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14/10/2008 | FRANCE | N°06LY00288

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 octobre 2008, 06LY00288


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2006, présentée pour Mme Marie-Louise X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0304548 du 30 novembre 2005 en tant qu'il a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à lui verser une somme de 482 850 euros en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, sa demande tendant à

ce que l'hôpital susmentionné soit condamné à lui verser une somme de 15 200 eu...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2006, présentée pour Mme Marie-Louise X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0304548 du 30 novembre 2005 en tant qu'il a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à lui verser une somme de 482 850 euros en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, sa demande tendant à ce que l'hôpital susmentionné soit condamné à lui verser une somme de 15 200 euros au titre d'une résistance abusive ;

2°) de condamner solidairement l'Etablissement français du sang et l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à lui verser la somme susmentionnée, outre intérêts au taux légal, au titre des conséquences dommageables de la contamination virale incriminée et de condamner l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à lui verser une indemnité de 15 200 euros, outre intérêts, pour résistance abusive ;

3) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine une somme de 3 000 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à leur charge les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 52-854 du 21 janvier 1952 modifiée par la loi n° 61-846 du 2 août 1961 ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président ;

- les observations de Me Péquignot, représentant Me Mante-Saroli, avocat de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Considérant que notification a été faite à la Cour le 8 juillet 2008 du décès de la requérante ; qu'à la date de cette notification, l'affaire était en l'état d'être jugée et qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur la requête ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de Mme X tendant à la condamnation solidaire de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à lui verser une somme de 482 850 euros en réparation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C et, d'autre part, sa demande tendant à ce que l'hôpital susmentionné soit condamné à lui verser une somme de 15 200 euros au titre d'une résistance abusive ; qu'il a, par ailleurs, retenu un manquement de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à son obligation d'information et ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de cet hôpital au titre d'une perte de chance d'obtenir une guérison ; que, par la présente requête, Mme X fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables résultant de sa contamination transfusionnelle et ses conclusions indemnitaires présentées au titre d'une résistance abusive ; que l'Etablissement français du sang et l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine concluent au rejet de la requête, ce dernier demandant en outre l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu un manquement à son obligation d'information et ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions de Mme X tendant à sa condamnation au titre d'une perte de chance d'obtenir une guérison ;

Sur la responsabilité à raison d'une contamination par voie transfusionnelle :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'Etablissement français du sang ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; que le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ; qu'il appartient à la personne publique dont dépend le centre de transfusion concerné, mise en cause devant le juge administratif, d'établir l'innocuité des produits sanguins qu'elle a elle-même élaborés ; qu'ainsi, lorsque la transfusion a été effectuée dans un hôpital qui ne relève pas de cette personne morale, cet hôpital ne peut être tenu pour responsable des conséquences dommageables de la transfusion ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les produits sanguins transfusés à Mme X en avril 1987 à l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine n'ont pas été élaborés et fournis par cet hôpital mais par le centre de transfusion sanguine d'Annemasse ; qu'ainsi, conformément à la loi du 21 janvier 1952 susmentionnée, l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine ne peut, en tout état de cause, être tenu pour responsable d'une mauvaise qualité des produits sanguins litigieux ; que ledit hôpital doit à ce titre être mis hors de cause ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en première instance, que Mme X a été hospitalisée à l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine le 23 avril 1987 pour y accoucher d'un enfant mort-né ; qu'une rétention placentaire hémorragique a nécessité une délivrance artificielle et une révision utérine ; que la requérante a fait l'objet, le 24 avril, d'une transfusion avec deux culots globulaires élaborés et fournis par le Centre de transfusion sanguine d'Annemasse ; que ce centre n'avait pas, à l'époque des faits, de personnalité juridique distincte du Centre hospitalier d'Annemasse aux droits et obligations duquel l'Etablissement français du sang est substitué pour ses activités transfusionnelles passées ; que Mme X s'est révélée séropositive au virus de l'hépatite C le 18 septembre 2000 ; qu'elle impute sa contamination aux transfusions qui lui ont été administrées en avril 1987 ;

Considérant que l'enquête transfusionnelle, menée dans le cadre de l'expertise susmentionnée, a permis de retrouver et de contrôler un des deux donneurs à l'origine des produits sanguins transfusés à la victime le 24 avril 1987, lequel s'est révélé séronégatif au virus de l'hépatite C postérieurement aux transfusions dont s'agit, alors que le statut sérologique du second donneur n'a pu être vérifié ; que toutefois, il résulte de l'instruction que Mme X a été exposée à d'autres sources de contamination que les transfusions incriminées ; que l'expert a notamment relevé qu'elle avait été transfusée en juillet 1981 à l'hôpital cantonal de Genève avec neuf flacons de sang et deux plasmas frais congelés ; qu'il a qualifié le risque de contamination à cette occasion de très important, alors qu'aucune information n'a été obtenue sur le statut sérologique de ces produits transfusés à l'étranger ; que, par ailleurs, l'expert a indiqué que la requérante avait été exposée à un risque de contamination nosocomiale lié à ses accouchements en 1970, 1973, 1974, 1987, à une fausse couche en 1985 et une appendicectomie en 1986 ; que Mme X a également fait l'objet d'une intervention chirurgicale en juillet 1981 pour ligature de l'artère hépatique droite et d'une stérilisation tubaire le 27 avril 1987 ; que dans ces conditions, la contamination de la victime peut certes avoir son origine dans les transfusions sanguines d'avril 1987, mais aussi dans l'une des transfusions précédentes ou des hospitalisations susmentionnées ; qu'ainsi, en l'absence d'un faisceau d'éléments conférant un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle en avril 1987, le lien de causalité directe entre les transfusions litigieuses et la contamination de Mme X par le virus de l'hépatite C, lequel n'avait pas été scientifiquement identifié à l'époque des faits, ne peut être regardé comme établi, malgré l'impossibilité de procéder à une enquête transfusionnelle susceptible de démontrer l'innocuité totale des produits transfusés à cette occasion ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine à réparer les préjudices nés de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, tendant au remboursement des débours exposés pour la prise en charge de l'affection hépatique de Mme X, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la demande de Mme X tendant à la condamnation de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine pour résistance abusive :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine aurait fait preuve d'une résistance abusive de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, par suite, la demande présentée à ce titre par Mme X ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions incidentes de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine :

Considérant que l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine demande que le jugement attaqué soit annulé en tant qu'il a regardé comme établie l'inertie du Centre hospitalier du Sud-Léman-Valserine au vu des résultats des analyses sanguines effectuées en 1993 et en tant qu'il a ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de l'hôpital, à raison d'un retard de détection de la contamination, à réparer le préjudice résultant d'une perte de chance d'obtenir une guérison ; que ces conclusions incidentes soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal et ont été présentées après l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, elles sont irrecevables ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang et de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme X et par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X, sur le fondement de ces dispositions, le versement à l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine de quelque somme que ce soit ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X et les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions incidentes de l'hôpital intercommunal Sud-Léman-Valserine et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 06LY00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00288
Date de la décision : 14/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : HOULLIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-10-14;06ly00288 ?
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