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28/10/2008 | FRANCE | N°06LY02314

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 5, 28 octobre 2008, 06LY02314


Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2006, présentée pour la SOCIETE AUCHAN, dont le siège est fixé rue de la Recherche à Villeneuve d'Ascq (59350) ;

La SOCIETE AUCHAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501132 du 21 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 7 avril 2005, par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme l'a autorisée à licencier pour faute M. X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

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le soutient qu'elle n'a pas saisi l'inspecteur du travail d'une nouvelle demande de licenc...

Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2006, présentée pour la SOCIETE AUCHAN, dont le siège est fixé rue de la Recherche à Villeneuve d'Ascq (59350) ;

La SOCIETE AUCHAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501132 du 21 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 7 avril 2005, par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme l'a autorisée à licencier pour faute M. X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Elle soutient qu'elle n'a pas saisi l'inspecteur du travail d'une nouvelle demande de licenciement mais a seulement confirmé sa demande initiale ; qu'il convenait, par suite, pour l'inspecteur du travail, de se placer au jour de sa première demande pour prendre la décision litigieuse ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2008 :

- le rapport de M. Seillet ;

- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 1er décembre 2004, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 8 août 2003 par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme avait autorisé la SOCIETE AUCHAN à licencier pour faute M. X, qui avait été représentant syndical au comité d'entreprise et délégué du personnel au sein de cette société, au motif que cette décision était insuffisamment motivée ; que, saisi par la SOCIETE AUCHAN d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement, en date du 28 février 2005, l'inspecteur du travail a de nouveau autorisé le licenciement de M. X, par une décision en date du 7 avril 2005 ; que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette nouvelle autorisation, au motif que M. X n'avait plus la qualité de salarié protégé à la date à laquelle l'inspecteur du travail a statué ; que la SOCIETE AUCHAN relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par M. X :

Considérant que, contrairement à ce que soutient en défense M. X, la requête présentée par la SOCIETE AUCHAN, qui comporte une critique de la solution adoptée par les premiers juges dans le jugement attaqué, est suffisamment motivée ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir qu'il soulève, au motif d'une insuffisante motivation, doit être écartée ;

Sur la légalité de la décision en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code du travail, alors en vigueur : « Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement./ Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement./ (...) La même procédure est applicable au licenciement des anciens délégués du personnel les six premiers mois qui suivent l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution » ; qu'aux termes de l'article L. 425-3 du code du travail, dans sa version alors en vigueur et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises aux articles L. 2422-1 et suivants du nouveau code du travail : « L'annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné aux articles L. 425-1 et L. 425-2 emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent./ Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'Etat, le juge administratif a annulé une décision de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement./ Le salarié concerné est rétabli dans ses fonctions de délégué si l'institution n'a pas été renouvelée. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la procédure prévue à l'article L. 425 1. (...) » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat représentatif bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a été titulaire d'un mandat de délégué du personnel jusqu'au 16 mai 2003 ; que la première autorisation de licenciement, en date du 8 août 2003, annulée par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 1er décembre 2004, est intervenue moins de six mois après l'expiration de son mandat représentatif ; qu'en vertu des dispositions susrappelées de l'article L. 425-3 du code du travail, M. X devait bénéficier, en raison de l'annulation de cette première décision d'autorisation, de la procédure prévue à l'article L. 425-1 du code du travail pendant une nouvelle durée de six mois à compter de sa réintégration dans l'entreprise ; qu'il ressort également desdites pièces, et notamment du constat d'huissier, en date du 10 mars 2005, produit en première instance par M. X, que ce dernier avait été réintégré au sein du magasin Auchan où il était auparavant employé en qualité de responsable des services généraux, à compter du 28 février 2005 ; que, dès lors, à la date de l'autorisation de licenciement de M. X en litige, prise avant l'expiration du délai de six mois qui a couru à compter de cette réintégration, l'intéressé bénéficiait de ces dispositions ; qu'il suit de là que la SOCIETE AUCHAN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur l'incompétence de l'inspecteur du travail pour déclarer illégale la décision en date du 7 avril 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X, tant en première instance qu'en appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail, alors applicable : (...) La décision de l'inspecteur est motivée (...) ; que l'inspecteur du travail a rappelé les faits pour lesquels la SOCIETE AUCHAN demandait le licenciement de M. X, tirés de ce que l'intéressé, en tant que responsable de sécurité, titulaire d'une subdélégation de pouvoir, d'une part, n'avait pas donné une suite favorable à un certain nombre de prescriptions formulées par la commission de sécurité lors d'une précédente visite datant de 2000, et, d'autre part, avait laissé croire de façon dolosive à la direction du magasin qu'un certain nombre d'observations avaient reçu une suite favorable, en précisant que ces faits étaient attestés notamment par le procès-verbal de la commission de sécurité dans sa séance du 13 mars 2003, et qu'ils constituaient de la part de l'intéressé un manquement à ses obligations contractuelles suffisamment grave pour justifier un licenciement ; qu'il a mentionné l'absence de lien de cette demande avec les mandats précédemment détenus par l'intéressé ; que sa décision doit, dès lors, être regardée comme suffisamment motivée au regard des dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'inspecteur du travail était compétent, à la date de la décision en litige, pour examiner la demande d'autorisation de licenciement de M. X, qui bénéficiait encore des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision de l'inspecteur du travail en litige, par laquelle a été autorisé le licenciement de M. X, mentionne ses qualités d'ancien délégué du personnel et d'ancien représentant syndical au comité d'entreprise ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la lettre de demande d'autorisation de licenciement présentée le 28 février 2005 par la SOCIETE AUCHAN renvoyait à sa première demande, qui y était jointe, et mentionnait les mandats dont avait été titulaire l'intéressé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision critiquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de prise en compte de tous les mandats détenus par M. X, qui n'allègue pas devoir bénéficier d'une protection à un autre titre, doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que pour annuler la décision du 8 août 2003 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé la SOCIETE AUCHAN à licencier M. X, par son jugement du 1er décembre 2004, le tribunal s'était fondé sur le seul motif de l'insuffisance de motivation de cette décision ; qu'en exécution de ce jugement, l'inspecteur du travail pouvait prendre une nouvelle décision sur la demande d'autorisation de licenciement, sans reprendre la procédure d'instruction, en complétant toutefois la motivation dont l'insuffisance avait été censurée par le tribunal administratif ; que, dès lors, le moyen tiré du caractère non-contradictoire de la procédure ayant conduit à la décision en litige doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, l'autorisation, accordée par l'inspecteur du travail, à la SOCIETE AUCHAN, de procéder au licenciement pour faute de M. X est motivée, notamment, par le fait pour ce dernier d'avoir laissé croire de façon dolosive à la direction du magasin dans lequel il était employé qu'un certain nombre d'observations et de prescriptions formulées par la commission de sécurité lors d'une précédente visite datant de 2000, avaient reçu une suite favorable ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif, dont M. X ne conteste pas la réalité ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 1332-4 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE AUCHAN n'a eu une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits susmentionnés, commis par M. X, et qui auraient, à eux seuls, ainsi qu'il a été dit, conduit l'inspecteur du travail à accorder l'autorisation de licenciement de ce salarié, qu'à la date de la communication, le 24 mars 2003, du rapport de la commission de sécurité en date du 13 mars 2003 ; qu'à la date du 5 mai 2003, à laquelle elle a adressé à M. X la lettre de convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement, qui marquait l'engagement de poursuites disciplinaires à son encontre, le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 122-44 du code du travail, décompté à partir de la date de communication du rapport de la commission, n'était pas expiré ; qu'après l'annulation, pour un motif tiré de son insuffisante motivation, de la première décision d'autorisation de licenciement de M. X prise par l'inspecteur du travail, qui se trouvait ainsi de nouveau saisi de la demande de la SOCIETE AUCHAN, celle-ci n'était pas tenue de reprendre la procédure disciplinaire à l'encontre de M. X ; que, par suite, contrairement à ce que soutient ce dernier les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être regardés comme prescrits ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE AUCHAN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 7 avril 2005, par laquelle l'inspecteur du travail de la 3ème section du Puy-de-Dôme l'a autorisée à licencier pour faute M. X ;

Sur les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la SOCIETE AUCHAN, qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par M. X dans l'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0501132 du 21 septembre 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. X sont rejetées.

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N° 06LY02314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06LY02314
Date de la décision : 28/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. AEBISCHER
Avocat(s) : METENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-10-28;06ly02314 ?
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