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08/07/2008 | FRANCE | N°04LY01042

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 08 juillet 2008, 04LY01042


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2004, présentée pour M. Mourad X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301475 du 26 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'intervention qu'il a subie le 6 février 1991 ;

2°) à titre principal d'ordonner une nouvelle expertise médicale et à titre subsidiaire de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 459 889 euros ;r>
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au ti...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2004, présentée pour M. Mourad X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301475 du 26 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables des conséquences dommageables de l'intervention qu'il a subie le 6 février 1991 ;

2°) à titre principal d'ordonner une nouvelle expertise médicale et à titre subsidiaire de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 459 889 euros ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, premier conseiller ;

- les observations de Me Mazigh, avocat de M. X ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, dans son mémoire introductif d'instance présenté devant le Tribunal administratif de Lyon, M. X a demandé la condamnation des Hospices civils de Lyon à réparer les dommages résultant de l'intervention qu'il a subie le 6 février 1991 à l'hôpital Edouard Herriot et s'est réservé de chiffrer son préjudice corporel au vu des conclusions de l'expertise qu'il demandait au tribunal administratif d'ordonner ; que les premiers juges se sont fondés, pour rejeter la demande indemnitaire formulée par M. X, sur la circonstance que sa demande de première instance non chiffrée était irrecevable ;

Considérant que si, en l'état du dossier dont il était saisi, le tribunal administratif a pu estimer que M. X était en mesure d'apprécier de manière suffisamment précise la nature et l'étendue de son préjudice et de l'évaluer, de manière au moins indicative, compte tenu notamment des expertises médicales ordonnées précédemment par le juge en référé, et refuser d'ordonner l'expertise sollicitée, il ne pouvait statuer sans avoir au préalable invité M. X à régulariser sa demande en chiffrant le montant de ses prétentions ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, l'invitation à régulariser mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours ; que l'avertissement, en date du 23 avril 2004, qui a été adressé aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal administratif était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête tirée de l'absence de chiffrage du préjudice et leur accordait un délai de cinq jours pour présenter leurs éventuelles observations, ne comportait pas les mentions précitées et ne saurait, par suite, être regardé comme une invitation à régulariser, alors au surplus qu'il a été adressé après la clôture de l'instruction intervenue le 9 février 2004 ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été pris à la suite d'une procédure irrégulière, et à en demander l'annulation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la recevabilité des conclusions :

Considérant que M. X, alors âgé de 24 ans, a subi le 6 février 1991 une cervicotomie exploratrice dans les suites immédiates de laquelle il a présenté une parésie du nerf spinal droit ; que compte tenu de l'évolution défavorable de la mobilité de son épaule droite, il a saisi en référé le Tribunal administratif de Lyon en 1995 pour obtenir une expertise médicale, laquelle a fait l'objet d'un complément à la suite de la demande que le requérant a formée devant la même juridiction en 2002 ; que l'intéressé a saisi au fond le tribunal administratif en 2003, en demandant que les Hospices civils de Lyon soient déclarés responsables ; que ceux-ci en défendant à l'instance au fond ont lié le contentieux ;

Considérant qu'eu égard aux conditions ci-dessus rappelées dans lesquelles le tribunal administratif a statué sur les conclusions de M. X tendant à la réparation de son préjudice corporel, la présentation par le requérant devant la cour administrative d'appel de conclusions chiffrées sur ce point ne peut être regardée comme constituant une demande nouvelle en appel ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction, et notamment des conclusions des deux experts commis en référé, que l'indication d'exérèse de la tuméfaction cervicale droite que présentait M. X, après que celui-ci a fait l'objet d'explorations complètes et d'un traitement antibiotique et anti-inflammatoire, n'ait pas été conforme aux données de la science ni adaptée à la pathologie dont il était atteint ; qu'il ne ressort pas non plus de l'instruction, compte tenu de la complexité anatomique de la zone et de l'adhésion importante de la masse ganglionnaire, que l'intervention au cours de laquelle le nerf spinal a été lésé n'aurait pas été conduite selon les règles de l'art ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la responsabilité du service hospitalier serait engagée à raison d'une faute médicale ne peut être accueilli ;

Considérant, toutefois, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispensent pas les médecins de leur obligation ;

Considérant que l'intervention subie par M. X, même conduite dans les règles de l'art, présentait des risques connus, notamment de séquelles neurologiques ; que ces risques devaient être portés à la connaissance du patient ; que, si les Hospices civils de Lyon soutiennent que M. X avait été informé de ces risques, ils n'apportent pas la preuve qui leur incombe qu'ils lui ont donné cette information, alors qu'il n'existait aucune situation de nature à dispenser les médecins de leur obligation d'information ; qu'ainsi, M. X est fondé à soutenir que les Hospices civils de Lyon ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité à son égard ;

Sur le préjudice :

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour M. X de la perte de chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par le patient en cas de renonciation à celle-ci, cette fraction doit être fixée à 50 % ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. X présente, du fait de l'intervention litigieuse, une cicatrice disgracieuse et une parésie du nerf spinal avec défaut d'élévation de l'épaule et amyotrophie du sus-épineux du trapèze et du grand dorsal, entraînant une gêne fonctionnelle ayant un retentissement important sur sa vie sociale, professionnelle et domestique ; qu'en l'absence de toute justification de la perte de revenus en lien avec l'incapacité précitée, le requérant n'est pas fondé à demander la réparation de ce chef de préjudice ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, notamment des difficultés d'exercice de sa profession d'ébéniste et de l'impossibilité de poursuivre la pratique de la boxe, ainsi que des souffrances subies et de son préjudice esthétique, en les fixant à la somme globale de 60 000 euros ; que, compte tenu de la perte de chance précitée évaluée à la moitié, le montant de l'indemnité due à M. X par les Hospices civils de Lyon doit être fixé à la somme de 30 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y lieu de mettre les frais des deux expertises ordonnées en référé par le Tribunal administratif de Lyon à la charge définitive des Hospices civils de Lyon ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. X a obtenu en appel le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % ; qu'il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de M. X n'a pas demandé la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a donc lieu de condamner les Hospices civils de Lyon à rembourser à M. X la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 26 mai 2004 est annulé.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à verser à M. X la somme de 30 000 euros.

Article 3 : Les frais des expertises sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. X, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la part des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. X est rejeté.

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N° 04LY01042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04LY01042
Date de la décision : 08/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : DUCRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-08;04ly01042 ?
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