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16/10/2007 | FRANCE | N°04LY00566

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2007, 04LY00566


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 avril, 8 juillet et 9 août 2004, présentés pour M. Robert X, domicilié ... par la SCP Dousset-Brousse-Brandomir-Roncolato-Limagne-Fribourg- Sanson et associés ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 031596 du 26 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2003 du préfet du Puy de Dôme le mettant en demeure de cesser immédiatement toute activité chirurgicale ;

2°) d'annuler lad

ite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement ...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 20 avril, 8 juillet et 9 août 2004, présentés pour M. Robert X, domicilié ... par la SCP Dousset-Brousse-Brandomir-Roncolato-Limagne-Fribourg- Sanson et associés ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 031596 du 26 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 2003 du préfet du Puy de Dôme le mettant en demeure de cesser immédiatement toute activité chirurgicale ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2007 :

- le rapport de M. Berthoud, président ;

- les observations de M. X ;

- et les conclusions de M. d'Hervé, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'enquête administrative menée conjointement par les services de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales et de la direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes sur l'activité du docteur X, médecin généraliste à Clermont-Ferrand, a relevé notamment que ce médecin pratiquait à son cabinet des actes chirurgicaux tels que dermabrasion par meulage du visage, hémorroïdectomie, ablation de tumeur cutanée maligne et blépharoplastie, dont la sécurité ne pouvait être assurée, eu égard à un environnement chirurgical manifestement inadapté et à une surveillance médicale insuffisante ; que le préfet du Puy de Dôme, ayant eu connaissance du rapport d'enquête, en date du 30 juillet 2003, a mis en demeure le docteur X, par arrêté du 28 août 2003, sur le fondement des dispositions législatives précitées, de cesser immédiatement son activité chirurgicale, au motif notamment qu'eu égard à l'ensemble de ses conditions d'exercice, celle-ci était de nature à porter atteinte à la sécurité sanitaire des patients ; que M. X ayant demandé l'annulation de cet arrêté, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande par jugement du 26 février 2004, contesté par l'intéressé ;

Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a substitué d'office à la base légale retenue par le préfet pour fonder l'arrêté en litige, lequel visait les articles L. 1110-1 et L. 1110-5 du code de la santé publique et les articles L. 221-1 et L. 221-6 du code de la consommation, un autre fondement, tiré de l'article de L. 4113-14 du code de la santé publique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant et l'administration, qui critiquent en appel cette substitution de base légale, aient été mis à même de présenter leurs observations sur ce point devant les premiers juges ; que dès lors, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible » ; que selon l'article L. 1110-5 du même code : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté…» ; qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de la consommation : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. » ; que l'article L. 221-6 de ce code dispose : « Les agents qui ont procédé aux contrôles transmettent au représentant de l'Etat dans le département les résultats de leurs investigations accompagnés de leurs propositions sur les mesures à prendre (…) En cas de danger grave ou immédiat, le représentant de l'Etat dans le département prend les mesures d'urgence qui s'imposent… » ;

Considérant, en premier lieu, qu'en prenant une mesure d'urgence, destinée à prévenir un danger grave et immédiat pour les patients du requérant, le préfet n'a pas méconnu les limites de la compétence en matière de police sanitaire qu'il tient de l'article L. 221-6 précité du code de la consommation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public… » ; qu'eu égard aux résultats de l'enquête administrative, qui commandaient d'interrompre dans les délais les plus brefs l'activité chirurgicale exercée au cabinet du docteur X, le préfet a pu régulièrement mettre en demeure l'intéressé de suspendre cette activité sans recourir au préalable à la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une atteinte aux droits de la défense, la décision attaquée n'ayant pas, eu égard à son objet et à ses motifs, le caractère d'une sanction professionnelle ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que l'enquête administrative aurait été entachée de partialité, ni qu'elle se serait déroulée dans des conditions de nature à porter atteinte au secret médical, ni enfin que M. X aurait signé le procès-verbal d'enquête sous la contrainte ; que si le requérant fait valoir également que cette enquête a été effectuée à l'improviste, par des agents non assermentés, non revêtus de tenues médicales adaptées, ces allégations ne sont pas de nature à établir que la décision en litige serait fondée sur des éléments recueillis dans des conditions irrégulières ; que le requérant ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir d'une décision, en date du 15 septembre 2005, de la Section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins, qui ne s'est pas prononcée sur la régularité de l'enquête et a d'ailleurs relevé, sur le fond, qu'il avait fait courir à certains de ses patients des risques injustifiés ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard notamment à l'absence de dossiers médicaux individualisés permettant un suivi pré- et post ;opératoire, et surtout au caractère défaillant des installations et au défaut de respect des règles d'hygiène, la réalisation d'actes chirurgicaux dans le cabinet médical du docteur X était de nature à mettre en danger la sécurité des patients ; que si le préfet s'est fondé sur d'autres motifs pour prendre la décision en litige, et notamment sur l'absence d'autorisation détenue par le docteur X pour procéder à de tels actes, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le premier motif, qui pouvait à lui seul justifier légalement la mise en demeure contestée ;

Considérant enfin que la circonstance que M. X aurait été privé de garanties attachées spécifiquement à l'application de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui ne trouve pas sa base légale dans ce texte législatif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en litige ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 26 février 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

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N° 04LY00566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 04LY00566
Date de la décision : 16/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERTHOUD
Rapporteur ?: M. Joël BERTHOUD
Rapporteur public ?: M. D'HERVE
Avocat(s) : BOUILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-10-16;04ly00566 ?
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