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17/04/2008 | FRANCE | N°05LY00107

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 5, 17 avril 2008, 05LY00107


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2005, présentée pour la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE, dont le siège social est le Cousillon Chambonas aux Vans (07140) ;

La SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0005807 du 16 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération en date du 31 octobre 2000, par laquelle le conseil municipal des Vans a approuvé un protocole d'accord à conclure avec la SCI Serart. com et de la décision du maire

des Vans, en date du 7 novembre 2000, de signer ce protocole d'accord ave...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2005, présentée pour la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE, dont le siège social est le Cousillon Chambonas aux Vans (07140) ;

La SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0005807 du 16 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération en date du 31 octobre 2000, par laquelle le conseil municipal des Vans a approuvé un protocole d'accord à conclure avec la SCI Serart. com et de la décision du maire des Vans, en date du 7 novembre 2000, de signer ce protocole d'accord avec la SCI Serart. com et, d'autre part, à l'injonction à la commune des Vans, si elle ne peut obtenir de la SCI Serart. com qu'elle accepte la résolution du protocole d'accord, de solliciter du Tribunal cette résolution dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard ;

2°) d'annuler lesdites décisions et de prononcer ladite injonction sous astreinte ;

3°) de condamner l'Etat et la SCI Serart. com au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2008 :

- le rapport de M. Bourrachot, président-assesseur ;

- les observations de Me Begon, avocat de la commune des Vans et de la SCI Serart. com ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE dirigée contre la délibération et la décision, par lesquelles, respectivement, le conseil municipal et le maire de la commune des Vans (Ardèche) ont autorisé et décidé la signature d'un protocole d'accord avec la SCI Serart. com, selon lequel celle-ci s'engage à vendre à la commune, moyennant le prix principal d'un franc, un ensemble de parcelles et les ouvrages d'aménagement du ruisseau le Bourdaric qu'elles comportent, tout en se réservant un droit d'usage d'une partie de l'ouvrage afin d'y aménager une aire de stationnement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si les tiers peuvent poursuivre l'annulation des actes détachables d'un contrat, la recevabilité d'un tel recours est subordonnée à la condition que les stipulations du contrat en cause soient de nature à les léser dans leurs intérêts de façon suffisamment certaine et directe ;

Considérant que la commune des Vans et la SCI Serart. com soutiennent que la délibération et la décision attaquées n'emportent par elles-mêmes aucune conséquence financière sur le budget communal et par suite sur le montant des impôts ; que toutefois, d'une part, le transfert de propriété à la commune des terrains et ouvrages entraîne nécessairement, par voie de conséquence, le transfert de la charge d'entretien des ouvrages, ainsi d'ailleurs que le prévoit l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1999, et celui de la responsabilité du fait de ces ouvrages à l'égard des usagers et des tiers ; que, d'autre part, si la commune fait valoir qu'elle acquiert pour un franc des terrains et ouvrages qu'elle estime à une valeur de deux millions de francs, il résulte des stipulations du contrat qu'elle s'engage également, par un commodat d'effet immédiat et pour une durée indéterminée, à prêter l'usage d'une partie de l'ouvrage pour permettre la réalisation d'une aire de stationnement par la SCI ; qu'ainsi, contrairement à ce que fait valoir la commune, les décisions litigieuses ne peuvent être regardées comme sans incidence patrimoniale et sans conséquence financière sur le budget communal ; que, dès lors, sa qualité de contribuable communal donne intérêt à la SOCIETE ETABLISSEMENT PIERRE FABRE pour les contester ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir et a rejeté sa demande comme irrecevable ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 16 novembre 2004 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE ;

Considérant que cette demande est dirigée contre la délibération en date du 31 octobre 2000, par laquelle le conseil municipal des Vans a approuvé un protocole d'accord avec la SCI Serart. com, et la décision du maire des Vans, en date du 7 novembre 2000, de signer ledit protocole, concernant la cession à la commune d'un ensemble de parcelles appartenant à la société ; que ladite délibération et la décision de signer le protocole constituent, à l'égard des tiers, des actes administratifs détachables du contrat intervenu entre la commune des Vans et la SCI ; que, dès lors, la commune des Vans et la SCI Serart. com ne peuvent utilement faire valoir que ledit contrat ne présenterait pas le caractère de contrat administratif pour soutenir que le juge administratif serait incompétent pour statuer sur le recours pour excès de pouvoir formé contre les actes attaqués ;

Considérant qu'alors même qu'elles ont été confirmées par un acte authentique, les décisions attaquées n'ont pas le caractère d'actes préparatoires insusceptibles de recours pour excès de pouvoir ;

Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 31 octobre 2000 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée dans sa rédaction alors en vigueur : « Les dispositions de la présente loi sont applicables à la réalisation de tous ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure ainsi qu'aux équipements industriels destinés à leur exploitation dont les maîtres d'ouvrage sont : 1°) L'Etat et ses établissements publics ; 2°) Les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les établissements publics d'aménagement de ville nouvelle créés en application de l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes visés à l'article L. 166-1 du code des communes » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre » ; qu'en vertu des dispositions de l'article 3 de la même loi dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions de la maîtrise d'ouvrage ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de la délibération et de la convention en litige et du dossier de l'enquête publique réalisée en application de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, que les terrains et ouvrages qui font l'objet de la convention font partie du projet communal de couverture du ruisseau le Bourdaric dont la commune des Vans est le maître d'ouvrage et dont ils constituent le prolongement alors même que l'opération a été scindée en deux phases faisant l'objet de deux arrêtés préfectoraux distincts ; que, d'une part, si aucune disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de procéder à l'acquisition de biens immobiliers en utilisant le contrat de vente immobilière, elles ne sauraient légalement avoir recours à ce contrat de vente de droit privé, dans lequel l'acheteur n'exerce pas la responsabilité du maître de l'ouvrage prévue par l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, et dont il ne peut se démettre, et qui échappe tant aux règles de passation, notamment celles relatives à la mise en concurrence, prévues par le code des marchés, qu'au régime d'exécution des marchés de travaux publics, lorsque, comme en l'espèce, l'objet de l'opération est la construction même pour le compte de la collectivité d'un ouvrage entièrement destiné à devenir sa propriété et conçu en fonction de ses besoins propres ; que, d'autre part, la SCI Serart. com n'entre dans aucune des catégories de personnes morales, auxquelles, en application de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1985, peut être confiée par une collectivité ou un établissement public, une mission de maîtrise d'ouvrage déléguée ; que, par suite, la délibération attaquée, qui constitue la dernière phase de cette opération, est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 12 juillet 1985 ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de signer le contrat du 7 novembre 2000 :

Considérant qu'en vertu de l'article 2131-1 du code général des collectivités territoriales les actes des autorités communales visés à l'article 2131 du même code ne peuvent devenir exécutoires avant leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal du 31 octobre 2000 autorisant le maire à signer avec la SCI Serart. com le contrat susmentionné a été transmise au représentant de l'Etat le 7 novembre 2000 avec le contrat signé le même jour et n'était ainsi pas exécutoire à la date à laquelle le maire a signé le contrat ; qu'en signant ce contrat, alors que la délibération l'y autorisant n'était pas exécutoire, le maire de la commune des Vans a nécessairement pris une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors la fin de non-recevoir opposée par la commune des Vans et la SCI Serart. com aux conclusions susanalysées doit être écartée ;

Considérant que la décision du maire des Vans de signer le contrat est illégale pour les mêmes raisons que la délibération du 31 octobre 2000 ; que, dès lors, la société ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE est fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; que lorsque le juge de l'exécution est saisi d'une demande d'un tiers d'enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, il lui appartient de prendre en compte la nature de l'acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général ;

Considérant que les motifs d'annulation ci-dessus retenus ne constituent pas seulement un motif de procédure, mais concernent l'objet même du contrat de vente et s'étendent au commodat qui en est indivisible ; qu'ainsi, les annulations impliquent nécessairement que soit recherchée la nullité du contrat sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le contrat aurait été entièrement exécuté ; qu'il ne résulte de l'instruction aucune circonstance de nature à démontrer une atteinte excessive à l'intérêt général ; que la requérante, dont les conclusions ne sont pas sans objet, est par suite fondée à demander à la cour d'ordonner à la commune des Vans de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat en cause ; qu'il n'y a pas lieu, dans cette affaire, de prononcer une astreinte ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie à l'instance, soit condamné à quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SCI Serart. com la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE, qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance exposés par la commune des Vans et la SCI Serart. com et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 16 novembre 2004, la délibération du conseil municipal des Vans du 31 octobre 2000 et la décision du maire du 7 novembre 2000 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune des Vans de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat de vente immobilière et de commodat passé avec la SCI Serart. com le 7 novembre 2000.

Article 3 : La SCI Serart. com versera à la SOCIETE ETABLISSEMENTS PIERRE FABRE la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 05LY00107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 05LY00107
Date de la décision : 17/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : PHILIPPE GRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-04-17;05ly00107 ?
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