Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 6 mars 2007, présenté pour le PREFET DU RHONE ;
LE PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700867 en date du 19 février 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, son arrêté du 16 février 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Demet X et, d'autre part, sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressée a la nationalité comme destination de la reconduite, ainsi que sa décision en date du même jour la plaçant en rétention administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Demet X devant le Tribunal administratif de Lyon ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2008 :
- le rapport de M. Chabanol, président ;
- les observations de Me Schmitt, avocat du PREFET DU RHONE ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) » et qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. (...) » ;
Considérant que le premier juge a annulé l'arrêté du PREFET DU RHONE du 16 février 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X au motif qu'à défaut de preuve de la notification préalable à l'intéressée de la décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 janvier 2007, cet arrêté méconnaissait les dispositions combinées du 4° de l'article L. 741-4 et de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité turque, a vu sa demande d'admission à l'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 4 avril 2006, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 20 octobre 2006 ; qu'elle a été invitée à quitter le territoire national par décision du PREFET DU RHONE du 22 novembre 2006, notifiée le lendemain ; qu'elle a sollicité, le 29 novembre 2006, une autorisation provisoire de séjour afin de déposer une nouvelle demande d'asile ; que le PREFET DU RHONE a, par décision en date du 22 décembre 2006, notifiée le 28 du même mois, refusé l'admission provisoire au séjour de l'intéressée, après avoir estimé que sa demande de réexamen du dossier d'asile relevait des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mlle X a saisi l'office français de protection des réfugiés et apatrides qui a rejeté sa demande par décision du 26 janvier 2007, régulièrement notifiée à l'intéressée le 29 janvier 2007, comme le démontre la copie de l'avis de réception produite en appel par le PREFET DU RHONE ; qu'en tout état de cause, dès lors que l'admission provisoire au séjour de Mlle X avait été refusée pour l'un des motifs mentionnés au 4° de l'article L. 741-4 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté de reconduite à la frontière pouvait être pris à tout moment au cours de l'instruction de sa demande d'asile, sous la seule réserve, en application de l'article L. 742-6 du même code, que cet arrêté ne soit pas mis à exécution avant la notification de la décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ressort de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, son arrêté du 16 février 2007 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle X devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité turque, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et était dépourvue de titre de séjour en cours de validité, à la date de l'arrêté attaqué, le 16 février 2007 ; qu'elle était, ainsi, dans le cas prévu par les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière, qui n'avaient pas été abrogées à la date de la mesure d'éloignement en litige, contrairement aux allégations de Mlle X ;
Considérant que Mlle X soutient que c'est à tort que, par décision du 22 décembre 2006, le PREFET DU RHONE lui a refusé l'admission provisoire au séjour ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que sa demande de réexamen du dossier d'asile a été déposée six jours après la notification d'une invitation à quitter le territoire national, alors que sa première demande d'asile avait été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, sans qu'elle se rende à la convocation qui lui avait été adressée par l'office et, par la commission des recours des réfugiés, pour irrecevabilité, en l'absence d'exposé de moyens ; que Mlle X s'est bornée à produire, à l'appui de sa demande de réexamen, copie d'une décision du Tribunal de sûreté de l'Etat turc en date du 4 octobre 2006, faisant état d'un mandat d'arrêt lancé contre elle, suite à des poursuites judiciaires engagées pour complicité avec une organisation terroriste, en raison de l'aide et du soutien qu'elle aurait apportés au PKK, et précisant que l'intéressée faisait l'objet de recherches après avoir échappé à une interpellation, le 14 janvier 2001 ; que cet élément a été considéré comme non recevable et dépourvu de garantie d'authenticité par l'office ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le PREFET DU RHONE a regardé sa nouvelle demande d'asile comme présentée dans l'unique but de faire échec à une mesure d'éloignement imminente et lui a refusé, par décision du 22 décembre 2006, en application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission provisoire au séjour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que si Mlle X fait valoir que sa vie privée et familiale se situe désormais en France, où elle est entrée au mois de novembre 2005 et vit auprès de sa soeur, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans enfant, qu'elle n'est présente sur le territoire français que depuis un an et n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Turquie, où réside notamment sa mère et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans ; qu'eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, l'arrêté par lequel le PREFET DU RHONE a décidé sa reconduite à la frontière n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » et que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que si Mlle X soutient que son père et son frère ont été assassinés en raison de leur engagement politique et que sa famille a été persécutée, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, et notamment le mandat d'arrêt sus-mentionné, qui a été regardé comme dépourvu de garantie d'authenticité par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et dont seule la traduction a été produite devant le juge, la réalité des risques que comporterait pour elle un retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision désignant la Turquie comme pays de destination de la reconduite, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) » ;
Considérant que si Mlle X dispose d'un domicile fixe, connu de l'administration, elle ne possède pas de passeport en cours de validité et ne présentait, ainsi, pas de garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, le PREFET DU RHONE a pu légalement décider son placement en rétention administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 16 février 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X ainsi que ses décisions distinctes du même jour désignant le pays de destination de la reconduite et ordonnant le placement de l'intéressée en rétention administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 février 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
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N° 07LY00514