinée ; que si l'expert, qui s'est prononcé en 2003, avait conclu que l'intéressé conservait à cette époque une capacité de travail de type strictement sédentaire et intellectuel dans un milieu protégé, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressée a continué à se détériorer, que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a reconnu en février 2008 un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% et à partir d'avril 2008 un taux de capacité au travail inférieur à 5 % ; que, par suite, l'intéressée, malgré une tentative de réorientation, n'a plus aucune perspective d'activité professionnelle ni, par suite, de droit à pension de retraite ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble du préjudice, non compensé par des prestations sociales, résultant de l'incidence professionnelle et scolaire du dommage corporel en l'évaluant à la somme de 220 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que Mlle X est atteinte d'une incapacité permanente partielle qui avait été évaluée à 30 % en 2003, subit des souffrances chiffrées à 4/7 par l'expert et qu'elle est lourdement affectée dans sa vie personnelle ; que compte tenu de son état au jour du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, du préjudice d'agrément, du préjudice corporel, des souffrances endurées ainsi que du préjudice moral, important du fait de l'angoisse née du caractère évolutif de la pathologie de Mlle X, en allouant à cette dernière la somme de 90 000 euros à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X est fondée à demander que l'indemnité à la charge de l'État réparant ses préjudices soit portée de 97 550 euros à 327 140 euros ; que l'Etat est fondé à soutenir que le montant qu'il doit verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône en remboursement de ses débours doit être limité à la somme de 1 390,34 euros, à laquelle il y a lieu d'ajouter, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1, la somme de 463 euros correspondant au tiers dudit montant ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant que Mlle X, a droit aux intérêts, sur les sommes qui lui sont attribuées, à compter du 19 octobre 2004, date de réception par l'administration de sa demande indemnitaire ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts le 6 mai 2009 ; qu'à cette date il était dû plus d'un an d'intérêts ; que la capitalisation doit être ordonnée à cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de L'Etat, partie perdante à l'égard de Mlle X dans la présente instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mlle X par l'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2007 est portée de 97 750 euros à 327 140 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2004. Les intérêts échus à la date du 6 mai 2009 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les sommes que l'Etat a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône par l'article 2 du jugement susvisé sont ramenées de 11 020,13 euros à 1 390,34 euros et de 910 euros à 463 euros.

Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mlle X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes du MINISTRE DE LA SANTE et de Mlle X est rejeté.

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N° 07LY02164,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02164
Date de la décision : 09/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : OUDOT CAROLINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-06-09;07ly02164 ?
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