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03/07/2008 | FRANCE | N°05LY00459

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2008, 05LY00459


Vu la requête enregistrée le 23 mars 2005, présentée pour la SOCIETE JEM, dont le siège est ZI Léopha rue Léopha à Mions (69780) ;

La SOCIETE JEM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002131 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 janvier 2005, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Tignes à lui verser la somme de 1 815 752,63 francs TTC en règlement des travaux de menuiserie intérieure qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitante de la société Quillery ;

2°) de condamner la commune de Ti

gnes à lui verser la somme de 276 809,70 euros TTC, outre intérêts moratoires décomptés...

Vu la requête enregistrée le 23 mars 2005, présentée pour la SOCIETE JEM, dont le siège est ZI Léopha rue Léopha à Mions (69780) ;

La SOCIETE JEM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0002131 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 janvier 2005, en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Tignes à lui verser la somme de 1 815 752,63 francs TTC en règlement des travaux de menuiserie intérieure qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitante de la société Quillery ;

2°) de condamner la commune de Tignes à lui verser la somme de 276 809,70 euros TTC, outre intérêts moratoires décomptés du 15 janvier au 12 avril 2000 sur la situation de novembre 1999, du 5 février au 12 avril 2000 sur l'arriéré de la situation de décembre 1999 réglé le 27 avril 2000, depuis le 5 février 2000 sur la somme restant due au titre de la situation de décembre 1999 et depuis le 15 mai 2000 sur l'arriéré de la situation de janvier 2000 ;

3°) de condamner la commune de Tignes à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 ;

Vu les arrêtés des 17 janvier 1991, 17 décembre 1993 et 31 mai 1997 relatifs aux intérêts moratoires dus au titre des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2008 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Kassase, avocat de la commune de Tignes ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principal :

Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 162 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : « Les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution du marché ouvrent droit à des acomptes. / Le montant d'un acompte ne doit en aucun cas excéder la valeur des prestations auxquelles il se rapporte. (...)» ; que d'autre part, aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 : « L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage (...) » ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : « Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) » ;

Considérant que l'acceptation d'un sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement ne lui garantissent une rémunération directe qu'à proportion des prestations livrées conformément aux spécifications du marché signé ; que les dispositions précitées permettent à la personne responsable du marché, saisie des situations visées par l'entreprise principale, de contrôler la quantité et la qualité des travaux exécutés par le sous-traitant ; que si elle entend ne pas payer l'intégralité de la somme demandée à titre d'acompte, il lui incombe, au moment du paiement, d'identifier et de chiffrer les prestations manquantes ou défectueuses ;

Considérant qu'en appel, seule demeure impayée la situation de travaux n° 19 présentée au titre du mois de décembre 1999 pour un montant de 2 217 147,66 francs TTC et dont la SOCIETE JEM demande le paiement à hauteur de 1 815 752,63 francs TTC ; que pour justifier son refus de régler ladite somme, la commune de Tignes soutient que, d'une part, les vêtures extérieures et le platelage extérieur présenteraient de nombreuses défectuosités, d'autre part, qu'à la mise en régie du chantier aux frais et risques de la société Quillery, titulaire du marché, la requérante aurait refusé d'achever les prestations du lot n° 9B, pour l'exécution de laquelle elle avait été agréée ;

Considérant, en premier lieu, que si le procès-verbal établi en décembre 1999 préalablement à la mise en régie du chantier puis la résiliation des marchés mentionne que « les vêtures de façades sont en retrait de l'arête basse du bandeau », la demande de la SOCIETE JEM est inférieure de 401 395,03 francs au montant des prestations non réglées ; que la commune de Tignes n'établit pas et n'allègue d'ailleurs même pas que cette réfaction ne suffirait pas à compenser l'unique malfaçon relevée pour cette catégorie de prestations évaluée au marché à 303 284 francs HT ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le platelage a été posé sur un ouvrage maçonné ne correspondant pas aux prescriptions contractuelles, cette non-conformité ne relevait pas des travaux du lot n° 9 B et ne pouvait constituer un motif de réfaction de rémunération du sous-traitant chargé de la menuiserie ; que, par suite, l'acompte dû au titre de la situation n° 19 ne saurait être réduit des frais de dépose et de remontage du platelage induits par les travaux de reprise du support maçonné ;

Considérant, en troisième lieu, que la requérante ne poursuivant le paiement que des prestations réalisées antérieurement à la mise en régie totale du chantier, son refus d'achever les travaux est dépourvu d'incidence sur le bien-fondé de sa demande ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la commune de Tignes aurait mandaté les sommes correspondant aux propositions de son maître d'oeuvre ne saurait justifier les réfactions indument pratiquées, dès lors que ces réfactions excèdent le coût des malfaçons imputables à la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE JEM est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de condamner la commune de Tignes à lui verser la somme de 1 815 752,63 francs TTC soit 276 809,61 euros ;

En ce qui concerne les intérêts :

S'agissant des intérêts courant sur la somme de 276 809,61 euros TTC :

Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : « I- L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes (...) dans un délai qui ne peut excéder trente-cinq jours. (...) II- Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou de son sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai (...) » ; qu'aux termes de l'article 180 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : « Les délais définis au I de l'article 178 (...) courent (...) à partir de la réception de la demande du titulaire ou de la transmission par celui-ci de la demande de son sous-traitant (...). Cette demande doit être adressée à la personne responsable du marché (...) Le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts entraîne une majoration de 2 p. 100 du montant de ces intérêts par mois de retard. (...)» ;

Considérant que, faute pour la SOCIETE JEM de produire l'accusé de réception délivré par la personne responsable du marché de la situation de travaux « n° 3 établie le 10 décembre 1999 » jointe à la situation n° 19 de l'entreprise Quillery, il y a lieu de décompter le délai de mandatement de trente-cinq jours depuis le 3 avril 2000, date à laquelle le maire de Tignes a reconnu, dans un courrier adressé au représentant de la requérante, avoir reçu les demandes de paiement d'acomptes et refusé de les honorer ; qu'en vertu des dispositions précitées, les intérêts moratoires, calculés selon le taux défini par l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996, doivent courir sur la somme de 276 809,61 euros TTC à compter du 9 mai 2000, premier jour suivant l'expiration du délai de mandatement ouvert à la commune de Tignes pour mandater l'acompte de décembre 1999 ;

S'agissant des intérêts courant sur l'acompte de situation de travaux n° 16 :

Considérant que la SOCIETE JEM ne se prévaut d'aucune pièce ou circonstance de nature à établir que le représentant de la personne responsable du marché aurait été saisie de la demande de paiement de la somme de 300 273,31 francs TTC correspondant à la situation de travaux n° 16 avant son mandatement, intervenu le 4 janvier 2000 ; que, par suite, il ne ressort pas de l'instruction que la commune de Tignes serait redevable d'intérêts moratoires ni, par voie de conséquence, de leur majoration de 2 pour-cent ;

S'agissant des intérêts courant sur l'acompte de situation de travaux n° 18 :

Considérant que si la SOCIETE JEM soutient que le délai de mandatement de la situation de travaux établie au titre de novembre 1999 expirait au 12 avril 2000, elle ne produit aucune pièce révélant la date de réception par la personne responsable du marché de la demande d'acompte visée par le responsable de l'entreprise Quillery ; que, par suite, il ne ressort de l'instruction ni que des délais moratoires auraient couru avant le mandatement de la somme de 988 533,15 francs TTC ni a fortiori que la commune de Tignes serait redevable de la majoration de 2 pour-cent pour n'avoir pas mandaté, en avril 2000, les intérêts avec le principal ;

S'agissant des intérêts courant sur les autres arriérés d'acompte :

Considérant que le dernier arriéré d'acompte affectait la situation de travaux n° 20 établie au titre de janvier 2000 ; qu'en raison de l'absence d'accusé de réception des demandes de paiement d'acomptes visées par l'entreprise Quillery, la commune de Tignes ne peut être regardée comme en ayant été saisie plus de 35 jours avant le 19 mai 2000, date à laquelle, selon les indications du grand livre de la mairie, la somme a été entièrement mandatée ; que, par suite, la commune de Tignes n'est redevable d'aucun intérêt moratoire ;

Considérant, enfin, que le surplus des demandes d'intérêts et de leur majoration de 2 pour-cent repose sur des décomptes invérifiables ; qu'il ne peut qu'être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de Tignes à verser à la SOCIETE JEM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Tignes doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La commune de Tignes est condamnée à verser à la SOCIETE JEM la somme de 276 809,61 euros qui portera intérêts à compter du 9 mai 2000 selon le taux défini par l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996.

Article 2 : Le jugement n° 0002131 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 21 janvier 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Tignes versera à la SOCIETE JEM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 05LY00459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY00459
Date de la décision : 03/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : SCP VOVAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-07-03;05ly00459 ?
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