Vu, I, la requête, enregistrée le 6 juin 2003, présentée pour la VILLE DE LYON, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 9 avril 2001 ;
La VILLE DE LYON demande la Cour :
1°) d'annuler les jugements n° 9301859, 9303435 et 9403537 en date des 24 février 1999 et 13 mars 2003 par lesquels le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser la somme de un million quatre cent quatre-vingt-sept mille cinquante-six euros et quatre centimes (1 487 056,04 euros) aux sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin, avec intérêts de droit sur la somme de neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille trois cent soixante-trois euros et douze centimes (998 363,12 euros) à compter du 8 février 1993 et sur celle de quatre cent quatre-vingt-huit mille six cent quatre-vingt-douze euros et quatre-vingt-douze centimes (488 692,92 euros) à compter du 17 mars 1994, a décidé que les intérêts échus sur la somme de neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille trois cent soixante-trois euros et douze centimes (998 363,12 euros) à la date du 18 mai 1994 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, qu'il en serait de même pour les intérêts échus sur la somme de quatre cent quatre-vingt-huit mille six cent quatre-vingt-douze euros et quatre-vingt-douze centimes (488 692,92 euros) à la date du 16 octobre 1995, a mis à sa charge les dépens liquidés et taxés à la somme de cent deux mille cent soixante-quinze euros et seize centimes (102 175,16 euros) et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de Me X, en qualité d'administrateur judiciaire de la société Etudes de Design et d'Architecture (EDA), anciennement dénommée société Jean Nouvel et associés, et de la société Setec Foulquier, à la garantir de ces condamnations ;
2°) de rejeter les demandes des sociétés Fayat Compagnie Financiere et Vilquin SA ;
3°) à titre subsidiaire de condamner solidairement et conjointement la SARL EDA et la société Setec Bâtiment, venant aux droits de la société Setec Foulquier à la garantir de toute condamnation ;
4°) de condamner conjointement et solidairement aux dépens les sociétés Fayat Compagnie Financiere et Vilquin SA ou, subsidiairement, la SARL EDA et la société Setec Bâtiment ;
5°) de condamner conjointement et solidairement les sociétés Fayat Compagnie Financiere SA, venant aux droits de la société Durand Structures, Vilquin SA, EDA et Setec Bâtiment à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
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Vu, II, la requête, enregistrée le 19 juillet 2006, présentée pour la VILLE DE LYON, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 9 avril 2001 ;
La VILLE DE LYON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503414 rendu le 18 mai 2006 par le Tribunal administratif de Lyon interprétant l'expression « intérêts de droit » utilisée dans son jugement du 13 mars 2003, par lequel la VILLE DE LYON a été condamnée à payer aux sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin la somme de 1 487 056,04 euros avec « intérêts de droit » comme signifiant « des intérêts contractuels et non des intérêts légaux » et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de dire que l'expression « intérêts de droit » utilisée à l'article 1er du jugement du 13 mars 2003 doit s'entendre comme visant les intérêts légaux et que les modalités de calcul des intérêts doivent être déterminées en conséquence et de déterminer les modalités de calcul de ces intérêts ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, notamment ses articles 21-II et 58-VIII ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, notamment son article 118 ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le décret n° 73-207 du 28 février 1973 et l'arrêté du 29 juin 1973 pris pour son application ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
Vu le décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2008 :
- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;
- les observations de Me Lamy, avocat de la VILLE DE LYON et de Me Petit, avocat des sociétés Fayat et Vilquin ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à l'exécution financière d'un même marché ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul et même arrêt ;
Sur la requête n° 03LY01001 :
Sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant les motifs de droit et de fait fondant la condamnation qu'ils ont prononcée à l'égard de la VILLE DE LYON les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement et n'étaient donc pas tenus de répondre distinctement au moyen de défense de la VILLE DE LYON tiré de ce qu'une collectivité publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ; qu'il résulte de l'instruction qu'une cession de créance a été opérée le 27 mai 1997 par la société Durand Structures, titulaire du marché, au profit de la société Fayat Compagnie Financière ; que cette cession de créance, dont la régularité n'est pas sérieusement contestée, a été conclue en compensation d'une partie de la dette que la société Durand Structures avait antérieurement contractée envers la société Fayat Compagnie Financière ; qu'aux termes de l'article 1692 du code civil : « La vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque » ; qu'il résulte de ces dispositions que la cession de créance transfère au cessionnaire, sauf stipulation contraire, les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, à la seule exclusion des actions extrapatrimoniales, incessibles ou strictement personnelles au cédant ; que, dès lors, les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en ne répondant pas au moyen inopérant tiré de ce que l'indemnité à allouer à la société Compagnie Financière Fayat en sa qualité de cessionnaire des créances de la société Durand Structures devait être limitée au préjudice constaté en fait ; qu'aux termes de l'article 1699 du code civil : « Celui contre lequel a été cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession (...) » ; qu'aux termes de l'article 1701 du même code : « La disposition portée à l'article 1699 cesse : / (...) Lorsqu'elle a été faite à un créancier en payement de ce qui lui est dû (...) » ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut la cession de créance du 27 mai 1997 a été effectuée en paiement partiel d'une créance que la société Fayat Compagnie Financière détenait à l'encontre de la société Durand Structures ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que ni la VILLE DE LYON, ni la société Setec Bâtiment ne pouvaient utilement invoquer ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur les moyens inopérants et sur chaque pièce ou argument présentés au soutien des conclusions des parties, ont répondu à l'ensemble des moyens opérants soulevés devant eux ;
Considérant, en deuxième lieu, que le cédant d'une créance ne peut transmettre plus de droits qu'il n'en détient ; que les dispositions précitées de l'article 1692 du code civil n'ont ni pour objet ni pour effet de rendre inapplicable au cessionnaire d'une créance née de l'exécution d'un marché de travaux publics le principe selon lequel l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un tel marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général détermine les droits et obligations définitifs des parties, les règles qui régissent la compensation étant par suite inapplicables aux opérations comprises dans ce compte et la mise en règlement judiciaire de l'entrepreneur étant sans influence sur l'application des règles qui tiennent à la nature même du compte ; que le litige dont a été saisi en l'espèce le tribunal administratif portait sur le règlement de l'ensemble des comptes du marché entre la personne publique et son cocontractant ; qu'il en résulte que la créance de marché dont se prévaut le cessionnaire est nécessairement d'un montant indéterminé tant que le juge du contrat n'en a pas déterminé le montant ; que, par suite, la VILLE DE LYON n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que les premiers juges ont fait droit à une demande dont le montant était indéterminé en ce qui concerne le lot A3, la société Fayat Compagnie Financière ne pouvant se prévaloir du montant global et forfaitaire de 1 210 540 euros correspondant à la cession de six créances par les sociétés Durand Structures et Fayat Compagnie ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en application du principe sus-rappelé, il y avait lieu de fixer le solde du décompte en faisant état de tous les éléments actifs et passifs résultant d'obligations ayant une existence certaine à la date de son établissement, devant figurer sur ledit décompte, et comprenant notamment tant au profit du cocontractant, la rémunération de ses prestations, qu'à sa charge, le coût des pénalités, imputé au décompte au fur et à mesure de la liquidité de la créance à ce titre de la personne publique ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué sur les pénalités au delà des conclusions dont ils étaient saisis doit être écarté comme manquant en fait dès lors que leur décharge n'entraîne pas une condamnation supérieure au solde du marché demandé par les entreprises ;
Sur le règlement du marché :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des écritures d'appel de la VILLE DE LYON qu'après avoir contracté sur une première mission de maîtrise d'oeuvre complète pour la rénovation de son opéra par un premier marché du 8 décembre 1987, la ville a décidé de restreindre la mission de maîtrise d'oeuvre en la qualifiant de Mission M2+ au regard des missions définies par le décret susvisé du 28 février 1973 et en prévoyant, pour ce qui concerne les « Spécifications techniques détaillées » (STD) et les « Plans d'exécution des ouvrages » (PEO), de limiter à 50 pour-cent la mission du maître d'oeuvre par un marché du 3 mars 1989 ; qu'elle a ensuite conclu un marché public de travaux le 30 novembre 1990 avec un groupement d'entreprises composé des sociétés Durand Structures et Vilquin pour un prix forfaitaire de 51 484 960 francs toutes taxes comprises modifié par deux avenants du 19 juin 1991 et du 14 janvier 1993, le second ayant pour effet de porter le marché à la somme forfaitaire de 53 898 963,87 francs toutes taxes comprises ; que ce marché était régi par un cahier des clauses administratives particulières commun à tous les lots et définissant, notamment, par les articles 1.3. et 8.2.1, les obligations des entreprises par rapport à celles du maître d'oeuvre ; que le groupement composé des sociétés Durand Structures et Vilquin s'étant plaint de ce qu'il n'était pas tenu des obligations techniques et financières incombant en principe au maître d'oeuvre et les jugements attaqués ayant partiellement fait droit à la demande de condamnation, la VILLE DE LYON fait valoir en appel que compte tenu de la complexité de l'ouvrage elle avait décidé que sa conception serait partagée entre le groupement d'entreprises et la maîtrise d'oeuvre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi susvisée du 12 juillet 1985 : « La mission de maîtrise d'oeuvre que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme mentionné à l'article 2. Pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d' oeuvre est distincte de celle d'entrepreneur. Le maître de l'ouvrage peut confier au maître d' oeuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants : 1°) Les études d'esquisse ; 2°) Les études d'avant-projets ; 3°) Les études de projet ; 4°) L'assistance apportée au maître de l'ouvrage pour la passation du contrat de travaux ; 5°) Les études d'exécution ou l'examen de la conformité au projet et le visa de celles qui ont été faites par l'entrepreneur ; 6°) La direction de l'exécution du contrat de travaux ; 7°) L'ordonnancement, le pilotage et la coordination du chantier ; 8°) L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. Toutefois, pour les ouvrages de bâtiment, une mission de base fait l'objet d'un contrat unique. Le contenu de cette mission de base, fixé par catégories d'ouvrages conformément à l'article 10 ci-après, doit permettre : - au maître d'oeuvre, de réaliser la synthèse architecturale des objectifs et des contraintes du programme, et de s'assurer du respect, lors de l'exécution de l'ouvrage, des études qu'il a effectuées ; - au maître de l'ouvrage, de s'assurer de la qualité de l'ouvrage et du respect du programme et de procéder à la consultation des entrepreneurs, notamment par lots séparés, et à la désignation du titulaire du contrat de travaux » ; qu'aux termes des dispositions du I de l'article 18 de la même loi : « Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code. » ;
Considérant que si, avant l'entrée en vigueur du décret susvisé du 29 novembre 1993 portant application du I de l'article 18 de la loi du 12 juillet 1985 précitée, les stipulations d'un marché de maîtrise d'oeuvre pouvaient librement faire référence au décret du 28 février 1973 et, au besoin, s'en écarter, une telle liberté ne pouvait avoir pour effet d'associer, même pour partie, une entreprise, titulaire d'un marché de travaux, à la conception d'un ouvrage en dehors du seul cas prévu par le 5° de l'article 7 précité de la loi du 12 juillet 1985 où le maître d'oeuvre peut se borner à viser les études d'exécution préparées par les entreprises ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des écritures d'appel de la VILLE DE LYON, que l'exhaussement de l'opéra de Lyon n'était pas une « création ordinaire et répétitive d'un savoir-faire connu », mais une réalisation singulière et spéciale ; que la méthode constructive, soit un dôme de verre pour un immeuble de grande hauteur et un établissement recevant du public, est qualifiée par l'expert de « monument de l'histoire contemporaine doublé d'une prouesse technique » ; que l'entreprise retenue par contrat pour la réalisation de la verrière de l'opéra de Lyon a dû faire de la conception sous la tutelle de la maîtrise d'oeuvre alors qu'elle n'aurait dû que finaliser la conception, le rôle de l'entrepreneur étant de bâtir conformément aux DCE et non d'étudier en lieu et place de la maîtrise d'oeuvre ; que compte tenu du caractère innovant de l'ouvrage, la mise au point des spécifications détaillées (STD), des plans d'exécution des ouvrages (PEO) et des études de synthèse relatives à la verrière de l'opéra de Lyon relevait en l'espèce d'une mission de conception ;
Considérant qu'il résulte tant des termes du contrat que de la commune intention des parties éclairée par les conditions d'exécution que les stipulations du marché public de travaux signé le 30 novembre 1990 entre la VILLE DE LYON et le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Durand Structures et Vilquin ne se bornaient pas à confier à celui-ci la réalisation de la moitié des plans d'exécution de l'ouvrage mais avaient pour objet de lui confier une mission comportant la conception de l'ouvrage également confiée au titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre, notamment pour les spécifications techniques détaillées (STD) et les études de synthèse, sans pour autant préciser la part de chacun ; que la VILLE DE LYON ne saurait utilement invoquer l'évolution des textes postérieure à la passation du marché du fait de l'introduction de la procédure de dialogue compétitif dans le code des marchés publics par le décret du 7 janvier 2004 et en droit communautaire par la directive 2004/18/CE du Parlement Européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ni même d'ailleurs de la procédure d'appel d'offres sur performances instituée par le décret du 27 mars 1993 qui l'avait précédé ; qu'elle ne saurait davantage utilement se prévaloir des dispositions du décret du 28 février 1973 qui n'ont pas vocation à régir les missions confiées à une entreprise par un marché public de travaux ;
Considérant que les entreprises ne peuvent utilement se prévaloir d'une circulaire n° 86-24 du 4 mars 1986 dont les conditions d'application ne sont d'ailleurs pas réunies ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le marché public de travaux signé le 30 novembre 1990 entre la VILLE DE LYON et le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Durand Structures et Vilquin, méconnaissait les dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985, notamment en tant qu'elles prévoient que « pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle d'entrepreneur » ; qu'ainsi ce marché était entaché de nullité ; qu'il y a lieu de constater cette nullité ; qu'en raison de sa nullité, ledit marché n'a pu faire naître d'obligations à la charge des parties et ne pouvait fonder la condamnation de la VILLE DE LYON au paiement du solde de ce marché ; que c'est, dès lors à tort, que par les jugements attaqués le Tribunal administratif de Lyon a fait droit aux demandes des sociétés Durand Structures et Vilquin présentées sur le seul fondement contractuel ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ;
Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que pour l'évaluation de la limite ainsi fixée à l'indemnité susceptible d'être accordée à l'entrepreneur, il convient de prendre en compte l'ensemble de la rémunération à laquelle ce dernier aurait eu droit en exécution du contrat, en incluant notamment le montant des éventuels avenants et, le cas échéant, les dépenses exposées au titre de travaux supplémentaires prescrits par le maître d'ouvrage ;
Considérant que les entreprises intimées peuvent donc prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de la VILLE DE LYON, qui a eu recours à un marché de conception-réalisation avant que le décret autorisant le recours à cette procédure ne soit intervenu ; que toutefois, en tant que professionnelles averties, les entreprises ne pouvaient ignorer l'irrégularité entachant la procédure mise en oeuvre par la ville ; qu'eu égard à la faute ainsi commise par ces sociétés, qui ont accepté de signer un contrat dont elles n'ignoraient pas l'illégalité, il y a lieu de laisser à leur charge un cinquième des conséquences dommageables de la nullité du contrat ;
Sur la part non contestée de l'exécution du marché :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut la rémunération contractuelle des entreprises groupées était de 53 898 963,87 francs, soit 8 216 844 euros, toutes taxes comprises ; qu'eu égard à la nullité du marché, la commune ne peut plus déduire des pénalités contractuelles calculées forfaitairement ; que, toutefois le remboursement des dépenses utiles ne saurait conduire le juge à accorder une indemnité calculée sur des montants contractuels comprenant nécessairement le bénéfice que l'entreprise entendait retirer de l'exécution du marché ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la part représentative de ce bénéfice en le fixant à la somme de 821 684 euros ; que, par conséquent, le montant des dépenses utiles non litigieuses s'élève à 7 395 160 euros toutes taxes comprises ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu ci-dessus il convient d'ajouter un montant de 657 347,20 euros au titre du manque à gagner ; que, par suite, sur la part non litigieuse de l'exécution du marché les entreprises ont droit à une somme de 8 052 507,20 euros ; que les versements effectués par la ville ne représentent qu'une somme de 49 234 489,82 francs toutes taxes comprises, soit 7 505 749 euros ; que, dès lors, sur la part non contestée de l'exécution du marché, les entreprises ont droit à une indemnité complémentaire de 546 758,20 euros toutes taxes comprises ;
Sur la part contestée de l'exécution du marché :
Considérant que les sociétés Durand Structures et Vilquin soutiennent qu'elles ont engagé des dépenses d'un montant de 292 654,44 euros toutes taxes comprises pour exécuter des travaux supplémentaires, des dépenses d'un montant de 272 576,77 euros toutes taxes comprises pour réaliser des études de synthèse entre le 14 janvier 1991 et la fin du mois de décembre 1992, des dépenses d'un montant de 157 538,91 euros pour assurer la réalisation d'études d'exécution, des dépenses d'un montant de 13 342,70 euros au titre de la fabrication des prototypes, des dépenses de suivi d'affaires d'un montant de 138 432,28 euros toutes taxes comprises, des dépenses d'un montant de 502 124,68 euros toutes taxes comprises du fait de la prolongation des travaux et des frais financiers pour un montant de 224 299,97 euros toutes taxes comprises ; que le montant total de leurs prétentions au titre des dépenses utiles qu'elles ont engagées s'élève ainsi à 1 600 969,75 euros ;
Considérant qu'aucune faute des entreprises n'ayant vicié le consentement de la personne publique, elles ont droit à l'indemnisation de la totalité des dépenses utiles ;
Considérant que la réalité et le montant de ces dépenses résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ; que la VILLE DE LYON ne saurait opposer à cette demande ni le caractère forfaitaire d'un marché entaché de nullité, ni les stipulations du même marché prévoyant l'application de pénalités de retard ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la VILLE DE LYON, doivent être comprises dans les dépenses utiles les dépenses engagées par l'entreprise pour la réalisation de travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art alors mêmes que ces travaux n'ont fait l'objet d'aucun ordre de service ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les dépenses supplémentaires engagées par les entreprises l'ont été soit sur ordre de service, soit pour la réalisation de travaux indispensables à la bonne exécution de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
Considérant que si la VILLE DE LYON soutient que les entreprises reconnaissent elles-mêmes que certaines dépenses seraient devenues inutiles telles les études d'exécution, il résulte de l'instruction que l'inutilité invoquée résulte des modifications du programme et du projet à l'initiative du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre ; que, par suite, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que le montant des études d'exécution soit compris dans l'indemnité allouée au titre des dépenses utiles dès lors qu'elles ont permis d'éviter des erreurs ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la VILLE DE LYON, les dépenses de suivi d'affaires dont les entreprises demandent le remboursement sont justifiées dans leur principe et leur montant par les états détaillés résultant des écritures d'appel et corroborées par les constatations de l'expert ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que certaines dépenses relatives aux études de synthèse et à la prolongation des travaux ont été rendues nécessaires par des fautes commises par les sociétés dans des conditions leur faisant perdre leur caractère d'utilité pour le maître d'ouvrage ; qu'il y a lieu, en conséquence, de laisser à la charge des entreprises 20 pour-cent des sommes demandées au titre de la prolongation des travaux et au titre des études de synthèse pour soustraire au montant de l'indemnité réclamée au titre des dépenses utiles les sommes de 54 515,35 euros et de 100 424,93 euros ;
Considérant que les frais financiers engagés par les entreprises pour un montant de 224 299,97 euros sont dépourvus de toute utilité pour la collectivité publique et ne sauraient dès lors être compris dans le montant de l'indemnité allouée au titre des dépenses utiles ;
Considérant que le remboursement des dépenses utiles ne saurait conduire le juge à accorder une indemnité calculée sur des montants contractuels comprenant nécessairement le bénéfice que l'entreprise entendait retirer de l'exécution du marché ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la part représentative de ce bénéfice en le fixant à la somme de 122 172,95 euros ;
Considérant, dès lors, qu'il y a lieu, pour la part contestée de l'exécution du marché, d'allouer une indemnité au titre des dépenses utiles d'un montant de 1 099 556,55 euros ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le co-contractant de l'administration peut prétendre, en sus des dépenses utiles remboursées au titre de l'enrichissement sans cause, à la réparation du dommage imputable à cette faute, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment le bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
Considérant que la VILLE DE LYON ne soutient pas que l'indemnité à laquelle les entreprises ont droit sur un terrain quasi-contractuel leur assurerait une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat leur aurait procurée ;
Considérant, d'une part, que les sommes représentatives de l'éventuel coût des capitaux immobilisés, lesquelles ne découleraient pas de l'exécution normale du contrat ne peuvent être prises en compte sur le terrain quasi-délictuel ; qu'il y a lieu, d'autre part, d'inclure dans l'indemnisation du dommage à laquelle les entreprises peuvent prétendre sur le fondement de la faute le montant du bénéfice dont elles sont privées en raison de la nullité du contrat et dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 122 172,95 euros ; qu'il faut y ajouter la somme non contestée de 12 253,26 euros toutes taxes comprises correspondant aux révisions des prix dès lors qu'il résulte de l'instruction que les entreprises auraient eu droit à cette somme en exécution du contrat ; que la somme à laquelle peuvent prétendre les entreprises sur le fondement de la faute s'élève ainsi à 134 426,21 euros ;
Considérant qu'après application du partage de responsabilité sus-défini, l'indemnité à laquelle les entreprises peuvent prétendre sur le fondement quasi-délictuel s'élève à 107 540,96 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les entreprises ont droit à une indemnité totale de 1 753 855,71 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que les entreprises peuvent également prétendre sur le fondement quasi-délictuel aux intérêts moratoires portant sur la somme de 1 753 855,71 euros calculés dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 178 du code des marchés publics, auquel renvoie l'article 352 dans leur rédaction applicable au marché dont s'agit, de l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 et de l'article 2 de l'arrêté du 17 décembre 1993, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 31 mai 1997, qui a pour effet de le rendre applicable aux marchés antérieurs au 19 décembre 1993, soit au taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de 2 points ; que la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir doit être fixée à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la date de notification du décompte général du groupement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE LYON n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon l'a condamnée ; que, par la voie de l'appel incident, les sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin sont fondées à demander que la somme que la VILLE DE LYON a été condamnée à leur payer soit portée d'un montant de 1 487 056,04 euros à un montant de 1 753 855,71 euros avec les intérêts calculés dans les conditions précisées ci-dessus ;
Sur les conclusions d'appel en garantie de la VILLE DE LYON dirigées contre les autres constructeurs :
Considérant que le présent litige n'a pas pour objet ni le règlement du marché de maîtrise d'oeuvre, ni celui de l'entreprise Setec Foulquier ; qu'en ce qu'elle s'imputerait sur leur propre rémunération, la condamnation des titulaires de ces marchés à garantir le maître de l'ouvrage de tout ou partie des sommes réintégrées dans la rémunération des sociétés EDA et Setec Foulquier, tend à ce que soit extrait des comptes de chacun des marchés un élément de leur décompte ; qu'une telle demande ne pouvant se traduire par une condamnation, en l'absence de détermination du solde des marchés en cause, n'est pas recevable ; que, dès lors, d'une part, les conclusions sus analysées doivent-être rejetées, d'autre part, la SARL Etudes de Design et d'Architecture (EDA), venant aux droits de la société Jean Nouvel et associés (JNA), est fondée, par la voie de l'appel incident, à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué la condamnant à garantir la VILLE DE LYON ;
Sur les conclusions de l'entreprise Setec Bâtiment venant aux droits de l'entreprise Setec Foulquier :
Considérant que si les conclusions d'appel en garantie de la VILLE DE LYON dirigées contre l'entreprise Setec Bâtiment venant aux droits de l'entreprise Setec Foulquier sont irrecevables elles n'en revêtent pas pour autant un caractère abusif ; que, dès lors, ses conclusions tendant à la condamnation de la VILLE DE LYON à lui payer la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts doivent être rejetées ;
Sur les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : «Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens.» ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de la VILLE DE LYON les frais de l'expertise ordonnée en première instance ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du même code : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens » ; qu'alors même que la VILLE DE LYON a la qualité de partie tenue aux dépens, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de la condamner en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative à rembourser aux autres parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que les dispositions combinées des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les autres parties soient condamnées à verser à la VILLE DE LYON, partie tenue aux dépens, une somme quelconque au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur la requête n° 06LY01546 :
Considérant qu'eu égard à la réformation décidée par le présent arrêt les conclusions dirigées contre le jugement n° 0503414 du 18 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a interprété l'expression « intérêts de droit » utilisée dans son jugement du 13 mars 2003 condamnant la VILLE DE LYON à payer aux sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin la somme de 1 487 056,04 euros avec « intérêts de droit » comme signifiant « des intérêts contractuels et non des intérêts légaux » et rejeté le surplus des conclusions de la demande, sont devenues sans objet ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 06LY01546.
Article 2 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2003 est annulé.
Article 3 : La somme que la VILLE DE LYON a été condamnée à verser aux sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2003 est portée d'un montant de 1 487 056,04 euros à un montant de 1 753 855,71 euros. Cette somme portera intérêts dans les conditions définies par les dispositions combinées de l'article 178 du code des marchés publics, auquel renvoie l'article 352, de l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 et de l'article 2 de l'arrêté du 17 décembre 1993, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 31 mai 1997, à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la date de notification du décompte général du groupement.
Article 4 : L'article 1er du jugement du 13 mars 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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Nos 03LY01001…