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02/01/2008 | FRANCE | N°05LY01888

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 02 janvier 2008, 05LY01888


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2005, présentée pour M. Gérard X et Mme Claudine X, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fille mineure Charlotte, et Mlle Cécile X, tous domiciliés ..., par Me Maudret, avocat ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400321 du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à verser une somme de 305 000 euros à M. X, une somme de 100 000 euros à Mme X, une

somme de 50 000 euros à M. et Mme X agissant au nom de leur fille mineure Ch...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2005, présentée pour M. Gérard X et Mme Claudine X, agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fille mineure Charlotte, et Mlle Cécile X, tous domiciliés ..., par Me Maudret, avocat ;

Les consorts X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400321 du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à verser une somme de 305 000 euros à M. X, une somme de 100 000 euros à Mme X, une somme de 50 000 euros à M. et Mme X agissant au nom de leur fille mineure Charlotte et une somme de 50 000 euros à Mlle Cécile X en réparation des préjudices nés de la contamination transfusionnelle de M. X par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à leur verser les sommes susmentionnées au titre des conséquences dommageables résultant de la contamination incriminée ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer notamment les causes et les conséquences de la contamination dont s'agit ;

4°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2007 :

- le rapport de M. Berthoud, président ;

- les observations de Me Ledoux, avocat de l'Etablissement français du sang ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;


Sur la prescription :

Considérant que l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale pour l'exercice des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; que si l'article 101 de la même loi a prévu que la prescription décennale serait immédiatement applicable aux instances en cours, en tant qu'elle est favorable aux victimes et à ses ayants-droits, cet article n'a pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant que s'agissant de l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence, des préjudices esthétiques et du préjudice lié aux souffrances endurées, nés à l'occasion de dommages causés aux personnes, la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 court à compter de la date de consolidation des blessures ; qu'il en va de même de la réparation du préjudice moral résultant pour ses proches de l'état de santé de la victime du dommage corporel, un tel préjudice n'étant connu dans toute son étendue qu'à la date de la consolidation ;

Considérant que les consorts X ont demandé en mars 2004 réparation des préjudices causés par la contamination de M. X, qui s'était révélé atteint par le virus de l'hépatite C en 1994 ; que, devant les premiers juges, le centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand et l'Etablissement français du sang leur ont opposé la prescription quadriennale ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction, eu égard au caractère évolutif de l'affection dont M. X est atteint, que les séquelles de cette contamination étaient consolidées au 31 décembre 1997 ; qu'ainsi, alors même que l'intéressé a eu connaissance dès l'été 1997 de l'éventuelle imputabilité de ladite contamination à des transfusions subies en 1990, c'est à tort que, par son jugement du 4 octobre 2005, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a regardé les créances des consorts X et celle de la caisse primaire d'assurance maladie comme atteintes par la prescription quadriennale, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; que la prescription décennale instituée par cette loi n'est pas davantage opposable aux requérants ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n'est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été hospitalisé en janvier 1990 à la clinique de la Plaine, à Clermont-Ferrand, en raison d'une hémorragie gastrique ; qu'à cette occasion il a fait l'objet de transfusions avec des produits sanguins élaborés et fournis par le centre de transfusion sanguine du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand ; que M. X s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C en mars 1994 ; que l'enquête transfusionnelle menée par l'Etablissement de transfusion sanguine Auvergne-Nivernais a permis de retrouver les donneurs à l'origine des produits sanguins transfusés à la victime et de constater que l'un d'eux était contaminé par le virus de l'hépatite C de génotype identique à celui qui infecte le requérant ; que ce faisceau d'éléments confère un degré suffisamment élevé de vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle la contamination de M. X aurait pour origine les transfusions incriminées ; qu'ainsi le lien de causalité entre la contamination dont s'agit et les transfusions dont l'intéressé a fait l'objet, qui n'est d'ailleurs pas contesté en appel, doit être regardé comme établi ; que dans ces conditions, les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas retenu la responsabilité de l'Etablissement français du sang, légalement et conventionnellement substitué dans les droits et obligations du Centre hospitalier régional universitaire de Clermont-Ferrand, à raison des conséquences dommageables de la contamination de M. X ;




Sur l'évaluation des préjudices :

Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer l'étendue des préjudices nés de la contamination de M. X par le virus de l'Hépatite C ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur les droits à réparation des consorts X, d'ordonner une expertise aux fins et dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt ;

Sur les demandes de provision :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, et dès lors que les consorts X justifient de préjudices dont l'existence n'est pas sérieusement contestable, il y a lieu de condamner l'Etablissement français du sang à verser, à titre d'indemnité provisionnelle, une somme de 8 000 euros à M. X ; qu'il n'y pas lieu, en revanche, d'accorder une provision au titre du préjudice moral de Mme X et de Mlles Charlotte et Cécile X ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 4 octobre 2005 est annulé.
Article 2 : L'Etablissement français du sang est déclaré responsable de la contamination de M. X par le virus de l'hépatite C.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation des consorts X, procédé à une expertise en vue :

- d'examiner M. X et de reconstituer l'histoire médicale à compter de sa contamination par le virus de l'hépatite C en détaillant l'ensemble des pathologies présentées, les dates, les lieux et les modalités de leur prise en charge médicale ;
- de qualifier le degré d'activité de l'affection hépatique et de préciser le sens de son évolution (stabilisation ou aggravation) ;
- de déterminer et définir les préjudices de toute nature causés par cette contamination, notamment le taux d'incapacité, les souffrances endurées, le préjudice d'agrément, le préjudice moral de la victime et de son entourage familial proche ;

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : L'Etablissement français du sang versera, à titre d'indemnité provisionnelle, une somme de 8 000 euros à M. X.
Article 6 : Le surplus des conclusions des consorts X à fin d'indemnité provisionnelle est rejeté.
Article 7 : L'Etablissement français du sang versera une somme de 1 500 euros aux consorts X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 05LY01888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05LY01888
Date de la décision : 02/01/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERTHOUD
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : MAUDRET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-01-02;05ly01888 ?
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