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25/09/2008 | FRANCE | N°05LY01863

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2008, 05LY01863


Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2005, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE, représenté par son président de conseil d'administration en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 17 octobre 2005 ;

L'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 7 du jugement n° 0203171 en date du 22 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCPA

Aymard et Goy et de la société Bertrand Duron et Cie à lui verser une somme...

Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2005, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE, représenté par son président de conseil d'administration en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 17 octobre 2005 ;

L'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 7 du jugement n° 0203171 en date du 22 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCPA Aymard et Goy et de la société Bertrand Duron et Cie à lui verser une somme de 1 762 656,56 euros majorée des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande ;

2°) à titre principal, de porter la somme à laquelle la SCPA Aymard et Goy et la société Bertrand Duron et Cie ont été solidairement condamnées à un montant de 1 587 970,15 euros ;

3°) à titre subsidiaire de porter la somme à laquelle la SCPA Aymard et Goy et la société Bertrand Duron et Cie ont été solidairement condamnées à un montant de 1 008 214,15 euros ;

4°) à titre encore plus subsidiaire, de décider l'organisation d'une nouvelle expertise permettant de déterminer avec certitude si le projet de construction demeure ou non envisageable compte tenu des risques subsistants et, dans l'affirmative, si les coûts estimés en 2000 demeurent d'actualité, ou si au contraire ils paraissent largement dépassés compte tenu de la nécessité de prévoir des procédés de confortement non seulement temporaires pour la durée du chantier, mais définitifs sur l'ensemble des terrains ;

5°) de condamner solidairement la SCPA Aymard et Goy et la société Bertrand Duron et Cie à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2008 :

- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;

- les observations de Me Deygas, avocat de l'OPAC DU RHONE, de Me Grandclément, avocat de la société Bertrand Duron et Cie et de Me Bordet, avocat de la SCP Goy et associés ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été autorisé en 1986 à lotir une partie des terrains dont il était propriétaire au ... ; qu'il a par ailleurs vendu une parcelle contiguë à ce lotissement à la commune, qui l'a elle-même cédée à l'OPAC DU RHONE par un acte du 22 avril 1992 ; que l'OPAC DU RHONE, après avoir confié une étude géotechnique du site à la société Géoprojets, a entrepris de faire construire sur son terrain quatre immeubles d'habitation comportant vingt logements ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à un groupement solidaire dont le mandataire était la société d'architectes Aymard et Goy ; qu'une mission de contrôle technique type HLM a été confiée à la société Socotec ; que le lot n° 1 des travaux, portant sur le terrassement, a été attribué à la société Bertrand Duron et Cie ; que, le 29 mai 1995, alors que le gros oeuvre des deux premiers bâtiments était achevé, la société Bertrand Duron et Cie a entrepris les travaux de terrassement du troisième bâtiment ; que le 1er juin suivant, un des propriétaires voisins constatait l'apparition d'importantes fissures dans son pavillon, et deux autres propriétaires celle de crevasses sur leurs terrains ; que le chantier a alors été interrompu ; que des expertises ont été prescrites par ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Lyon en date des 7 juillet 1995 et 14 septembre 1998, portant, d'une part, sur les causes du glissement de terrain et les préjudices subis et, d'autre part, sur les travaux supplémentaires rendus nécessaires pour poursuivre l'exécution du projet de l'OPAC ; que ces expertises ont été confiées respectivement à M. Y et à M. Z, ayant pour sapiteur la société EG SOL ; que l'OPAC DU RHONE fait appel de l'article 7 du jugement en date du 22 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SCPA Aymard et Goy et de la société Bertrand Duron et Cie à lui verser une somme de 1 762 656,56 euros majorée des intérêts de droit à compter du dépôt de sa demande ; que la SCP Goy et associés venant aux droits de la SCPA Aymard et Goy, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société entreprise Bertrand Duron et Cie ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport de M. Y déposé le 20 août 2001 que la société Géoprojets, qui avait procédé aux études de sol avant la conception du projet, avait alerté le maître d'ouvrage sur les particularités du terrain et sur le risque de glissement de terrain en phase de terrassement et avait préconisé des précautions particulières pour les fondations ; qu'alors que le rapport de Géoprojets était annexé au cahier des clauses techniques particulières du lot n° 1 dont il faisait partie intégrante, la société Bertrand Duron et Cie a, contrairement à ces préconisations, réalisé les travaux de terrassement du troisième bâtiment en une seule fois, et par temps de forte pluie ; que M. Y a conclu des opérations d'expertise que cette méconnaissance des préconisations susmentionnées a été l'élément déclencheur des importants mouvements du sol qui se sont alors manifestés ; que, dès lors, la société Bertrand Duron et Cie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

Considérant, en deuxième lieu, que le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre avait reçu une mission complète incluant une mission de contrôle général des travaux ; qu'il s'est abstenu de s'assurer que le mode opératoire choisi par l'entreprise pour les travaux de terrassement du troisième bâtiment et la réalisation desdits travaux étaient conformes aux stipulations du marché, alors surtout que le contrôleur technique avait souligné les risques de glissement de terrain mis en évidence par le rapport de Géoprojets et préconisé de ne pas procéder à des travaux de terrassement par temps de pluie ; que, dès lors, les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ont également commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle ;

Considérant, en troisième lieu, que ces deux fautes constituent la cause directe et déterminante du préjudice dont se prévaut l'OPAC DU RHONE alors même que l'instabilité du versant serait due à une erreur de conception du réseau d'évacuation des eaux pluviales du lotissement qui surplombe le terrain d'assiette de l'opération et à des fautes commises lors de la construction des pavillons voisins ; que, par suite, la SCP Goy et associés n'est pas fondée à soutenir que le dommage trouverait sa cause dans la faute commise par l'Etat (DDE) en n'informant pas l'OPAC alors qu'il connaissait cette instabilité ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'absence de la solidarité entre l'entreprise et le maître d'oeuvre ne faisait pas obstacle à leur condamnation solidaire dès lors que ceux-ci sont, du fait de leurs fautes respectives, tous les deux à l'origine des mêmes désordres ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que les marchés dont étaient titulaires la SCPA Aymard et Goy, et la société Bertrand Duron et Cie n'ont pas fait l'objet d'un décompte général devenu définitif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCP Goy et associés, venant aux droits de la SCPA Aymard et Goy, et la société Bertrand Duron et Cie ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a retenu leur responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise déposés par M. Z le 26 octobre 2000 et par M. Y le 29 août 2001, que le glissement de terrain provoqué par les travaux de terrassement ne rendait pas impossible la poursuite du projet immobilier de l'OPAC, mais en rendait seulement plus coûteuse la réalisation ; que l'impossibilité de poursuivre l'opération alléguée par l'OPAC ne résulte ni du rapport établi à sa demande par un géotechnicien et produit devant le tribunal administratif, ni de l'avis du même géotechnicien en date du 9 mars 2007 produit en appel, ni de l'étude hydro-géotechnique réalisée le 21 octobre 2003 dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme laquelle ne fait que confirmer les conclusions de l'étude réalisée par la société Geoprojets selon laquelle le terrain d'assiette de l'opération présentait un sol apte à la construction sous réserve de précautions particulières pour les fondations et d'un phasage adapté de l'opération ; que malgré la particularité du terrain, le projet immobilier de l'OPAC aurait pu être réalisé si les stipulations du marché, et notamment les préconisations du rapport de Géoprojets, avaient été respectées ; que si les fautes de l'entreprise et du maître d'oeuvre sont directement à l'origine du coût des travaux de stabilisation du versant nécessaires pour achever l'ouvrage, l'OPAC, qui s'est abstenu de réaliser les travaux propres à la poursuite du chantier après le dépôt du rapport d'expertise, et qui n'établit pas avoir été dans l'impossibilité technique ou financière d'y procéder, ne peut utilement se prévaloir de ce que le plan local d'urbanisme de la commune rendrait aujourd'hui la poursuite de l'opération impossible ; qu'il résulte de ce qui précède que l'OPAC DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que l'abandon du projet était nécessaire et à demander la réparation du préjudice résultant de cet abandon ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé le 26 octobre 2000, qu'outre le coût des travaux propres à la poursuite du chantier, qui doit être évalué à 1 600 000 francs, soit 243 918,43 euros, et le coût de relogement de la famille Bougon qui doit être évalué à 15 408,75 euros, l'OPAC a droit au remboursement des dépenses supplémentaires qu'il a engagées à la suite du sinistre, dépenses comprenant les dépenses de surveillance et d'étude du site pour un montant de 144 896,79 euros, des sommes versées dans le cadre des opérations d'expertises ordonnées par le juge judiciaire à la demande des tiers victimes de désordres imputables au chantier et dont il n'est pas contesté que les montants de 10 021,85 euros et de 5 006,18 euros sont restés à sa charge sans avoir le caractère de dépens de l'instance administrative ou de frais non compris dans les dépens de cette instance, et enfin des travaux supplémentaires réalisés après sinistre par l'entreprise Duron et Cie pour un montant non contesté de 44 205,79 euros ;

Considérant toutefois qu'il y a lieu d'exclure du montant de l'indemnité, d'une part, les dépenses de personnel du maître de l'ouvrage et les frais liés à l'abandon du lotissement Desbrières qui ne sont pas en lien direct avec les fautes imputables aux constructeurs et, d'autre part, les frais financiers et les pertes de loyers qui ne sauraient être justifiés par un calcul forfaitaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, l'OPAC DU RHONE est seulement fondé à demander que la somme de 259 327,18 euros que la SA Bertrand Duron et Cie et la SCPA Aymard et Goy ont été condamnées solidairement à lui verser par le jugement attaqué soit portée à 463 457,79 euros ;

Sur les appels provoqués et appel en garantie :

Considérant qu'eu égard à l'importance respective de leurs fautes et de l'existence d'une faute caractérisée du maître d'oeuvre dans la surveillance des travaux, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné les sociétés Bertrand Duron et Cie et Aymard et Goy à se garantir mutuellement à concurrence de 50 pour-cent de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre ; que les sociétés Bertrand Duron et Cie et Goy et associés, venant aux droits de la SCPA Aymard et Goy, ne sont dès lors fondées à demander ni à être déchargées d'une telle condamnation, ni à en être intégralement garanties ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bertrand Duron et Cie et de la SCP Goy et associés, une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par l'OPAC DU RHONE et non compris dans les dépens ; qu'en revanche les mêmes dispositions font obstacle à ce que les frais exposés par la société Bertrand Duron et Cie et la SCP Goy et associés soient mis à la charge de l'OPAC DU RHONE qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 259 327,18 euros que la SA Bertrand Duron et Cie et la SCPA Aymard et Goy ont été condamnées à verser à l'OPAC DU RHONE par le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 2005 est portée à 463 457,79 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 22 septembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 05LY01863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY01863
Date de la décision : 25/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : SCP DEYGAS-PERRACHON-BES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-09-25;05ly01863 ?
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