Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 14 novembre 2006, présentée pour Mlle Louise X, domiciliée chez M. Jean-Marie X, ..., par Me Nechadi, avocat au barreau de Grenoble;
Mlle X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604665 en date du 13 octobre 2006, rectifié par ordonnance du 18 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 octobre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 051 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2007 :
- le rapport de M. Vialatte, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré du défaut de compétence du signataire du rejet du recours gracieux du 18 juillet 2006 qui avait été soulevé devant lui ; que, toutefois, cette décision, purement confirmative du refus de titre de séjour du 6 juin 2006, ne constituait pas le fondement légal de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ; que les moyens qui étaient dirigés contre elle étaient, dès lors, inopérants ; que, par suite, en ne statuant pas sur ce moyen, le premier juge n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Considérant, en second lieu, que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que la délégation de signature du 27 mars 2006 dont disposait l'auteur du refus de séjour, de l'arrêté de reconduite à la frontière et de la décision fixant le pays de renvoi, qui est citée dans le jugement, ne lui a pas été communiquée en violation du principe du contradictoire, dès lors que cette délégation de signature a fait l'objet d'une publicité régulière au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère du mois de mars 2006 ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité camerounaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 juin 2006, de la décision du préfet de l'Isère du 6 juin 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 3 octobre 2006, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511 ;1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que contrairement aux allégations de la requérante, l'arrêté de reconduite à la frontière contesté a été pris après examen préalable de sa situation personnelle et qu'il y a lieu, par adoption des motifs du premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et de l'incompétence de son auteur ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour du 6 juin 2006 et du rejet du recours gracieux du 18 juillet 2006 :
Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre le rejet du recours gracieux du 18 juillet 2006, qui n'a pas servi de base légale à l'arrêté de reconduite à la frontière, sont inopérants ;
Considérant, en deuxième lieu, que contrairement aux allégations de la requérante, le refus de séjour du 6 juin 2006 a été pris après examen préalable de sa situation personnelle et qu'il y a lieu, par adoption des motifs du premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et de l'incompétence de son auteur ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (…) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge ; (…) » et qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers, aujourd'hui repris aux articles R. 311-1 à R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, est tenu de se présenter (…) à la préfecture (…) pour y souscrire une demande de carte de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. (…) La demande doit être présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X est entrée sur le territoire français le 24 juillet 2005, munie d'un passeport revêtu d'un visa valable trente jours et qu'il est constant qu'elle a déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement du 2° précité de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 25 août 2005, soit après l'expiration du visa dont elle était titulaire ; qu'elle se trouvait ainsi, à la date du dépôt de sa demande, en situation irrégulière au regard du droit au séjour, sans que puisse y faire obstacle la double circonstance qu'un récépissé lui aurait été délivré lors dudit dépôt ni les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 qui ne sauraient être utilement invoquées par la requérante pour établir la régularité de son séjour ; que le préfet de l'Isère n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant, par décision du 6 juin 2006, la délivrance d'un titre de séjour ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « (…) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (…) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X est âgée de vingt-sept ans, est célibataire et sans enfant et a toujours vécu au Cameroun, jusqu'à son entrée sur le territoire français, moins d'un an avant la décision en cause ; que si son père et ses trois demi-frères et soeur, tous quatre de nationalité française, résident en France depuis 2003, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Cameroun, où elle a continué de vivre et d'étudier après le départ de son père, et ne justifie pas de circonstances qui réduiraient son autonomie personnelle ; que, par suite, en opposant un refus, par décision du 6 juin 2006, à sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Isère n'a méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313 ;11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en cinquième lieu, que Mlle X n'entrant pas, ainsi qu'il a été dit ci-avant, dans le champ d'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou de celles du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne soutenant pas remplir les conditions des autres dispositions de ces articles, le préfet de l'Isère n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de titre de séjour litigieuse ;
Considérant, en sixième lieu, que Mlle X ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer directement les dispositions de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 à l'appui de son recours dirigé contre un acte individuel de refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne les autres moyens :
Considérant, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, que l'arrêté de reconduite à la frontière contesté n'a méconnu, ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ou du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :
En ce qui concerne sa légalité externe :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs du premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de cette décision et de l'incompétence de son auteur ;
En ce qui concerne sa légalité interne :
Considérant que si Mlle X soutient que son retour au Cameroun aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle, dès lors qu'en l'absence de personne susceptible de l'accueillir et de l'héberger, elle serait livrée à elle même et sa sécurité morale, sa santé et sa vie personnelle, sociale et familiale seraient compromises, il ressort des pièces du dossier, qu'âgée de vingt-sept ans, elle a toujours vécu au Cameroun depuis sa naissance jusqu'à l'âge de vingt-six ans, y a étudié et ne justifie pas ne pas disposer d'une autonomie personnelle lui permettant de retourner dans son pays d'origine pour y vivre normalement, alors même que durant les deux dernières années de sa présence dans ce pays, où elle n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales, son père se trouvait déjà en France ; que, par suite, en décidant sa reconduite à destination du Cameroun le préfet de l'Isère n'a entaché sa décision, ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.
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N° 06LY02238