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04/03/2008 | FRANCE | N°06LY00513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 mars 2008, 06LY00513


Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2006, présentée pour Mme Elisabeth X, domiciliée ..., par Me Barberousse, avocat au barreau de Dijon ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0400611-0401584 du 22 décembre 2005 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a :
- limité à 5 000 euros l'indemnité mise à la charge de la commune de Pont et Massène en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 3 février 2004 par laquelle le maire de la commune a refusé de renouveler son contrat ;
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rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la condamnation de la commune de Pont...

Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2006, présentée pour Mme Elisabeth X, domiciliée ..., par Me Barberousse, avocat au barreau de Dijon ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0400611-0401584 du 22 décembre 2005 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a :
- limité à 5 000 euros l'indemnité mise à la charge de la commune de Pont et Massène en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 3 février 2004 par laquelle le maire de la commune a refusé de renouveler son contrat ;
- rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la condamnation de la commune de Pont et Massène à lui verser, d'une part, une somme de 6 833,93 euros en réparation des préjudices subis en raison de la modification substantielle de son contrat de travail lors de la reprise du camping municipal en 2000, et, d'autre part, une somme de 18 137,01 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires ;

2°) de faire droit aux conclusions indemnitaires de ses demandes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pont et Massène la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2008 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Cardon, pour Mme X, et de Me Neraud, pour la commune de Pont et Massène ;

- et les conclusions de M. Aebischer, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, recrutée en 1970 en qualité de responsable du camping de la commune de Pont et Massène, par l'association sportive touristique municipale, dans le cadre d'un contrat de droit privé, a été engagée, à compter de la saison 2000, par ladite commune, par un contrat à durée déterminée, pour la période du 1er mai au 15 septembre, à la suite de la reprise de la gestion du camping par cette commune, qui avait créé un emploi contractuel saisonnier de responsable de cet établissement ; que, de même, au cours des années 2001 à 2003, Mme X a été employée pour exercer les mêmes fonctions, dans le cadre de contrats à durée déterminée ; que, d'une part, Mme X, dont le contrat n'a pas été renouvelé lors de la saison 2004, en vertu d'une décision du maire du 3 février 2004, fait appel du jugement du 22 décembre 2005 du Tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a, en premier lieu, limité à 5 000 euros l'indemnité mise à la charge de la commune de Pont et Massène en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de cette décision, dont il a par ailleurs prononcé l'annulation pour excès de pouvoir, et, en second lieu, rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la condamnation de ladite commune à lui verser, d'une part, une somme de 6 833,93 euros en réparation des préjudices subis en raison de la modification substantielle de son contrat de travail lors de la reprise du camping municipal en 2000, et, d'autre part, une somme de 18 137,01 euros au titre d'un rappel d'heures supplémentaires ; que, d'autre part, la commune de Pont et Massène demande l'annulation du jugement en tant qu'il a mis à sa charge une indemnité de 5 000 euros ;




Sur la responsabilité de la commune de Pont et Massène à raison de l'illégalité de la décision du 3 février 2004 :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, par son jugement du 22 décembre 2005, devenu, sur ce point, définitif à défaut d'appel, et dès lors revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, le Tribunal administratif de Dijon a annulé, comme entachée d'excès de pouvoir, la décision du 3 février 2004 par laquelle le maire de Pont et Massène a refusé de renouveler le contrat de Mme X, au motif que le non-renouvellement du contrat devait être regardé comme ayant été décidé pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ; que cette décision a ainsi constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, dès lors, Mme X est fondée, contrairement à ce que soutient la commune de Pont et Massène, qui ne peut invoquer l'absence d'illégalité de ladite décision, à demander réparation du préjudice subi à la suite du non-renouvellement de son contrat ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites en première instance par la requérante et par la commune de Pont et Massène elle-même, que le montant des revenus tirés par Mme X de l'exercice de ses fonctions de responsable du camping s'est élevé, au cours de l'année 2003, à plus de 8 000 euros ; qu'il en résulte également que la requérante n'a perçu aucun revenu au cours de l'année 2004, et qu'elle n'a retrouvé un emploi qu'au cours de l'année 2005, sans avoir pu percevoir d'allocations de chômage durant cette période ; que, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de la différence ainsi établie entre les revenus que Mme X aurait pu percevoir si son contrat avait été renouvelé et les ressources dont elle a bénéficié, il sera fait une juste appréciation du préjudice éprouvé par la requérante, à raison de ses pertes de revenus, des troubles dans ses conditions d'existence et au titre d'un préjudice moral, en lui allouant une indemnité d'un montant total de 12 000 euros ;

Sur la responsabilité de la commune de Pont et Massène à raison des conditions de reprise du contrat de Mme X au cours de l'année 2000 :

Considérant que l'article 3 de la directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 impose, en cas de cession d'une entreprise, que les droits et obligations qui résultent pour le cédant de tout contrat de travail existant à la date du transfert soient transférés au cessionnaire ; qu'aux termes de l'article L. 122-12 du code du travail, qui doit être regardé comme transposant ces dispositions pour ce qui concerne les salariés de droit privé: «(...) S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise» ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public administratif, il appartient à cette dernière, en l'absence de dispositions législatives spécifiques, et réserve faite du cas où le transfert entraînerait un changement d'identité de l'entité transférée, soit de maintenir le contrat de droit privé des intéressés, soit de leur proposer un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur ancien contrat dans la mesure, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt n° C-175/99 du 26 septembre 2000, où des dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle ; que, dans cette dernière hypothèse, le refus des salariés d'accepter les modifications qui résulteraient de cette proposition implique leur licenciement par la personne publique, aux conditions prévues par le droit du travail et leur ancien contrat ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Pont et Massène, lorsqu'elle a repris, au cours de l'année 2000, la gestion du camping jusqu'alors exploité par l'association sportive touristique municipale, qui employait Mme X dans le cadre d'un contrat de droit privé, a proposé à l'intéressée un contrat de droit public, à durée déterminée, pour la durée de la saison, et que Mme X a accepté cette proposition, comme elle a également accepté la même proposition au cours des années 2001 à 2003 ; qu'en se bornant à invoquer la nécessité de conserver les ressources provenant de l'emploi jusqu'alors occupé, elle n'établit pas que le consentement ainsi donné à la proposition de la commune aurait été vicié ; que, dès lors, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme X n'est pas fondée à invoquer une modification substantielle de son contrat lui ouvrant droit au bénéfice d'une indemnité de licenciement ;

Sur les conclusions de Mme X tendant au paiement d'heures supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 14 janvier 2002 susvisé, dans sa rédaction applicable à la date de son entrée en vigueur : Les personnels civils de l'Etat et de leurs établissements publics à caractère administratif peuvent percevoir des indemnités horaires pour travaux supplémentaires dans les conditions et suivant les modalités fixées par le présent décret. ;
Considérant que Mme X, employée par la commune de Pont et Massène, au cours des années 2000 à 2003 en qualité d'agent contractuel, ne peut utilement se prévaloir, pour demander le versement de sommes correspondant à des heures supplémentaires qu'elle aurait effectuées au cours des saisons 2000 à 2003, des dispositions précitées du décret du 14 janvier 2002, relatives aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, applicables aux fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics, ainsi qu'à leurs agents non titulaires de droit public appartenant à des catégories définies par un arrêté interministériel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a condamné la commune de Pont et Massène à lui verser une indemnité d'un montant inférieur à 12 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité fautive de la décision du 3 février 2004 ; qu'il en résulte également que la commune de Pont et Massène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme X une indemnité à ce titre ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que, les conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Pont et Massène ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pont et Massène la somme de 1 500 euros que réclame Mme X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;


DECIDE :
Article 1er : La commune de Pont et Massène est condamnée à payer à Mme X une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice subi à raison de l'illégalité fautive de la décision du 3 février 2004.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 22 décembre 2005 du Tribunal administratif de Dijon est modifié en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : La commune de Pont et Massène versera la somme de 1 500 euros à Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Pont et Massène sont rejetés.

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N° 06LY00513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00513
Date de la décision : 04/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FONTANELLE
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. AEBISCHER
Avocat(s) : BARBEROUSSE NATACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-03-04;06ly00513 ?
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