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23/12/2008 | FRANCE | N°06LY01191

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2008, 06LY01191


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2006, présentée pour M. Pierre X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305561 du 10 mars 2006 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a :

- d'une part, limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat, en réparation du préjudice subi,

- d'autre part, rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 31 350 euros, outre intérêts de droit à compter d

u 17 septembre 2003, date de sa réclamation préalable ;

3°) mettre à la charge de l'Etat la somme...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2006, présentée pour M. Pierre X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305561 du 10 mars 2006 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a :

- d'une part, limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat, en réparation du préjudice subi,

- d'autre part, rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 31 350 euros, outre intérêts de droit à compter du 17 septembre 2003, date de sa réclamation préalable ;

3°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2008 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, ingénieur des travaux publics de l'Etat, affecté depuis 1983 au service des grands travaux (SGT) de la direction départementale de l'équipement de l'Isère, et qui exerçait alors les fonctions de responsable de la cellule études et grands travaux n° 1 (ETN1), au titre desquelles il avait été chargé, notamment, de mener à bien les études, les acquisitions foncières et les travaux d'une opération d'investissement routier dite rocade du Voironnais section RD12-RN75, d'octobre 1997 à mars 1999, a, par une décision du directeur départemental du 30 mars 1999, été désigné chargé de mission à temps plein auprès du chef du SGT selon une lettre de mission jointe à la décision, relative à la préparation du volet routier du 12ème contrat de plan Etat-région, ultérieurement modifiée par une nouvelle lettre de mission du 3 mai 1999 ; que M. X, s'estimant victime d'attaques au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, en raison de menaces dont il aurait fait l'objet et des propos tenus sur son comportement par l'entreprise titulaire du marché terrassements généraux sur le chantier de la rocade du Voironnais, a sollicité le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de cet article ; que la décision ministérielle de rejet de cette demande, en date du 30 juin 2000, a été annulée par le Tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 6 décembre 2002, devenu définitif ; qu'après la fin, en novembre 1999, de la mission qui lui avait été confiée le 30 mars 1999, durant laquelle la responsabilité de chef de la cellule ETN1 avait été confiée à un autre ingénieur, M. X, par une décision du 7 juillet 2000 du directeur départemental de l'équipement, a été affecté dans l'intérêt du service au poste de chef de la mission assistance à la maîtrise d'ouvrage, à compter du 15 juillet 2000 ; que cette décision a également été annulée, par un jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 7 octobre 2005, devenu également définitif ; que M. X, par une réclamation adressée le 17 septembre 2003 au ministre de l'équipement, des transports et du logement, a demandé l'indemnisation des préjudices financier et moral, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence qu'il estimait avoir subis en raison de l'illégalité fautive des décisions des 30 mars 1999 et 7 juillet 2000, et de la décision refusant de lui accorder la protection due aux fonctionnaires, de la diminution de l'indemnité spécifique de service et de la suppression de l'autorisation d'utiliser un véhicule de service ; qu'il a saisi le Tribunal administratif de Grenoble des mêmes conclusions indemnitaires ; qu'il fait appel du jugement du 10 mars 2006 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a, d'une part, limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité fautive de la décision du 7 juillet 2000 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de sa demande ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (...) ;

Considérant que la requête de M. X a été enregistrée au greffe de la Cour le 5 juin 2006 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Grenoble a été notifié au domicile de M. X le 5 avril 2006, ainsi qu'il résulte de la mention manuscrite figurant sur l'avis de réception et du cachet postal de réexpédition dudit avis ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, tirée de sa tardiveté, doit être écartée ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'ont indiqué les premiers juges dans le jugement attaqué, la décision par laquelle le directeur de la direction départementale de l'équipement de l'Isère a supprimé à M. X l'usage d'un véhicule de service n'a porté aucune atteinte aux droits que l'intéressé tient de son statut et n'a été à l'origine d'aucun préjudice dont il serait fondé à demander réparation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la diminution du montant de l'indemnité spécifique de service allouée à M. X est la conséquence de sa manière de servir dans l'exercice des fonctions de chef de la mission assistance à la maîtrise d'ouvrage qui lui avaient été confiées par la décision du 7 juillet 2000 et non de l'illégalité de ladite décision ; qu'ainsi, M. X ne peut se prévaloir d'un préjudice financier qui correspondrait à la différence entre le montant de l'indemnité perçue jusqu'à la date de ce changement de fonctions et celui de l'indemnité versée ensuite ;

Considérant, toutefois, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la décision du 30 juin 2000 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer a refusé d'accorder à M. X une assistance judiciaire a été annulée, par un jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2002, devenu définitif, au motif, d'une part, que les écrits de l'entreprise chargée du terrassement sur le chantier de la rocade du Voironnais, sur la conduite de M. X, représentaient des outrages au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, et, d'autre part, qu'aucun motif d'intérêt général de nature à dispenser l'administration de prendre les mesures susceptibles d'assurer la protection de cet agent n'était invoqué ; que cette illégalité fautive est de nature à ouvrir droit à M. X à réparation des préjudices dont il justifie et qui en sont la conséquence directe ;

Considérant, également, en quatrième lieu, que si le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables soutient, en défense, dans la présente instance, que la décision du 30 mars 1999 ayant conduit à l'affectation provisoire de M. X était motivée par le climat conflictuel existant entre une entreprise de travaux publics et le service et sur les inconvénients pour le service de la persistance de ce conflit, en affirmant que ces difficultés ont entraîné le retard du chantier de terrassements de la rocade ouest de Voiron et que le chef de service grands travaux a dû d'ailleurs imposer le 21 janvier 1999 le recours à un sous-traitant externe, il résulte de l'instruction, et notamment des mémoires en défense, produits initialement par l'administration dans l'instance relative à la légalité de la décision du 7 juillet 2000, devant le Tribunal administratif de Grenoble, et qu'elle a joints à son mémoire en défense devant la même juridiction dans la présente instance, qu'un tel motif n'a jamais été évoqué pour justifier la décision du 30 mars 1999, ni celle du 7 juillet 2000, qui étaient alors motivées, respectivement, selon ces écrits, par la préparation du 12ème plan Etat-région et une réorganisation du service ; qu'il en résulte également que ni les appréciations portées par le supérieur hiérarchique de M. X sur les capacités professionnelles de cet agent, dans sa fiche de notation du 19 février 1999, quelques semaines seulement avant la décision du 30 mars 1999, qui attribuent un très bon coefficient à la rubrique rapports avec les partenaires externes, ni aucun document rédigé par la hiérarchie de M. X avant ladite décision, n'ont fait état d'un tel conflit ; qu'au demeurant, à la date de cette décision, le procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux confiés à l'entreprise en cause avait déjà été signé, le 17 mars 1999, avant que la réception le soit, le 9 avril 1999, avec effet au 22 février 1999 ; que, dès lors, la décision du 30 mars 1999 et celle du 7 avril 2000 qui en est la conséquence doivent être regardées comme ayant été prises pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ; que l'illégalité fautive de ces décisions est également de nature à ouvrir droit à M. X à la réparation des préjudices dont il justifie et qui en sont la conséquence directe ;

Considérant, en dernier lieu, que les mesures prises illégalement par l'administration à l'encontre de M. X, dans les conditions dans lesquelles elles sont intervenues, qui ont conduit, dans un premier temps, à lui retirer la responsabilité du service qu'il dirigeait depuis de nombreuses années, puis à lui confier, dans un second temps, une mission d'étude temporaire puis, quelques mois après la fin de cette mission, une fonction qui, ainsi qu'il résulte des motifs du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 7 octobre 2005, entraînait une diminution importante de ses responsabilités, ont porté atteinte à sa réputation professionnelle ; que le refus, illégal, de lui accorder la protection due aux fonctionnaires, a également porté atteinte à cette même réputation ; que M. X justifie ainsi d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 12 000 euros, outre l'indemnité déjà accordée par le tribunal, dans le jugement attaqué, au titre du préjudice moral résultant de l'irrégularité de la procédure au terme de laquelle était intervenue la décision du 7 juillet 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a refusé de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total inférieur à 13 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X peut prétendre, pour l'indemnité de 13 000 euros, aux intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation en date du 17 septembre 2003 ;

Sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par M. X dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera à M. X la somme de 13 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

La somme allouée sera assortie des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception de la réclamation du 17 septembre 2003.

Article 2 : Le jugement n° 0305561 du 10 mars 2006 du Tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 06LY01191


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01191
Date de la décision : 23/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. AEBISCHER
Avocat(s) : SCP ALBERT et CRIFO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-12-23;06ly01191 ?
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