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08/07/2008 | FRANCE | N°07LY01427

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 08 juillet 2008, 07LY01427


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juillet 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704093 en date du 15 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 juin 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X, de nationalité camerounaise, ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour fixant le pays de destination duquel cette mesure de police sera e

xécutée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 9 juillet 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704093 en date du 15 juin 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 juin 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X, de nationalité camerounaise, ainsi que, par voie de conséquence, sa décision distincte du même jour fixant le pays de destination duquel cette mesure de police sera exécutée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de Mlle X la somme de 1 000 euros à lui verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

____________________________________________________

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signée le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2008 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les observations de Me Matsounga, avocat de Mlle X ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 du même code : « Les dispositions du 1° du II. de l'article L.511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; / b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2. » ; qu'aux termes de l'article L. 511-3 dudit code : « Les dispositions du 2° et du 8° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de l'article 19, paragraphe 1 ou 2, de l'article 20, paragraphe 1, et de l'article 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention. » ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen auquel la France et l'Italie sont parties, signée le 19 juin 1990 : « 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : / a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le comité exécutif ; / (...) ; / c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; / (...) e) Ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes. » et qu'aux termes de l'article 21 de cette même convention : « 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre, ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie contractante concernée. / 2. Le paragraphe 1 s'applique également aux étrangers titulaires d'une autorisation provisoire de séjour délivrée par l'une des Parties contractantes et d'un document de voyage délivré par cette Partie contractante. (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, ressortissante camerounaise, était, à la date déclarée et non contestée de son entrée en France fin 2002, titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes en qualité d'étudiante et valable jusqu'au 8 juin 2003 ainsi que d'un passeport en cours de validité ; qu'elle s'était inscrite, au mois d'octobre 2002, dans un établissement de formation et était domiciliée chez sa tante vivant en France, qui était son répondant financier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle était susceptible d'être regardée comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes à la convention de Schengen ni qu'elle figurait sur la liste de signalement italienne ; que, dès lors, elle remplissait les conditions fixées au paragraphe I de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen : qu'ainsi, elle justifie être entrée régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduite à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que la personne intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution est demandée par le PREFET DU RHONE ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° du II. du même article, dès lors, que s'étant maintenue sur le territoire français plus de trois mois après son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, Mlle X se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II. de l'article L. 511-1 précité, le préfet pouvait décider qu'elle serait reconduite à la frontière ; que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré du défaut de base légale de l'arrêté attaqué pour en prononcer l'annulation ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière énonce les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et indique qu'il n'est pas porté au droit de Mlle X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette décision ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, une date avait déjà été fixée pour la célébration du mariage de Mlle X avec son compagnon français, ni que le PREFET DU RHONE aurait eu connaissance antérieurement du caractère irrégulier de son séjour sur le territoire français, l'intéressée ne s'étant jamais manifestée auprès des services préfectoraux depuis son entrée en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de l'interessée ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir dont serait entachée la mesure d'éloignement attaquée doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) » ;

Considérant que, Mlle X, âgée de vingt neuf ans, célibataire et sans enfant à la date de la décision attaquée, est présente depuis la fin de l'année 2002 sur le territoire français ; que ses parents vivent au Gabon et qu'elle ne démontre pas l'existence d'une relation suffisamment stable et ancienne avec son compagnon français ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mlle X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 juin 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X ainsi que sa décision distincte du même jour désignant le pays de destination de la reconduite ; que le jugement attaqué et la demande présentée par l'intéressée devant le Tribunal administratif de Lyon doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mlle X quelque somme que ce soit au profit du PREFET DU RHONE, au titre des frais exposés pour le compte de l'Etat et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 juin 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 07LY01427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07LY01427
Date de la décision : 08/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Claude REYNOIRD
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : JEAN PAUL TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-08;07ly01427 ?
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