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06/12/2007 | FRANCE | N°07LY00011

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 06 décembre 2007, 07LY00011


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 4 janvier 2007, présentée pour M. Kamel X, domicilié ..., par Me Nadir Ouchia, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605759 en date du 21 septembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 18 septembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la dé

cision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme dest...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 4 janvier 2007, présentée pour M. Kamel X, domicilié ..., par Me Nadir Ouchia, avocat au barreau de Lyon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605759 en date du 21 septembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 18 septembre 2006, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au bénéfice de Me Ouchia, conseil de M. X, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
_____________________________________________________

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2007 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- les observations de M. Guinet, pour le préfet du Rhône ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône :
Considérant que par un jugement en date du 21 septembre 2006, notifié le même jour à 18h10, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de l'intéressé pour irrecevabilité ; que M. X a entendu faire appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Lyon ; qu'il a alors sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 18 octobre 2006 dans le délai d'appel d'un mois ; que par décision du 14 novembre 2006, notifiée le 5 décembre 2006, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon a accordé à l'intéressé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, la requête d'appel, enregistrée le 4 janvier 2007, n'était pas tardive ; que le moyen tiré de ce que cet appel serait irrecevable manque donc en fait ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif. (…) »

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a reçu notification de l'arrêté du préfet du Rhône du 18 septembre 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière le même jour à 15h00 ; que la requête de l'intéressé tendant à l'annulation dudit arrêté et de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite contient deux dates d'enregistrement au greffe du Tribunal administratif de Lyon ; qu'une première date d'enregistrement a été fixée par les services du greffe du Tribunal le 20 septembre 2006 à 13h48 ; qu'une seconde date a été apposée par le tampon horodateur du Tribunal le 20 septembre 2006 à 15h38 ; que seule la première date d'enregistrement permet de considérer que la requête de l'intéressé a été enregistrée dans le délai de recours contentieux ; qu'étant en présence de deux dates d'enregistrement contradictoires, la plus favorable des deux dates d'enregistrement doit être prise en compte ; qu'ainsi, la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le pays de renvoi, n'était pas tardive ; qu'il suit de là que le jugement du 21 septembre 2006 qui a opposé une telle irrecevabilité à la demande de M. X pour la rejeter doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…)2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, entré en France le 18 juin 2004 sous couvert d'un visa de court séjour, s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 18 septembre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 18 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; que la circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas, dans ses visas, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié n'est pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait commis un détournement de procédure n'est assorti, en tout état de cause, d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que, si M. X a déposé un dossier à la mairie du 8ème arrondissement de Lyon en vue d'un mariage avec une ressortissante française, prévu le 28 octobre 2006, et que s'il a été interpellé le 17 septembre 2006 par les services de police au cours d'un contrôle routier, il ressort des pièces du dossier, que le préfet du Rhône n'avait pas connaissance, avant cette date, du caractère irrégulier du séjour en France de l'intéressé, ce-dernier ne s'étant jamais manifesté auprès des services préfectoraux depuis son entrée sur le territoire français ; que c'est donc son audition par les services de police qui a révélé le caractère irrégulier du séjour en France de l'intéressé ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas eu pour motif déterminant de prévenir et d'empêcher le mariage qu'il projetait ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que les circonstances dans lesquelles a été prise la décision attaquée seraient de nature à révéler un détournement de pouvoir ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que l'intéressé soutient qu'il vit en concubinage depuis 16 mois avec une ressortissante de nationalité française qu'il a épousé religieusement en juillet 2005 et avec laquelle il projette de se marier civilement le 28 octobre 2006 ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que M. X, âgé de trente-trois ans, est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où réside l'ensemble des membres de sa famille ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celui-ci sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant, que contrairement à ce que soutient M. X, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreur de droit consistant à n'avoir pas examiné sa situation au regard de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors que les stipulations de cet accord international se limitent à organiser les conditions d'entrée et de séjour des algériens en France et ne sont donc pas applicables aux mesures prononçant leur éloignement ;

Considérant, que le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur de fait n'est assorti, en tout état de cause, d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant que si l'intéressé fait valoir que la décision attaquée a violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Sur la légalité externe :

Considérant que M. X soutient que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et est entachée d'un détournement de procédure ; que ces moyens ne sont appuyés d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur la légalité interne :

Considérant que M. X soutient que la décision fixant le pays de destination de sa reconduite a violé les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle, ainsi que d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ;

Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision attaquée ; que les autres moyens susvisés ne sont appuyés d'aucun argumentaire précis et circonstancié permettant au juge de la reconduite d'apprécier leur bien-fondé ; qu'ils ne peuvent donc qu'être écartés ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône prononçant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Bescou, avocat de M. X, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. X devant la Cour administrative d'appel de Lyon sont rejetés.
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N° 07LY00011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 07LY00011
Date de la décision : 06/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : OUCHIA NADIR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-06;07ly00011 ?
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