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09/07/2008 | FRANCE | N°07LY02858

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2008, 07LY02858


Vu, I, sous le n° 07LY02858, la requête, enregistrée le 18 décembre 2007, présentée pour Mme Kebira X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701443 en date du 22 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 23 juillet 2007 refusant de lui délivrer un titre de séjour, et l'obligeant à quitter le territoire ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de sé

jour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne dans un délai d'un mois à compte...

Vu, I, sous le n° 07LY02858, la requête, enregistrée le 18 décembre 2007, présentée pour Mme Kebira X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701443 en date du 22 novembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 23 juillet 2007 refusant de lui délivrer un titre de séjour, et l'obligeant à quitter le territoire ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au profit de la SCP Borie et associés, à charge pour cette dernière de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

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Vu, II, sous le n° 07LY02929, la requête enregistrée le 21 décembre 2007, présentée pour Mme Kebira X, domiciliée ... ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0701443 en date du 22 novembre 2007, du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme d'examiner à nouveau sa situation en qualité de conjointe d'un citoyen de l'Union européenne dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au profit de la SCP Borie et associés, à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu les décisions du bureau d'aide juridictionnelle en date du 31 janvier 2008 accordant à Mme X le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2008 :

- le rapport de Mme Gondouin, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes de Mme X sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Considérant que par la décision en litige du 23 juillet 2007 le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de délivrer à Mme Kebira Y X, de nationalité marocaine, le titre de séjour qu'elle demandait en tant que conjointe d'un ressortissant allemand ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1°) S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2°) S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4°) S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 dudit code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou de plus de seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité ne peut être inférieure à cinq ans ou à une durée correspondant à la durée du séjour envisagée du citoyen de l'Union si celle-ci est inférieure à cinq ans, porte la mention « carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ». Elle donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle. »; qu'aux termes de l'article R. 121-4 du même code : « Les ressortissants qui remplissent les conditions mentionnées à l'article L. 121-1 doivent être munis de l'un des deux documents prévus pour l'entrée sur le territoire français par l'article R. 121-1. / L'assurance maladie mentionnée à l'article L. 121-1 doit couvrir les prestations prévues aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale. / Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant du revenu minimum d'insertion mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) » ; qu'enfin aux termes de l'article R. 121-14 du même code : « Les membres de famille ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3 présentent dans les deux mois de leur entrée en France leur demande de titre de séjour avec les documents requis pour l'entrée sur le territoire ainsi que les justificatifs établissant leur lien familial et garantissant le droit au séjour du ressortissant accompagné ou rejoint./ Lorsque le ressortissant qu'ils accompagnent ou rejoignent n'exerce pas d'activité professionnelle, ils justifient en outre des moyens dont celui-ci dispose pour assurer leur prise en charge financière et d'une assurance offrant les prestations mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-2 du code de la sécurité sociale (...) » ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet du Puy-de-Dôme pouvait légalement se fonder sur l'article L. 121-1 du code précité, dès lors que le droit au séjour d'un ressortissant d'un Etat tiers, en tant que conjoint d'un citoyen de l'Union européenne, est subordonné à la régularité du séjour de ce dernier en vertu des dispositions combinées du code précité ;

Considérant, d'autre part, que le mari de Mme X, titulaire du revenu minimum d'insertion à hauteur de 387, 96 euros et d'une allocation de logement social d'un montant de 296,71 euros pour l'année 2007, dispose d'un montant de prestations, à la date de la décision contestée, légèrement supérieur à celui du revenu minimum d'insertion ; que cette circonstance ne peut toutefois suffire à satisfaire aux exigences du 2° de l'article L. 121-1 du code précité puisqu'en vertu de celui-ci le citoyen de l'Union européenne doit disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de la situation personnelle de M. X, comme le prévoit l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de M. X, qui est survenue en octobre 2007, postérieurement à la décision contestée, est sans influence sur la légalité de celle-ci ; que la requérante ne peut, en tout état de cause, invoquer utilement les recommandations de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qui n'ont pas de caractère réglementaire ;

Considérant, enfin, que contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet du Puy-de-Dôme a également examiné la situation de M. X au regard du 1° de l'article L. 121-1, la décision contestée mentionnant qu'il n'exerce pas d'activité professionnelle ; que les dispositions de ce 1° n'ont pas été méconnues dès lors qu'à la date de la décision contestée M. X ne pouvait pas se prévaloir d'une activité professionnelle mais seulement d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés en date du 27 juin 2007 ;

Considérant que M. X n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme X n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-3 du même code ;

Considérant, en deuxième lieu, que la directive 2004/38/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres a été transposée par l'article 23 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et le décret 2007-371 du 21 mars 2007, que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a repris dans ses articles L. 121-1 et s. et R. 121-1 et s. ; que la requérante, qui ne soutient pas que lesdites dispositions seraient incompatibles avec la directive 2004/38/CE, ne saurait utilement invoquer directement cette directive à l'encontre d'une décision individuelle ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée Mme X réside en France avec son mari depuis un peu moins d'un an ; qu'elle n'établit pas que l'état de santé de ce dernier, qui souffre de séquelles d'une grave maladie survenue en 1992, nécessiterait sa présence continue en France ; que, nonobstant la circonstance qu'un traitement, qui exigerait la présence des deux époux sur le territoire, a été envisagé dès le mois de juin 2007, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision du préfet du Puy-de-Dôme en date du 23 juillet 2007 refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme faisant obligation à Mme X de quitter le territoire français s'il comporte une décision motivée de rejet de sa demande de titre de séjour, ne comporte pas le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fonde cette obligation ; que cet arrêté doit, par suite, être regardé comme insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article 1er de la loi susmentionnée et, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre la décision du préfet du Puy-de-Dôme qui l'oblige à quitter le territoire ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que la présente décision n'implique pas que le préfet du Puy-de-Dôme délivre à Mme X une carte de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer le titre de séjour demandé ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 0701443 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 22 novembre 2007, les conclusions de la requête n° 07LY02929 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution deviennent sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Borie et associés, avocats de Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Borie et associés d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 07LY02929.

Article 2 : Le jugement en date du 22 novembre 2007 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme X dirigées contre l'article 2 de l'arrêté du 23 juillet 2007 portant obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : L'article 2 de l'arrêté du 23 juillet 2007 portant obligation de quitter le territoire français est annulé.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Borie et associés, avocats, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 07LY2858 est rejeté.

2

Nos 07LY02858, …


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07LY02858
Date de la décision : 09/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP BORIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-09;07ly02858 ?
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