Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 24 novembre 2006, présentée pour M. Mohamed X, domicilié chez ..., par Me Deschamps, avocat au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604822 en date du 26 octobre 2006, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 octobre 2006, par lequel le préfet de l'Isère a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2007 :
- le rapport de M. Chabanol, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 avril 2006, de la décision du préfet de l'Isère du 13 avril 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 3 octobre 2006, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco ;algérien modifié : « (…) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (…) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (…) » ; qu'aux termes de l'article 7 ;5, dans sa rédaction alors en vigueur, du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 : « Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (…), le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. (…) Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (…) » ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : « (…) Le médecin inspecteur de santé publique (…) émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (…) » et qu'aux termes de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique : « Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit (…) permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 13 avril 2006 du préfet de l'Isère refusant la délivrance d'un certificat de résidence à M. X au titre du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien a été prise au vu des avis du médecin inspecteur de la santé publique en date du 6 décembre 2004 et du 26 janvier 2006 mentionnant que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale spécialisée dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il doit pouvoir bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine ; qu'à la suite du recours gracieux formé par l'intéressé, le préfet de l'Isère a saisi à nouveau le médecin inspecteur de santé publique qui, le 1er juin 2006, a confirmé ses précédents avis ; que le préfet de l'Isère a rejeté, par décision du 13 juin 2006, le recours gracieux ainsi déposé ; que les copies des avis médicaux en cause, qui comportent une signature illisible, ne contiennent pas l'indication des nom et prénom de leur auteur ; qu'il n'est allégué par le préfet de l'Isère aucune circonstance qui aurait permis, en l'espèce, d'identifier l'auteur ou les auteurs de ces avis, lesquels sont, dès lors, et tels qu'il figurent au dossier, irréguliers au regard des dispositions précitées de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ; que la décision du 13 avril 2006, qui a été prise au vu d'avis irréguliers du médecin inspecteur de santé publique, est elle-même entachée d'irrégularité et que l'arrêté de reconduite à la frontière du 3 octobre 2006, qui a été pris sur le fondement de ce refus de séjour illégal, est, par suite, entaché d'illégalité ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, de la décision du même jour désignant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (…) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas. » ;
Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer, sans délai, à M. X, une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que M. X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 26 octobre 2006, ensemble l'arrêté du 3 octobre 2006 du préfet de l'Isère ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer, sans délai, à M. X, une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 06LY02321