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06/12/2007 | FRANCE | N°06LY02351

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 06 décembre 2007, 06LY02351


Vu le recours, enregistré le 29 novembre 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606645 en date du 6 novembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 18 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Samir X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, lui a enjoint de délivre

r une autorisation provisoire de séjour à M. Samir X et de procéder au réexamen ...

Vu le recours, enregistré le 29 novembre 2006, présenté pour le PREFET DU RHONE, par Me Schmitt, avocat au barreau de Lyon ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606645 en date du 6 novembre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 18 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Samir X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. Samir X et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de cinq cents euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Samir X devant le Tribunal administratif de Lyon ;
_________________________________________________________

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2007 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- les observations de Me Guerault, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X,, de nationalité algérienne, entré régulièrement sur le territoire français le 15 juin 2001, a vu son admission au statut de réfugié refusée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 22 octobre 2001, confirmée par la commission de recours des réfugiés le 14 mai 2002, et sa demande d'asile territoriale rejetée par décision du 16 juillet 2003 du ministre de l'intérieur ; qu'une décision de refus de séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire en date du 30 octobre 2003 lui a été notifiée le 3 novembre 2003 ; que, n'ayant pas obtempéré à cette invitation, il a fait l'objet, le 22 mars 2006, d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que cette mesure d'éloignement a été annulée pour insuffisance de motivation par jugement, devenu définitif, du Tribunal administratif de Lyon en date du 6 avril 2006 ; qu'en exécution de ce jugement, M. X a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour qui a été retirée par le PREFET DU RHONE, par décision du 23 juin 2006, laquelle décision a également confirmé le refus de séjour du 30 octobre 2003, après réexamen de la situation de l'intéressé ; que M. X se trouvait ainsi, le 18 octobre 2006, dans le cas où, en application des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière, sans que soit de nature à y faire obstacle la circonstance que l'intéressé était susceptible d'entrer dans les prévisions du 3° du même article, dès lors qu'il s'était vu opposer un refus de séjour ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU RHONE, le 18 octobre 2006, à l'encontre de M. X, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que cette décision méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que s'il pouvait le faire sans méconnaître l'autorité relative de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal administratif de Lyon du 28 février 2006 qui a rejeté la demande déposée par M. X tendant à l'annulation du refus de séjour du 30 octobre 2003, en l'absence d'identité d'objet entre les deux litiges, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X, qui est âgé de vingt-six ans, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où vivent notamment sa soeur et l'un de ses frères et où lui même a résidé jusqu'à l'âge de vingt et un ans ; que s'il fait valoir que son grand-père a combattu au sein de l'armée française et a vécu en France et que ses parents et deux de ses frères séjournent régulièrement sur le territoire français, et ce, depuis de nombreuses années en ce qui concerne son père, il n'établit pas que sa présence auprès de sa mère, qui n'est pas isolée en France, serait indispensable à cette dernière ni qu'il ne disposerait pas d'une autonomie lui permettant de se réinsérer et de vivre normalement dans son pays d'origine ; que nonobstant son action en tant que bénévole au sein d'une association et sa volonté d'intégration professionnelle, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la mesure d'éloignement en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DU RHONE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, l'arrêté litigieux ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-avant, que la mesure d'éloignement en litige a été prise sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui du 3° de ce même article ; que, dès lors, les moyens dirigés contre la décision du 23 juin 2006, en ce qu'elle constitue un refus de délivrance de titre de séjour, sont inopérants car soulevés à l'encontre d'une décision n'ayant pas servi de base légale à l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…)» ;

Considérant que pour les motifs ci-avant énoncés, l'arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 18 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Samir X ainsi que sa décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. Samir X et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de cinq cents euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que par suite les conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement n° 0606645 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 6 novembre 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
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N° 06LY02351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02351
Date de la décision : 06/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : DOMINIQUE SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-06;06ly02351 ?
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