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02/12/2008 | FRANCE | N°07LY01364

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 02 décembre 2008, 07LY01364


Vu, I, sous le n° 07LY01364, la requête, enregistrée le 29 juin 2007, présentée pour la société SABLES GRAVIERS SERVICES (SGS), dont le siège est BP 71 à Thiers (63307) ;

La société SGS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0600935 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 avril 2007 qui, à la demande de l'Association d'environnement pour la protection de l'Allier et de ses nappes alluviales (AEPANA), a annulé l'arrêté du 7 octobre 2005 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a autorisée à exploiter une carrière au lieu-dit Le Piau, sur le territoire d

e la commune d'Orléat ;

La société SGS soutient que :

- une association a...

Vu, I, sous le n° 07LY01364, la requête, enregistrée le 29 juin 2007, présentée pour la société SABLES GRAVIERS SERVICES (SGS), dont le siège est BP 71 à Thiers (63307) ;

La société SGS demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0600935 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 avril 2007 qui, à la demande de l'Association d'environnement pour la protection de l'Allier et de ses nappes alluviales (AEPANA), a annulé l'arrêté du 7 octobre 2005 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a autorisée à exploiter une carrière au lieu-dit Le Piau, sur le territoire de la commune d'Orléat ;

La société SGS soutient que :

- une association ayant un ressort territorial relativement vaste ne dispose d'aucun intérêt à agir pour contester une décision à portée locale ; qu'en l'espèce, l'objet social de l'AEPANA vise à assurer la sauvegarde et la protection de l'Allier et de l'ensemble de ses affluents ; que cette rivière déroule son cours sur 425 kilomètres et traverses sept départements ; qu'ainsi, les activités de l'AEPANA s'exercent, non pas à un échelon local, mais à un niveau que l'on pourrait qualifier de régional ; que, par suite, cette association ne justifie pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation du 7 octobre 2005, qui constitue une décision individuelle à portée très localisée ;

- le Tribunal a estimé que la carte annexée au schéma départemental des carrières du Puy-de-Dôme permettait de déterminer précisément l'étendue des nappes alluviales de la Dore ; que le Tribunal a toutefois commis une erreur d'appréciation ; qu'en effet, le document graphique annexé au schéma, qui a été établi à une échelle de 1 / 100 000ème et ne comporte pas d'indications suffisantes, est totalement inutilisable ; qu'ainsi, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, ladite carte ne peut permettre d'affirmer que la carrière litigieuse est localisée dans sa totalité dans l'emprise des nappes alluviales de la Dore ; que le Tribunal aurait dû tout au contraire constater l'imprécision évidente du document et son incohérence interne ; que les études hydrogéologiques ont très exactement montré que la carrière n'est pas située dans ladite emprise ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 octobre 2007, présenté pour l'AEPANA, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la société SGS à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

__________________________________________________

Vu, II, sous le n° 08LY00824, la requête, enregistrée le 10 avril 2008, présentée pour la société SABLES GRAVIERS SERVICES (SGS), dont le siège est BP 71 à Thiers (63307) ;

La société SGS demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0600935 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 avril 2007 qui, à la demande de l'Association d'environnement pour la protection de l'Allier et de ses nappes alluviales (AEPANA), a annulé l'arrêté du 7 octobre 2005 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a autorisée à exploiter une carrière au lieu-dit Le Piau, sur le territoire de la commune d'Orléat ;

_______________________________________________

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2008 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Herce, avocat de la société SABLES GRAVIERS SERVICES (SGS) ;

- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant que l'Association d'environnement pour la protection de l'Allier et de ses nappes alluviales (AEPANA) a pour objet social « la sauvegarde et la protection de l'Allier et de ses nappes alluviales, de ses affluents et de leurs nappes alluviales ainsi que les ressources aquifères que contiennent ces nappes. / Elle inscrit également dans ses objectifs de protection les milieux associés, lorsqu'ils participent directement ou indirectement au maintien des caractéristiques essentielles des gisements aquifères et des cours d'eau. / Le domaine géographique d'action de l'association est limité aux contours des bassins versants des rivières qu'elle entend protéger » ;

Considérant que l'objet social sus-rappelé, qui est suffisamment précis, est de nature à justifier l'intérêt à agir de l'AEPANA à l'encontre de l'arrêté du 7 octobre 2005 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé la société SABLES GRAVIERS SERVICES (SGS) à exploiter une carrière au lieu-dit Le Piau, sur le territoire de la commune d'Orléat, dès lors que cette carrière est susceptible d'avoir des répercussions sur les nappes alluviales d'un affluent important de l'Allier, en l'occurrence la rivière la Dore, laquelle est située à quelques centaines de mètres du projet ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société SGS doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 515-3 du code de l'environnement, qui reprend les dispositions de l'article 16-3 de la loi susvisé du 19 juillet 1976 : « Le schéma départemental des carrières définit les conditions générales d'implantation des carrières dans le département. Il prend en compte l'intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la nécessité d'une gestion équilibrée de l'espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de remise en état et de réaménagement des sites (...). / Les autorisations d'exploitation de carrières délivrées au titre de la présente loi doivent être compatibles avec ce schéma (...) » ;

Considérant que, pour annuler l'autorisation attaquée, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le fait que, alors que le schéma départemental des carrières du Puy-de-Dôme interdit les créations de carrières sur l'emprise des nappes alluviales, la carrière en litige se situe dans sa totalité dans l'emprise des nappes alluviales de la Dore, telles que définies dans l'une des cartes, non entachée d'erreur manifeste de localisation, annexées à ce schéma ; que, par suite, le Tribunal a estimé que c'est à tort que le préfet a délivré une autorisation dans un secteur exclu de toute exploitation par le schéma départemental des carrières ;

Considérant que le juge, lorsqu'il est saisi d'une demande dirigée contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser l'ouverture d'une carrière, se prononce au regard de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision ;

Considérant, d'une part, qu'en cours d'instance, par un arrêté du 4 décembre 2007, le préfet du Puy-de-Dôme a approuvé la révision du schéma départemental des carrières de ce département ; qu'il est constant que, dans ce nouveau schéma, le projet se trouve situé en dehors des zones Fz et Fyz de la carte géologique, qui correspondent à des alluvions récentes dans lesquelles les carrières restent interdites, dans un secteur d'alluvions anciennes, dans lequel l'extraction peut, au contraire, être autorisée, si l'absence d'impacts préjudiciables sur les nappes des alluvions récentes est démontrée ; que la société SGS produit des éléments de justification, qui ne sont pas sérieusement contestés, pour établir que son projet ne comporte aucun impact négatif sur les nappes des alluvions récentes de la Dore ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que le nouveau schéma départemental des carrières a été contesté devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est par elle-même sans incidence sur l'opposabilité de ce schéma ; que les moyens invoqués par l'AEPANA à l'appui de l'exception d'illégalité dudit schéma départemental, tirés d'un vice de procédure et de l'absence de toute justification de la réduction des secteurs antérieurement protégés, sont dépourvus des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ; qu'enfin, ainsi que le fait valoir la société SGS, l'AEPANA qui, devant le Tribunal, s'est bornée à contester la légalité interne de l'arrêté litigieux, n'est pas recevable à se prévaloir, devant la Cour, de la caducité et de l'irrégularité de la procédure qui a été suivie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen qui a été retenu par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, tiré de l'incompatibilité de l'autorisation attaquée avec les dispositions du schéma départemental des carrières, pour annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme accordant cette autorisation, ne peut être accueilli par le juge d'appel ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le juge administratif par l'AEPANA ;

Considérant que, s'agissant des carrières alluvionnaires, le schéma départemental des carrières qui a été approuvé le 4 décembre 2007 dispose que : « pour éviter le mitage des paysages et des espaces naturels, les nouvelles demandes d'exploitation (des) matériaux doivent porter sur une surface minimale de 10 hectares » ;

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société SGS, l'AEPANA, qui a contesté devant le Tribunal la légalité interne de l'arrêté attaqué, est recevable à invoquer en appel l'incompatibilité de cet arrêté avec les dispositions précitées du nouveau schéma départemental des carrières ; que la circonstance que ces dispositions ne sont pas reprises dans la « Synthèse des orientations pour une politique générale des carrières » de ce schéma est sans incidence sur leur applicabilité ; que la demande litigieuse, qui porte sur un nouveau site d'extraction, constitue une nouvelle demande, à laquelle les dispositions précitées sont, dès lors, applicables, indépendamment de la date à laquelle cette demande a été déposée ;

Considérant, d'autre part, que, même si la superficie totale des parcelles concernées est de 12,9 hectares, il est constant que l'arrêté litigieux autorise « 6,5 ha d'extraction », superficie qui est celle à prendre en compte pour l'application des dispositions précitées du schéma départemental des carrières, qui préconisent une surface minimale de 10 hectares ; que, dans ces conditions, l'AEPANA est fondée à soutenir que l'autorisation attaquée n'est pas compatible avec ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société SGS et le ministre de l'écologie ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 7 octobre 2005 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé cette société à exploiter une carrière au lieu dit Le Piau, sur le territoire de la commune d'Orléat ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué :

Considérant que, dès lors qu'il est statué au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions des deux requêtes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'AEPANA, qui n'est pas, dans les présentes instances, partie perdante, soit condamnée à payer à la SOCIETE SGS les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 200 euros au bénéfice de ladite association sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 07LY01364 de la société SGS est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 08LY00824 tendant au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 avril 2007.

Article 3 : La société SGS versera à l'AEPANA une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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Nos 07LY01364…


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY01364
Date de la décision : 02/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : CABINET BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-12-02;07ly01364 ?
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