Vu, I, sous le n° 07LY02911, la requête, enregistrée le 21 décembre 2007, présentée par le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705744 en date du 20 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 11 juin 2007 refusant de délivrer un titre de séjour à M. Alpha X, et ses décisions du même jour faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays de destination, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. X, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et mis une somme de 800 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;
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Vu, II, sous le n° 07LY02959, la requête, enregistrée le 28 décembre 2007 présentée par le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0705744 du Tribunal administratif de Lyon en date du 20 novembre 2007 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2008 :
- le rapport de Mme Gondouin, premier conseiller ;
- les observations de Me Vernet, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes du PREFET DU RHONE sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; et, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7º) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ;
Considérant en premier lieu que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du PREFET DU RHONE refusant de délivrer un titre de séjour à M. X au motif qu'elle a porté, au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle est intervenue et a ainsi méconnu tant les stipulations de l'article 8 de la convention précitée que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'alors que le Tribunal ne s'est pas fondé sur le 3° du même article dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, le PREFET DU RHONE ne peut utilement soutenir que c'est à tort que le Tribunal en a fait application ;
Considérant, en second lieu, que M. X, après avoir fui la Sierra Leone, est arrivé clandestinement en France en décembre 1997, à l'âge de 21 ans ; qu'il a vu ses demandes d'asile politique et d'asile territorial rejetées, la première par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2000, la seconde par décision du ministre de l'intérieur en date du 30 mars 2001 ; qu'après avoir fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 22 avril 2002, il a sollicité en mai 2005, puis en mars 2007, la délivrance d'une carte de séjour temporaire « mention vie privée et familiale » ; qu'il produit, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, de nombreux documents attestant qu'il vit en France depuis la fin de l'année 1997 et qu'il est parvenu à s'y intégrer en dépit des difficultés liées à sa situation ; que compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, et nonobstant le fait que M. X est célibataire et sans enfants et conserverait encore quelques attaches familiales dans son pays d'origine, le tribunal administratif a pu, à bon droit, estimer que le préfet avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 20 novembre 2007, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 11 juin 2007 ;
Sur les conclusions incidentes présentées par M. X :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal administratif ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 0705744 du Tribunal administratif de Lyon en date du 20 novembre 2007, les conclusions de la requête n° 07LY02959 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution deviennent sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Robin, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 07LY02911 du PREFET DU RHONE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. X sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 07LY02959.
Article 4 : L'Etat versera à Me Robin une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
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Nos 07LY02911 …