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05/05/2009 | FRANCE | N°06LY01622

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 mai 2009, 06LY01622


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. et Mme Bruno X, domiciliés ... ;

M. et Mme X demandent à la cour

1°) d'annuler le jugement n° 0300595 du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que le Centre Hospitalier de Moulins Yzeure soit condamné à leur verser une somme de 457 345, 05 euros en réparation des conséquences dommageables du handicap, non décelé avant sa naissance le 12 juillet 1998, dont leur fille est atteinte et a mis à leur charge les frais d'expertise ;
>2°) de condamner le Centre Hospitalier de Moulins Yzeure à les indemniser de leur...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006, présentée pour M. et Mme Bruno X, domiciliés ... ;

M. et Mme X demandent à la cour

1°) d'annuler le jugement n° 0300595 du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que le Centre Hospitalier de Moulins Yzeure soit condamné à leur verser une somme de 457 345, 05 euros en réparation des conséquences dommageables du handicap, non décelé avant sa naissance le 12 juillet 1998, dont leur fille est atteinte et a mis à leur charge les frais d'expertise ;

2°) de condamner le Centre Hospitalier de Moulins Yzeure à les indemniser de leur préjudice moral ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2009 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel,

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

Considérant que Mme X, après avoir été suivie au Centre Hospitalier de Moulins Yzeure pendant sa grossesse, a accouché dans cet établissement le 12 juillet 1998 d'une fille prénommée Laure ; qu'à l'âge d'un an des examens, réalisés en raison d'un retard de développement associé à quelques dysmorphies, ont révélé que l'enfant était porteuse d'une anomalie chromosomique à l'origine des malformations ; que M. et Mme X font appel du jugement du 20 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Centre Hospitalier de Moulins Yzeure à réparer les conséquences dommageables résultant du handicap, non décelé pendant la grossesse de Mme X, dont s'est trouvée porteuse à sa naissance leur fille Laure ;

Sur l'application des dispositions de l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ;

Considérant que les parents d'un enfant né avec un handicap non décelé au cours de la grossesse pouvaient, avant l'entrée en vigueur de l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002, obtenir de la personne publique responsable de la faute qui les a conduits à mener la grossesse normalement à son terme, réparation du préjudice correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, du handicap de ce dernier ;

Considérant que, si selon l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une personne peut être privée d'un droit de créance en réparation d'une action en responsabilité, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002, en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de sa vie, en subordonnant l'engagement de la responsabilité de l'auteur de la faute à une faute caractérisée et en instituant un mécanisme de compensation forfaitaire des charges découlant du handicap ne répondant pas à l'obligation de réparation intégrale, a porté une atteinte disproportionnée aux créances en réparation que les parents d'un enfant né porteur d'un handicap non décelé avant sa naissance par suite d'une faute pouvaient légitimement espérer détenir sur la personne responsable avant l'entrée en vigueur de cette loi, s'agissant d'un dommage survenu antérieurement, et ce indépendamment de la date d'introduction d'une demande en justice ; que dès lors les dispositions de l'article 1er-I de la loi du 4 mars 2002, en ce qu'elles s'appliquent aux instances en cours sous la seule réserve qu'elles n'aient pas donné lieu à une décision statuant irrévocablement sur le principe de l'indemnisation, sont incompatibles avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que les règles édictées par la loi nouvelle restrictives du droit de créance dont se prévalaient M. et Mme X ne pouvaient recevoir application à l'instance engagée par eux pour obtenir réparation des conséquences dommageables résultant de la naissance le 12 juillet 1998 de leur fille Laure porteuse d'un handicap non décelé par le Centre Hospitalier de Moulins Yzeure pendant la grossesse de Mme X ;

Sur la responsabilité du Centre Hospitalier de Moulins Yzeure:

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, alors âgée de 38 ans, a fait procéder à une amniocentèse le 3 février 1998 et que le résultat du caryotype qui a été communiqué par le laboratoire privé qui l'a réalisé n'a pas révélé d'anomalie ; que compte tenu du faible poids du nouveau-né à la naissance, un nouveau caryotype a été réalisé sans qu'aucune anomalie ne soit non plus constatée et que c'est seulement lors du nouveau caryotype réalisé avec examen de haute résolution à l'âge d'un an qu'a été découverte l'anomalie portant sur la structure du chromosome 3 ; qu'il résulte du rapport d'expertise que, compte tenu de l'âge maternel, l'amniocentèse a été effectuée dans le but de détecter une anomalie portant sur le nombre de chromosomes alors qu'est en cause, en l'espèce, une anomalie des structures interstitielles des bras longs du chromosome 3, du fait de la perte d'un fragment de chromosome ; que si les requérants se prévalent de ce que l'expert a pu rétrospectivement relever, en ayant connaissance du résultat de la dernière analyse qui a révélé l'anomalie, que l'anomalie du chromosome était visualisable sur quelques images réalisées lors du premier examen en février 1998, comme sur celui réalisé au lendemain de la naissance, il résulte également du rapport que le seul constat de cette anomalie sur quelques images, à supposer qu'il ait pu alors être porté, n'aurait pas suffi, en tout état de cause, à poser un diagnostic de malformation chromosomique, une anomalie homogène étant habituellement retenue lorsqu'elle est présente sur toutes les métaphases analysées, ce qui n'était pas le cas ici ; qu'ainsi, aucune faute ne peut être retenue à la charge du centre hospitalier dans la réalisation de l'examen et dans l'interprétation de ses résultats ;

Considérant que si les requérants font également grief au centre hospitalier de ne pas avoir mis en oeuvre des moyens d'investigations supplémentaires, il résulte également de l'instruction que l'enfant, dont l'anomalie chromosomique est exceptionnelle, ne présentait pas de malformations caractéristiques d'une maladie génétique connue et déterminée et qu'il n'existe pas de syndrome cliniquement défini qui aurait pu orienter le diagnostic ; qu'il résulte de l'expertise que le diamètre bipariétal a connu à partir de la 31ème semaine de grossesse un discret ralentissement de croissance, lequel a conduit l'hôpital à réaliser trois autres échographies avant la grossesse, dont le résultat ne permettait pas de mettre en évidence un retard de croissance intra utérin ; que dans ces conditions, aucune faute médicale ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier de Moulins Yzeure dans le suivi de la grossesse de Mme X ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'examen litigieux a été réalisé dans des conditions affectant ses résultats d'une marge d'erreur inhabituelle justifiant que M. et Mme X en fussent informés et fussent ainsi incités à procéder à des examens complémentaires ; qu'ainsi, le centre hospitalier n'a pas commis de faute en s'abstenant de leur donner une telle information ;

Considérant, enfin, que la responsabilité du service public hospitalier est engagée lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du patient présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que s'agissant de la naissance d'un enfant dont le handicap n'a pas été décelé par les examens prénataux, la responsabilité sans faute du centre hospitalier ne saurait être engagée dès lors que le dommage n'est pas sans rapport avec l'état initial du patient ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la réparation du préjudice subi à la suite de la naissance de leur enfant ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

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N° 06LY01622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01622
Date de la décision : 05/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DESPLATS-JEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-05-05;06ly01622 ?
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