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06/12/2007 | FRANCE | N°06LY02177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique -1ère chambre, 06 décembre 2007, 06LY02177


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 31 octobre 2006, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606584 du 25 octobre 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Oruc X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant

son maintien en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 31 octobre 2006, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606584 du 25 octobre 2006 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 23 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Oruc X ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son maintien en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. Oruc X devant le tribunal administratif ;
__________________________________________________________

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association relative au développement de l'association entre la communauté économique européenne et la Turquie ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2007 :

- le rapport de M. Vialatte, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le pli contenant la décision de refus de titre séjour prise par le PREFET DE L'ISERE le 13 avril 2005 a été envoyé, en recommandé avec avis de réception, à une adresse dont il n'est pas contesté qu'elle était celle communiquée par M. X au préfet de l'Isère ; qu'il a été présenté à cette adresse par la poste, le 15 avril 2005, avant d'être retourné à la préfecture de l'Isère, le 2 mai 2005, avec la mention « non réclamé » ; que la notification de ladite décision doit ainsi être réputée régulièrement intervenue le jour de la présentation du courrier au domicile déclaré de M. X, soit le 15 avril 2005 ; qu'en conséquence, M.X s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de cette décision assortie d'une invitation à quitter le territoire, il était, à la date de l'arrêté attaqué, dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré du défaut de base légale de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X pour annuler cette mesure d'éloignement et par voie de conséquence la décision du même jour fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et la décision de placement de l'intéressé en centre de rétention administrative ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon et devant la Cour ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que cet arrêté a été signé par M. Michel Morin, nommé préfet de l'Isère par décret du 9 mars 2006 ; que le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux a été pris après examen préalable de la situation personnelle de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement ; que, dès lors, il a été pris à l'issue d'une procédure régulière et est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X ne peut invoquer utilement l'article 6 de la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980, prise par le conseil d'association institué par l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 modifié stipulant que : « (…) le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : /- a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi ;(…) », ces dispositions ne s'appliquant qu'au droit du travail et non au droit au séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France le 8 décembre 2003, à l'âge de 22 ans, pour rejoindre son épouse française ; qu'à compter du mois de mai 2004, la communauté de vie entre les deux époux a toutefois cessé et qu'aucun enfant n'est né de cette union ; que si M.X soutient entretenir une relation amoureuse depuis l'été 2004 avec une ressortissante française avec laquelle il a un projet de mariage, il n'allègue pas mener, à la date de la décision contestée, une vie commune avec cette dernière et ne justifie pas de la réalité d'une relation stable et ancienne ou d'un projet de mariage ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie ; que la seule circonstance selon laquelle M. X dispose d'une promesse d'embauche et entretient des liens amicaux en France ne saurait faire regarder l'arrêté attaqué comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis par cette décision ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a perdu en Turquie, honneur et emploi, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en désignant ce pays comme destination de la reconduite à la frontière ;

Sur la décision distincte ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

Considérant que la décision du 23 octobre 2006 prononçant le maintien de M. X en rétention administrative est régulièrement motivée par l'impossibilité de mettre immédiatement à exécution l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, en raison des voies de recours offertes contre cette dernière décision et de la procédure de réservation des modes de transport mise en oeuvre par le ministère de l'intérieur, et par le fait que l'intéressé ne justifie pas de garanties de représentation effectives ; que M. X ne justifiait pas d'une adresse fixe connue par l'administration et n'était pas en mesure, au jour de la décision, de présenter un passeport en cours de validité ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE a pu, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur de fait, décider le placement de M. X dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés du 23 octobre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 25 octobre 2006 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.
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N° 07LY02177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique -1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06LY02177
Date de la décision : 06/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul VIALATTE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CLEMENTINE FRANCES ET AUDREY LEREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-12-06;06ly02177 ?
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